Le récit de la visite que Jethro a rendue à Moïse et aux enfants d’Israël est rapporté dans le texte avant celui du don de la Tora au mont Sinaï, quand bien même certains de ses détails, comme la magistrature exercée par Moïse et son enseignement des lois de Hachem, suggèrent qu’elle a eu lieu plus tard.
C’est là une preuve, nous apprend Ibn Ezra, que la Tora ne respecte pas un ordre chronologique (אין מוקדם ומאוחר בתורה). Et si ce chapitre est inscrit dans le texte biblique avant celui du don de la Tora, c’est pour contraster avec le récit de la guerre menée par Amaleq contre les enfants d’Israël, récit qui est rapporté juste avant celui de la visite de Jethro. Autant Amaleq a voulu faire du mal à Israël, autant Jethro a cherché son plus grand bien.
Ramban/Nahmanide estime, au contraire, que l’ensemble de ce chapitre doit être considéré comme décrivant des événements qui ont eu lieu avant le don de la Tora.
Quant à Rachi, il propose un compromis entre ces deux opinions en « coupant » le chapitre en deux. Selon sa thèse, Jethro est effectivement arrivé avant le don de la Tora (18, 1 à 12). Cependant, les événements décrits ensuite (18, 13 à 27) ont eu lieu après cet événement. En particulier, le « lendemain » (ממחרת) dont il est question au verset 13 n’est pas le lendemain de la venue du beau-père de Moïse, mais celui du jour où celui-ci est descendu du mont Sinaï avec les secondes Tables.
La lettre mèm fait partie, on le sait, des lettres hébraïques dont la forme est différente selon qu’elle est initiale ou médiane (מ : « mèm ouvert ») ou finale (ם : « mèm fermé »).
Le dernier verset de la haftara, du moins de la partie qui est lue selon le rite achkenaze, contient une anomalie scripturale : Le mot למרבה est écrit, selon la Massora, לםרבה, avec un mèm final au milieu du mot.
Ce verset peut se traduire par : « À l’accroissement (למרבה) de l’empire, et à la paix, il n’y aura pas de fin, sur le trône de David et dans son royaume, pour l’établir et le soutenir en droit et en justice, dès maintenant et à toujours, le zèle de Hachem des armées fera cela. »
Ce verset constitue une allusion à l’ère messianique, soit qu’il s’agisse du Messie que nous attendons, soit qu’il s’agisse du roi Ezéchias, à la naissance duquel il est fait allusion (Voir Rachi ad Isaïe 9, 6) et que la tradition tient pour un Messie « manqué ».
Radaq fait remarquer que le livre de Néhémie présente une anomalie inverse : Le mot הם y est écrit המ (Néhémie 2, 13). La double anomalie contenue dans le livre d’Isaïe et celui de Néhémie, explique-t-il, signifie que les murailles de Jérusalem, qui étaient « ouvertes » pendant l’exil, seront « fermées » quand viendra le Messie, et c’est alors que triompheront l’empire et la paix évoqués par le prophète Isaïe, qui seront restés « fermés » jusqu’à sa venue.
Jacques KOHN.
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