Comment célébrer Pessa’h en confinement ?

*Message de Rav Pini Duner*

Une des questions qui revient le plus souvent en ce moment est : « Comment célébrer Pessa’h en confinement ? Comment fêter le Séder sans les enfants et petits-enfants, sans les parents et – peut-être surtout – sans le traiteur et les vacances qui nous dispensaient du ménage, des courses et de la cuisine ? Sans le rabbin qui nous disait comment agir à chaque étape du repas ? ».

Il est vrai que cette année, il y aura même de nombreuses personnes qui seront absolument seules pour cette grande soirée et qui se demandent si, dans ces conditions, ce sera encore une fête…. N’est-ce pas une obligation de célébrer le Séder en famille, avec des invités, avec quelqu’un qui sache lire l’hébreu ?

Il y a dix-huit mois, je me trouvais à New York quand un ami m’a téléphoné pour m’inviter aux fiançailles de sa fille à Monsey. J’y suis allé avec plaisir et j’y ai rencontré mon ami, Rav Yossef Yits’hak Jacobson, le conférencier bien connu. Je savais qu’il avait grandi à Crown Heights, sur Montgomery Street, non loin du domicile du Rabbi.

Je me suis toujours demandé pourquoi on n’avait jamais souligné un aspect important de la vie du Rabbi. Avec son épouse, la Rabbanit ‘Haya Mouchka, il menait une vie très simple, il prenait ses repas de Chabbat avec son épouse, sans invités, sans personne autour d’eux. … Alors qu’il avait des centaines de milliers de partisans qui ne rêvaient sans doute que de cela : participer aux repas du Rabbi !

Rav Jacobson renchérit sur la question : « Plus encore ! Il y a quelques semaines, j’ai tenu une conférence devant une assemblée de femmes qui élèvent seules leurs enfants et, à la fin, je leur ai demandé si elles avaient des questions. L’une d’entre elles m’a alors raconté son histoire, vraiment bouleversante :
« Il y a quelques mois, c’était Pessa’h. Avec mon ex, nous avions convenu – après des années de dispute devant les tribunaux – de nous partager les enfants pour les fêtes. Ce dernier Pessa’h, c’était à mon tour de les héberger et j’étais folle de joie. J’ai nettoyé la maison de fond en comble, j’ai tout préparé, c’était nickel, avec une très jolie table et des repas bien organisés. J’en avais parlé à tous mes amis, à mes parents, à mes frères et sœurs : j’aurai mes enfants chez moi pour le Séder, inutile de m’inviter cette année !
« Une heure avant Yom tov, patatras !
« Pour une raison ou pour une autre, mon ex m’informait que les enfants ne pourraient pas venir chez moi !
« J’ai failli m’évanouir ! J’avais le cœur brisé ! De plus, je me sentais coupable : bien sûr, j’aurais pu téléphoner à mes parents ou à des amis proches qui m’auraient invitée comme cela, à la dernière minute. Mais j’étais trop blessée, je n’avais envie de parler à personne, plus rien n’avait de sens, j’étais vidée de toute mon énergie.
« Alors j’ai fait le Séder toute seule. Ce fut la plus terrible soirée de Séder de ma vie. Je n’ai pas arrêté de pleurer ! Ce n’était pas Pessa’h pour moi, c’était Ticha Beav ! Je n’avais pas besoin de manger du Maror, tout était amer autour de moi ! J’ai lu la Haguada, mangé la Matsa, bu les quatre verres de jus de raisin … En tout vingt-cinq minutes !
« Rav Jacobson ! Ai-je bien agi ? Ai-je rempli mes obligations ? Est-ce qu’on peut appeler cela un Séder, 25 minutes et c’est tout ? ».

