« Il est énervant, car c’est vraiment un facho sympa », confie un avocat engagé à gauche. Amateur de triathlon, fan du groupe de rock anglais The Smiths et du chanteur Morrissey, il a conservé intacts ses idéaux de jeunesse. Voilà pourquoi maître David Dassa-Le Deist a décidé de porter la robe pour défendre le Front national dans les tribunaux.
C’est en janvier 2015 que cet avocat âgé de 43 ans a repris en main les affaires judiciaires du FN, succédant ainsi à Wallerand de Saint-Just. Mardi 20 octobre, c’est donc lui qui assistera Marine Le Pen au tribunal de Lyon où cette dernière sera jugée pour incitation à la haine raciale.
Les propos incriminés datent de décembre 2010 lorsque cette dernière – alors en campagne pour la présidence du parti – avait comparé lors d’un meeting les prières de rues des musulmans à « une occupation ». Tollé général. « Marine Le Pen a comparé les prières de rues des musulmans à l’occupation nazie », fulmine l’Observatoire national contre l’islamophobie du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui s’est constitué partie civile. Marine Le Pen aurait pu facilement demander le renvoi de l’audience prévue mardi, mais elle ne l’a pas fait. La candidate à la présidence de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie entend bien utiliser ce procès comme une tribune pour défendre la laïcité et crier au « délit d’opinion ».
« Pas d’antisémitisme au FN »
Vêtu d’une chemise brodée avec ses initiales et d’une cravate arborant des rhinocéros, Me Dassa-Le Deist se prête volontiers au jeu du portrait. Pour lui, ce sera un « menu végétarien », précise-t-il attablé à un restaurant à deux pas de l’Assemblée nationale.
Avant d’expliquer avoir adopté ce régime parce qu’en réalité il mange casher. « Je suis juif. Je pratique parfois ma religion », glisse-t-il timidement.
À ses amis qui s’étonnent de trouver un juif parmi les partisans du FN, Dassa-Le Deist répond : « Je n’ai jamais ressenti d’antisémitisme dans ce parti. Je n’y ai vu que des gens qui aiment leur pays, des patriotes, y compris lorsque Jean-Marie Le Pen dirigeait le FN. » Mais l’avocat du FN reconnaît que davantage de membres de la communauté juive prêtent l’oreille aux idées frontistes depuis que Marine Le Pen a succédé à son père en janvier 2011.
« Marine Le Pen n’est pas vue comme un épouvantail chez les juifs. L’antisémitisme a changé de nature : aujourd’hui, les juifs des quartiers populaires ne sont pas pris à partie par des militants d’extrême droite, mais le plus souvent par des musulmans », explique Dassa-Le Deist.
Il est vrai que la candidate à l’Élysée ne cesse de rassurer les Français de confession juive, tout en dénonçant « l’islamisation de la société ». Dans les colonnes du Point, tout juste élue à la tête du FN, elle s’était d’ailleurs démarquée de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz, en affirmant que les camps nazis « ont été le summum de la barbarie ».
De l’extrême droite radicale au FN
« Je pensais avoir la vocation de soldat », explique ce féru de boxe anglaise. Finalement, s’il a embrassé une carrière d’avocat, ce n’est ni par envie de célébrité, ni par goût de l’argent, mais par amour pour… la castagne politique. « Dès l’âge de onze ans, j’étais contre le communisme et j’avais un goût très prononcé pour la politique », explique-t-il entre la poire et le fromage. Originaire de Montrouge (Hauts-de-Seine), le jeune homme s’inscrit en classe préparatoire à Saint-Cyr avant d’atterrir à la faculté de droit. Après une thèse et un doctorat en droit pénal, il prête serment en février 2005.
Il a défendu brièvement Esteban Morillo – un skinhead mis en cause dans la mort de l’antifasciste Clément Méric en 2013 –, le groupuscule radical de la Ligue de défense juive, ou encore le Bloc identitaire, un mouvement d’extrême droite radical.
C’est en 2008 qu’il rencontre pour la première fois Marine Le Pen via une connaissance commune. « Marine Le Pen est la responsable politique la plus humiliée et la plus attaquée. C’est attentatoire à son image et à sa dignité. C’est un honneur de la défendre », explique Me Dassa-Le Deist. Même ses adversaires saluent ses compétences. « Ses plaidoiries sont très construites, juridiquement étayées. Il fait autant de droit que de politique », affirme Me Erwan Lorvellec, l’avocat de Jean-Luc Mélenchon dans l’affaire des faux tracts aux législatives de 2012. Un autre renchérit : « Je préfère avoir affaire à Me Dassa-Le Deist plutôt qu’à des crapules de gauche ou d’extrême gauche pétries de bons sentiments, mais qui se comportent mal déontologiquement. Lui au moins a une vraie conception de la déontologie et de la confraternité. »
Un fidèle à Jean-Marie Le Pen
Pour défendre le FN, l’avocat est prêt à tout. Ou presque… Car depuis la rupture entre Jean-Marie Le Pen et sa fille, Me Dassa-Le Deist fait face à un conflit de loyauté. « Jean-Marie Le Pen est un homme politique qui a beaucoup compté dans ma formation politique et intellectuelle », reconnaît-il. Pour ne pas abîmer l’idole de sa jeunesse, il a ainsi chargé Frédéric-Pierre Vos de plaider à sa place au nom du FN contre Jean-Marie Le Pen qui conteste son exclusion et la privation de son titre de président d’honneur du FN. « Ma conscience m’interdit de plaider contre Jean-Marie Le Pen », s’excuse-t-il.
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