Some 300 new immigrants from France arrive on a special " Aliyah Flight" organized by the Jewish Agency, at Ben Gurion airport in central Israel on July 23, 2018. Photo by Miriam Alster/Flash90 *** Local Caption *** ??? ????? ??????? ??????? ????? ????? ???? ??? ???? ?????? ????

Affaire Merah, dix ans après : ces Toulousains qui ont choisi de vivre en Israël

En 30 ans, la communauté juive de Toulouse s’est réduite comme peau de chagrin. La tuerie de l’école Ozar Hatrorah en mars 2012 perpétrée par Mohammed Merah y a largement contribué. Grégory Azoulay, un ancien habitant de Launaguet (Haute-Garonne) nous raconte son choix.

Des centaines de familles toulousaines sont parties vivre en Israël, même si ce sont surtout des adolescents ou jeunes adultes qui ont fait leur alyahDes centaines de familles toulousaines sont parties vivre en Israël, même si ce sont surtout des adolescents ou jeunes adultes qui ont fait leur alyah © AFP – Vladimir PESNYA / SPUTNIK VIA AFP

Depuis les années 1990, plus de 10.000 Toulousains de confession juive, soit près de la moitié de la communauté, ont quitté la Ville rose. Le mouvement s’est amplifié après le 19 mars 2012 et la tuerie de l’école juive de Toulouse. Dans le quartier résidentiel de la Roseraie, le terroriste islamiste Mohammed Merah assassine froidement une petite fille, un père et ses deux petits garçons. Myriam Monsonégo avait huit ans et demi, Jonathan Sandler 30 ans, Arié allait avoir six ans le mois suivant, Gabriel trois ans et demi.

Ils sont nombreux à avoir fait leur « alyah », ce mouvement qui consiste pour les Juifs du monde à émigrer vers Israël. Eva Sandler, la veuve de Jonathan, et mère d’Arié et Gabriel, est partie à Jérusalem avec sa benjamine. Idem pour Jennifer, la sœur de Jonathan, et sa famille. Au collège-lycée Ozar Hatorah, à la rentrée de septembre 2012, 140 enfants étaient inscrits, contre 200 la rentrée précédente. Une génération entière, des jeunes, entre 13 et 20 ans, ont fui Toulouse. Comme la fille cadette d’Erick Lebahr, en classe de cinquième à Ozar Hatorah lors de l’attaque. Elle est partie en Israël quand elle avait 18 ans, la moitié de sa classe ne vit plus à Toulouse.

« Je n’ai pas trouvé mes voisins quand j’en avais besoin »

Grégory Azoulay, 44 ans, vit là-bas depuis huit ans avec son épouse et leurs cinq enfants. Sa fille était la camarade de Myriam, son fils partageait la classe d’Arié au Gan Rachi, près du Boulevard de Suisse. Né à Toulouse, Grégory a vécu à Launaguet dans la périphérie-nord et il a été lui-même élève à Ozar Hatorah. Il vit désormais à Netanya sur la côte méditerranéenne mais rentre régulièrement à Toulouse où il est toujours gérant de magasins de cuisine. Le correspondant de France Bleu en Israël Frédéric Métézeau a recueilli son témoignage.

Quels sont vos souvenirs de cette terrible période après l’attaque d’Ozar Hatorah ?

Je me rappelle effectivement de la surprise, de l’incompréhension, du chaos debout. Ces parents en pleurs, ces gens immobiles, debout, qui ne parlent pas. Des gens majoritairement de la communauté juive. Malheureusement très peu du monde extérieur. Si ce n’est le voisinage qui s’est senti concerné. Cette émotion, tout le monde devait l’avoir, qu’on soit juif, musulman, athée, français, chinois, peu importe. Moi, je me suis dit que les autres se disaient finalement « ils ont fait ça entre eux, ils se tuent entre eux, ils ne s’aiment pas entre eux. Nous, ça ne nous concerne pas tant que ça ». Mais non, c’est un Français qui a tué d’autres Français.

Alors oui, il y a eu des politiques et des gestes forts, c’est indéniable. Mais sincèrement, la réaction plus naturelle aurait été celle des habitants. Je ne dirais pas que j’ai été abandonné par mon pays, mais je dirais que je n’ai pas trouvé mes voisins quand j’en avais besoin. En tout cas, je n’ai pas vu mon frère français me réconforter. Il y en a eu bien sûr, je ne veux pas généraliser. Il y a eu de très beaux élans, mais c’était tellement sporadique. C’était tellement isolé que ça fait mal quelque part.

Le lendemain, la communauté juive s’est donné le mot pour ramener les enfants dans les écoles juives. Il ne fallait pas qu’ils (ndlr, les terroristes) gagnent. Les parents ont déposé leurs enfants, ils tremblaient de peur. Moi aussi, j’étais mort de peur.

J’ai eu l’impression que mes voisins ne se sentaient pas concernés. L’émotion aurait dû être plus partagée, en dehors des Juifs.

Est-ce que cette grande émotion, cette déception qui a suivi, a participé à votre émigration vers Israël ?

Comme pour beaucoup de personnes dans mon cas aujourd’hui, ça a été le déclencheur. Après, la petite différence, c’est qu’effectivement, mon épouse et moi même, on avait déjà vécu en Israël. C’était revenir aux sources. Mais même ce mot « revenir », j’ai du mal à me prononcer parce que au final, comme le dit si bien Jamel Debbouze dans ses sketchs, on ne peut pas choisir entre son père et sa mère. La France, c’est mon père, et Israël, c’est ma mère. Moi, je suis arrivé en Israël deux ans et demi après l’attentat, avec des enfants qui ne parlaient pas un mot hébreu. Il fallait qu’il se refasse des amis. Ce n’est pas un choix facile. On a cherché en priorité les écoles où il y avait très peu de Français parce qu’on voulait que les enfants soient confrontés avec les Israéliens et l’hébreu dès le départ. On avait déjà été les petits juifs de Toulouse. On ne voulait pas qu’ils soient les petits Français d’Israël. Huit ans après, ils sont complètement intégrés à la vie israélienne. Les enfants vont seuls à l’école, à la synagogue, au sport, on n’a pas l’habitude. Enfin, on va pas se mentir non plus. Des problèmes, il y en a aussi en Israël. Il faudra que j’envoie mes enfants à l’armée, mes filles deux ans, mes garçons trois ans. J’en suis conscient.

Vous revenez souvent à Toulouse ?

Oui un ou deux allers-retours par mois. On a essayé de gagner le meilleur des deux mondes. Toulouse, c’est la ville qui m’a vu naître. Donc forcément, quand j’en parle, j’ai toujours le sourire aux lèvres. Mais j’ai le cœur attaché encore là-bas. J’y ai rencontré mes meilleurs amis que j’ai encore. Pour moi, à Toulouse, ça restera toujours ma ville de cœur. La place Saint-Georges le Florida sur la place du Capitole qui nous a vu grandir, voilà, ce sont des souvenirs exceptionnels.

Est ce qu’un retour familial à Toulouse est possible? Que diriez vous si l’un de vos enfants voulait retourner à Toulouse?

Un retour à Toulouse : possible, oui évidemment. Et si mes enfants s me disent qu’un jour, ils veulent partir, habiter ou étudier, oui, je leur dirais oui, allez-y. Mais je leur dirai aussi : n ‘oubliez pas d’où vous venez, qui vous êtes, comment vous êtes arrivé là où vous êtes, qu’est ce qui s’est passé il y a quelque temps. Et faites attention à vous.

Bénédicte Dupont France Bleu Occitanie

 

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