Bayonne retrouve son histoire juive avec un nouveau musée sur l’histoire du judaïsme 

Le 4e musée de Bayonne, consacré à l’histoire du judaïsme bayonnais, a ouvert début novembre. Depuis le XV° siècle jusqu’à aujourd’hui, il retrace l’histoire d’une communauté qui a laissé une profonde empreinte dans l’histoire bayonnaise.

Bayonne — Wikipédia

Les Juifs n’ont pas amené que le chocolat à Bayonne. C’est ce que veut montrer et démontrer le musée Suzanne et Marcel Suares de l’histoire du judaïsme bayonnais, inauguré le mercredi 2 novembre. Il est attenant à la synagogue bayonnaise, mais bénéficie d’une entrée indépendante. Il permet de retracer l’histoire de la « nation portugaise », arrivée sur la pointe des pieds, après l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, puis du Portugal en 1496, avec la toute première communauté séfarade de France à Bidache en 1570, puis à Labastide-Clairence et enfin à Bayonne. Ils amènent avec eux la fève de cacao qu’eux seuls savent travailler, et Bayonne sera la première ville à France à produire du chocolat. Des Juifs qui ont une place à part dans la cité bayonnaise, mais aussi au sein de la communauté juive de France, parce qu’ils perpétuent des rites très spécifiques.

Le musée présente des objets liturgiques appartenant à des familles bayonnaisesLe musée présente des objets liturgiques appartenant à des familles bayonnaises © Radio France – Bixente Vrignon

De grands noms bayonnais

Le musée rend hommage aussi aux grands noms de la communauté juive qui ont aussi marqué l’histoire de Bayonne. Marcel Suarès, « Fléau », 3e ligne de l’Aviron Bayonnais avant-guerre, et compagnon de la Libération de De Gaulle. Ou René Cassin, lui aussi compagnon de la Libération, auteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme et prix Nobel de la paix. L’organisation de ce musée a coûté 200.000€ financés par la mairie et des associations de donateurs juives.

La pose de la première pierre du mikvé de BayonneLa pose de la première pierre du mikvé de Bayonne © Radio France – Bixente Vrignon

Un nouveau mobilier religieux

Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, mais aussi le président du consistoire central israélite, Elie Korchia, ont assisté à la cérémonie d’inauguration du musée. Ils ont présidé aussi à la pose de la première pierre du futur mikvé, le bain rituel juif qui servira à la synagogue de Bayonne.

Bixente Vrignon  France Bleu Pays Basque

Quelques étapes de l’histoire des juifs à Bayonne

Le chocolat à Bayonne: « les consommateurs ont signé une pétition » en faveur des chocolatiers juifs

Anne Oukhemanou, docteure en Histoire, travaille et a écrit plusieurs ouvrages sur les Juifs de Bayonne. Une communauté à laquelle on doit l’arrivée du chocolat dans la ville et au Pays basque.

« Sud Ouest » : Comment les Juifs se sont-ils établis à Bayonne ? Entretien

Anne Oukhemanou : Ils sont venus très progressivement. Ils cherchaient à se réfugier en France, après leur expulsion d’Espagne ordonnée par l’édit de 1492, puis celle du Portugal avec la création de l’Inquisition en 1536.

Le choix de Bayonne, et plus largement du sud-ouest, est probablement lié à la proximité avec l’Espagne. Ils s’installent massivement dans le quartier de Saint-Esprit.

Y a-t-il consensus pour dire que cette communauté est à la source de la production de chocolat ?

Oui. En revanche, la date des premières importations de cacao et du début de la fabrication du chocolat reste inconnue. Certains historiens souhaitent imposer 1609. Mais à ma connaissance, aucune source fiable ne permet de croire à une activité chocolatière avant la fin du XVIIe siècle.

Quelle place les Juifs occupent-ils dans la production du chocolat à cette période ?

Ils ont un rôle commercial évident, car ils bénéficient de réseaux commerciaux internationaux grâce aux membres de leurs familles installés en Europe et en Amérique. Jusqu’au début du XVIIIe siècle, les négociants et marchands juifs semblent avoir le monopole du commerce de cacao.

