Ressources hydriques.
Affrontements meurtriers entre gardes-frontières iraniens et talibans afghans.
Un soldat afghan est mort ce 31 juillet lors de combats à la frontière irano-afghane. Ces affrontements, bien que brefs, sont récurrents depuis la chute de Kaboul il y a un an. Ils révèlent les liens historiquement tendus entre Téhéran et le mouvement des talibans. Des affrontements ont éclaté ce dimanche 31 juillet entre gardes-frontières iraniens et talibans, faisant un mort et un blessé côté afghan.
“Le commandant des frontières de l’Émirat islamique dans la province de Nimroz [dans le sud-ouest de l’Afghanistan] […] a indiqué qu’un soldat taliban est mort et qu’un autre a été blessé”, a affirmé Al-Jazeera.
Chacune des deux parties a accusé l’autre d’avoir ouvert le feu en premier. “Selon l’agence officielle iranienne Irna et le média semi-officiel Tasnim, les combats ont commencé lorsque les forces talibanes sont entrées sur le sol iranien à Hirmand, situé dans la province du Sistan-et-Baloutchistan, et ont tenté de hisser leur propre drapeau”, rapporte Al-Jazeera.
Une frontière disputée
L’Iran a érigé un mur intérieur, près de la frontière, pour freiner l’afflux de réfugiés après la prise du pouvoir par les talibans en août 2021. Le pays accuse les autorités afghanes de confondre le mur avec le tracé officiel de la frontière entre les deux pays.
“Les forces talibanes imaginent que le mur est la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan alors qu’il ne l’est pas. […] Les gardes-frontières ont tenté (à plusieurs reprises) de leur faire comprendre cela au cours des derniers mois”, souligne Al-Jazeera, qui cite Tasnim.
Le site Middle East Eye, de son côté, rappelle que le ministère des Affaires étrangères iranien a signalé le mois dernier la mort d’un garde-frontière iranien. L’“incident” a eu lieu à un poste-frontière avec l’Afghanistan, également au Sistan-Baloutchistan.
Plusieurs “incidents” similaires se sont produits depuis août dernier. Jusqu’ici, les autorités des deux pays les ont qualifiés de “malentendus”.
Des relations historiquement tendues
Mais ces incidents récurrents révèlent des tensions d’ordre politique entre Téhéran et Kaboul.
Tout d’abord, l’Iran n’a toujours pas reconnu le gouvernement formé par les talibans. Téhéran insiste pour que la gouvernance afghane soit représentative de la diversité ethnique et politique du pays, alors que le mouvement a formé un cabinet entièrement composé de talibans, presque exclusivement d’ethnie pachtoune.
Ensuite, les tensions portent également sur l’eau, souligne Middle East Eye : “Les deux pays sont en désaccord sur la part qui revient à l’Iran dans l’eau de la rivière Helmand.” Cette rivière transfrontalière est exploitée par l’Afghanistan, où elle trouve sa source, réduisant d’autant son débit en aval sur le territoire iranien. Malgré une “reconnaissance de droit”, les talibans n’ont pas encore levé les barrages qui permettraient à l’Iran de retrouver le débit négocié.
La question est cruciale pour Téhéran, dont la population souffre régulièrement de la sécheresse. Celle-ci a entraîné cette année plusieurs manifestations contre le pouvoir et sa gestion des ressources hydriques – notamment dans la province du Sistan-Baloutchistan.
Téhéran a en outre accueilli des millions de réfugiés afghans depuis quatre décennies, mais le dernier afflux intervient dans un contexte économique tendu par les sanctions occidentales.
Enfin, sur le plan historique, les relations avec les talibans n’ont jamais été au beau fixe, rappelle Middle East Eye. En 1998, ces derniers avaient attaqué le consulat de Téhéran dans le nord de l’Afghanistan, tuant 10 diplomates et un journaliste.
JForum.fr
Téhéran a appelé les talibans à ouvrir « largement » les vannes situées en Afghanistan pour laisser passer librement l’eau de la rivière Helmand vers l’Iran conformément au traité signé par les deux pays en 1973.
« La partie afghane a promis à notre ministre de l’Energie, Ali Akbar Mehrabian, de libérer l’eau de la rivière, mais cette promesse n’est pas suffisante. Nous exigeons que l’Afghanistan laisse passer le quota d’eau stipulé dans le traité bilatéral de 1973 », a déclaré le responsable chargé des fleuves frontaliers au ministère de l’Energie, Jabbar Vatan-Fada, à la télévision d’Etat.
La région connaît depuis plusieurs années une sécheresse à répétition. Le fleuve Helmand prend sa source dans la montagne de Baba-Yaghma, au centre de l’Afghanistan, traverse la frontière et permet d’irriguer quelque 140.000 hectares de terres agricoles dans le sud-est de l’Iran.
« Selon les termes du traité, il faut que l’eau coule de manière continue, mais les restrictions de l’autre partie (afghane) ont réduit sensiblement le débit. Nous maintenons nos exigences », a ajouté le responsable iranien. Le ministère iranien des Affaires étrangères avait annoncé en 2021 que le quota était de 26 m3 par seconde.
Fin janvier, des villageois iraniens avaient attaqué dans le sud-est du pays des camions conduits par des Afghans pour réclamer leur quota d’eau de la rivière Helmand, selon l’agence de presse officielle Irna. Des manifestations similaires avaient également éclaté devant le consulat d’Afghanistan à Zahedan, capitale de la province du Sistan-Baloutchistan, malgré l’interdiction des autorités.
L’année dernière, l’ex-président afghan, Ashraf Ghani, renversé depuis par les talibans, avait annoncé que l’Afghanistan ne fournirait plus d’eau « supplémentaire » gratuitement à l’Iran mais la lui vendrait contre du pétrole. Se basant sur le traité, l’Iran avait rejeté cette proposition alors que la question hydrique reste une source de tensions entre les deux pays.
Helmand alimentait le lac Hamun, qui est désormais tari en raison de la sécheresse et des restrictions d’eau imposées par l’Afghanistan. L’Iran, pays aride, connaît une sécheresse chronique depuis des années.
AFP
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