Rav Jacobson réfléchit, me dit-il et je le crois volontiers. Moi aussi, il m’arrive de donner des conférences et je sais ce qu’il a pu ressentir devant pareille question. On prépare ce qu’on veut transmettre mais, parfois, le challenge est tel que les mots qu’on prononce sont vraiment un cadeau de D.ieu et pas du tout quelque chose qu’on aurait pu imaginer. Voilà ce qu’il a répondu :
« En 1988, l’épouse du Rabbi est décédée et il est resté seul puisqu’ils n’avaient pas d’enfants. Elle est décédée en février et, deux mois plus tard, c’était Pessa’h. Chaque année, le Rabbi et la Rabbanit avaient célébré le Séder seuls. Mais cette année, pour la première fois, il serait seul !
Je me souviens qu’un jeune garçon, Arié Halberstam (qui, en 1994 fut assassiné dans l’attentat du Pont de Brooklyn par un terroriste arabe) s’est approché du Rabbi après l’office de Maariv et, à l’instigation de sa mère, a invité le Rabbi à venir célébrer le Séder chez eux. Cette famille habitait sur Eastern Parkway, à un bloc du 770. Le Rabbi a souri mais a poliment refusé l’invitation : il célébrerait le Séder dans son bureau, au 770.
J’étais un jeune étudiant de Yechiva à l’époque, continue Rav Jacobson et j’en suis témoin direct. Le secrétaire du Rabbi, Rav Leibel Groner – que D.ieu lui accorde encore de longues années en bonne santé – s’était proposé pour passer le Séder avec le Rabbi mais le Rabbi le renvoya passer le Séder avec sa famille.
C’est ainsi que le Rabbi de Loubavitch, celui qui a inspiré tant de gens à se faire inviter dans de grands Sédarim communautaires, qui a veillé à ce que Tsahal organise le Séder pour tous les soldats retenus dans les bases, qui s’est occupé à ce que des touristes juifs puissent célébrer le Séder en Chine et à Katmandou et partout dans le monde – a célébré tout seul le Séder. La loi stipule dans ce cas que si on est seul, on se pose à soi-même les Quatre Questions et on se répond à soi-même !
Nous, quelques étudiants de Yechiva, nous sommes restés près du 770 cette nuit-là, nous ne sommes pas rentrés à la maison. Nous avons attendu dehors et, au bout de quelques heures, le Rabbi a ouvert la porte du 770 pour réciter le passage « Chefo’h ‘Hamatera » : il tenait une bougie et sa Haguada, prononça la prière, nous fit un signe de la main et rentra dans son bureau. Seul !
Chère Madame ! Si cela suffisait pour le Rabbi de Loubavitch, vous pouvez être sûre que votre Séder était parfait ! Il aurait pu célébrer le Séder avec 100 personnes, avec 1000 ou même 10 000 personnes ! Il avait personnellement veillé à ce que des milliers de gens puissent célébrer la fête dignement, avec tous les aliments nécessaires, depuis San Francisco jusqu’à la Nouvelle Zélande ! Mais quant à lui, il l’a célébré seul ! Il n’avait besoin de personne pour être proche de D.ieu en cette nuit-là, pour vivre la Sortie d’Égypte !
Je n’avais que quinze ans mais je ressentais une peine immense pour le Rabbi. Pourquoi n’avait-il invité personne ? Il aurait pu trouver quelqu’un qui n’avait jamais entendu parler de lui par exemple…. Mais quand j’entends votre histoire, je commence à comprendre certaines choses bien que ce soit uniquement ma propre appréciation. En tant que véritable leader, le Rabbi voulait donner les forces à toutes ces Nechamot qui, un jour, seraient obligées de célébrer seules le Séder, afin qu’elles sachent que, même si leur Séder manquait de décorum, il était aussi puissant et agréé par D.ieu. Tous les personnages de l’Histoire juive au cours des siècles et même la Présence de D.ieu seraient avec elles ! ».

Cette année, apparemment nombreux seront ceux et celles qui seront en petits comités ou même seuls à la table du Séder ! Ne désespérons pas et au contraire, soyons réconfortés par cette pensée : si cela suffisait pour le Rabbi, cela sera aussi bien pour moi et je trouverai en moi les ressources mentales nécessaires pour vivre le Séder de la meilleure façon possible !

​(Traduit par Feiga Lubecki )

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LACHKAR Norbert

MEME LES JUIFS QUI SERONT SEULS POUR CES FETES DOIVENT REMERCIER HACHEM D’ETRE EN VIE ET EN BONNE SANTE,CELA MONTRE QU’IL LES AIME TOUJOURS.

gerard elie

c’est vraiment navrant que l’on puisse organiser les priéres quotidiennes par visioconférence et pour pessah aucune tentative d’assister ( pour les personnes isolées comme moi et d’autres amis) à un séder familial en utilisant de tels moyens modernes .
la raison est simple : pas d’electricité le jour de féte !
comme dab , le geste l’emporte sur la raison, la simili-mitsva sur l’assistance à autrui : triste réalité qui perdure !