Les experts chargés de contrôler la qualité du cacao arrivé par bateau sont tous juifs. Du point de vue du savoir-faire, ce sont eux qui ont transmis le métier aux Bayonnais non-juifs.

Et pendant le reste du XVIIIe siècle ?

Ils vont être frappés d’interdictions commerciales. En 1760, les marchands de tabac et les droguistes décident de créer une corporation de chocolatiers pour exclure les Juifs du marché du chocolat au détail. L’affaire arrange le corps de ville, composé du maire et des échevins, qui sont une majorité de négociants en concurrence avec les Juifs. Le problème, c’est que l’interdiction frappe aussi les marchands de chocolat et épiciers non-juifs, qui s’allient avec les chocolatiers de Saint-Esprit.

Les consommateurs de chocolat à Bayonne, très satisfaits de la qualité de leurs produits, signent une pétition. Les statuts de la corporation sont finalement cassés en 1767.

Progressivement, les Juifs se sont effacés de la filière chocolatière…

Au début du XIXe siècle, il y a encore sept chocolatiers juifs. Mais dans l’almanach du commerce de Bayonne de 1822, sur les vingt-deux chocolatiers répertoriés, aucun n’est juif. Je me demande si le métier n’a pas perdu de son attractivité à partir de la fin du XVIIIe siècle.

Pourquoi ?

Parce que les Juifs ont trouvé en face d’eux des concurrents parmi ceux qu’ils avaient formés. Parce qu’ils ont cherché un métier plus lucratif. Et parce que, travaillant souvent seuls, ils n’ont pas voulu ou réussi à passer de l’atelier à l’entreprise, comme les non-juifs.

Le quartier de Saint-Esprit reste associé à l’histoire des Juifs. Étaient-ils intégrés ?

Il y avait des immeubles uniquement composés de familles juives, mais bien d’autres ou Juifs et non-Juifs cohabitaient sans animosité. Via ses syndics, la communauté – qui représentait 30 % de la population de Saint-Esprit – a contribué à développer le quartier. Il est associé aux Juifs mais aussi au chocolat : les vingt-deux chocolatiers répertoriés à Bordeaux au XVIIIe siècle étaient tous nés à Saint-Esprit.

Qu’est-ce qui différencie le chocolat de l’époque avec celui d’aujourd’hui ?

Au début, le chocolat était consommé sous forme de boisson. Il était réservé à l’élite, car rare et cher. Le café devient la boisson du XVIIIe siècle, le chocolat sous forme liquide est abandonné au profit des billettes. De là, il connaît une lente popularisation, jusqu’à l’industrialisation de sa production au début du XIXe siècle. Les chocolatiers juifs travaillaient avec une pierre à chocolat, la fabrication du chocolat telle qu’on la connaît n’a plus rien à voir.

www.sudouest.fr

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Filouthai

Erreur de votre chercheuse qui cherche sans doute, mais n’a pas tout trouvé.
Je cite : «  …. se sont installés massivement dans le quartier de Saint Esprit … ».
NON, pas du tout.
1- A cette époque, Saint-Esprit était une commune libre et indépendante qui n’a été rattaché à Bayonne que bien plus tard. Ce n’était pas un quartier de Bayonne.
2- Ce sont les bayonnais qui n’ont pas souhaité que les juifs s’installent dans (à l’intérieur de) la ville de Bayonne (place militaire depuis l’époque romaine) et qui les ont relégués sur la rive droite de l’Adour à Saint Esprit où ils ont été accueillis sans discrimination, effectivement.
Les gens de Saint Esprit et les juifs venus d’Espagne ou du Portugal venaient travailler dans la journée à Bayonne et ils étaient contrôlés à l’entrée du pont Saint Esprit, comme cela se faisait dans pratiquement toutes villes à cette époque.

Comme vous êtes soucieux de présenter la réalité de faits, je ne doute pas que vous publierez ce correctif.
Un natif de Saint Esprit