Jean-Noël Darde a entrepris il y a quelques années la noble tâche de dénoncer le plagiat, surtout à l’université, mais aussi en dehors. Il a été récemment au premier rang de ceux qui ont démasqué le rabbin Bernheim.La nécessité d’un tel combat est indiscutable. Le plagiat devient une pratique récurrente dans les travaux universitaires. La libre disposition de quantité de textes et de données sur internet finit par laisser certains étudiants penser qu’on peut se servir à volonté dans ce vaste hypermarché du savoir, et qu’on peut recopier des pages dans son mémoire comme on télécharge un album musical. Sans parler de tous les notables médiatiques qui n’hésitent pas à se s’approprier les textes de gens moins connus, souvent sans que cela entraîne pour eux des conséquences sérieuses. Il est donc plus que jamais nécessaire de rappeler aux obligations de l’honnêteté scientifique et de la propriété intellectuelle. Et sans doute faut-il un certain courage pour mener à bien ce combat au sein de l’institution universitaire.

Parfois, pourtant, un embryon de doute se forme. Combattre le plagiat, très bien. Mais cette activité, chez M. Darde, confine à la monomanie. Non seulement il passe son temps à traquer partout les plagiaires, mais il poursuit de sa vindicte ceux qui ne le dénoncent pas comme lui avec assez d’empressement, ceux qui ne le voient pas, les tièdes, les indulgents, les complices. Il y a chez lui du Robespierre et du Vychinski. Un tel enthousiasme, une telle constance dans la dénonciation font un peu frémir. Mais sans doute résultent-ils de la haute idée qu’il se fait de la recherche universitaire. De sorte qu’on a envie de mieux connaître cet intrépide chasseur, de savoir ce qu’il a lui-même publié, de découvrir sa contribution à la recherche. Curieusement, parmi les journalistes qui l’ont rencontré, personne ne semble avoir eu envie de savoir qui était le professeur Darde.

Jean-Noël Darde, donc, en dehors de passer son temps à traquer les tricheurs de l’intellect, enseigne les sciences de la communication à Paris VIII. Il a soixante-cinq ans et approche de la retraite, au terme d’une carrière qu’on imagine bien remplie. Car on suppose que c’est du haut de l’excellence scientifique que M. Darde s’en prend aux vilains copieurs.
En réalité, il n’est pas professeur, mais maître de conférences. A l’université, on devient d’abord maître de conférences, en soutenant une thèse, en étant qualifié sur dossier par le Conseil National des Universités, puis élu à un poste vacant par ses collègues universitaires. Une fois maître de conférences, on peut passer au grade supérieur et devenir professeur des universités, selon le même processus, après avoir soutenu une habilitation à diriger des recherches. Depuis une vingtaine d’années, il est devenu très difficile d’entrer à l’université. Pour décrocher un poste de maître de conférences, il est indispensable d’avoir déjà pas mal de publications à son actif, outre une thèse pourvue de tous les éloges de rigueur, et, de préférence, l’agrégation.

Heureusement pour lui, Jean-Noël Darde a pu faire carrière dans l’université en se passant de toutes ces pénibles obligations. Lorsqu’il parle de lui, toujours de manière très discrète, il parle d’un « diplôme de géographie ». C’est sans doute sa modestie qui l’empêche de préciser la nature de ce diplôme. Il est parvenu à devenir maître de conférences sans soutenir de thèse, mais un simple doctorat de 3e cycle, équivalent light de la thèse, qui a disparu depuis une trentaine d’années. Ce doctorat, il l’a soutenu il y a trente ans, justement. Il consistait en une analyse des articles de L’Humanité sur les événements du Cambodge à l’époque des Khmers rouges. Le compte-rendu qui en est fait dans la revue Mots parle d’un livre «passionnant» tout en précisant : « quelques remarques par ci par là sur l’ironie ou la présupposition, mais au total l’outillage linguistique est très pauvre. Le Ministère de la vérité est donc plus un livre d’historien des textes que de praticien de la langue ». Ce qui permettra à son auteur d’enseigner les « sciences de la communication ».

Depuis ce doctorat de troisième cycle, donc, il y a trente ans, l’activité de publication et de recherche de M. Darde reste extrêmement discrète. Je n’ai pas réussi à en trouver trace. Cet enseignant chercheur avait vocation en principe à faire partie du laboratoire de recherche « Paragraphe » qui s’occupe à Paris VIII des Sciences de la communication. De fait, jusqu’en 1998, M. Darde a appartenu à cette unité de recherche. Mais il en a été exclu il y a quinze ans déjà pour cause d’inactivité chronique.

En réalité, je médis lorsque j’insinue que M. Darde, le Grand Inquisiteur de l’honnêteté scientifique, a passé sa vie d’universitaire à tirer au flanc intensément. En réalité, M. Darde publie un ouvrage par an, ou plutôt un ouvrage régulièrement mis à jour. Cela s’appelle Où et quand partir cet été ? Ce guide touristique a donné lieu à cet échange passionnant sur le site L’internaute :

Pour profiter du soleil en hiver, le plus simple est encore de partir dans l’hémisphère sud, où c’est l’été. Par exemple au Brésil ou en Argentine. Au mois de décembre, il fait beau également en Inde ou en Thaïlande, ceux (sic) sont des endroits parfaits pour bronzer.
Si l’on veut trouver du soleil dès le mois d’octobre, on peut aller vers l’est, vers des destinations comme la Crête ou l’île de Chypre. L’eau y est encore chaude et il y a beaucoup moins de monde.

Pour les amoureux de nature, quels sont les rendez-vous de l’année à ne pas manquer ?

Les grands rendez-vous de la nature se déroulent chaque année aux mêmes périodes : cela fait partie de la magie de la nature. Parmi les grands rassemblements qui méritent un voyage, il y a l’arrivée des baleines en Argentine, près de la péninsule de Valdès. Elles arrivent entre mai, juin et juillet pour y rester jusqu’au mois de décembre. On peut alors les observer.

Mais tout bien considéré, il y a sans doute une sorte de logique dans cette association d’une très grande discrétion dans le travail de recherche et d’un puissant intérêt pour les destinations de vacances. Et ce n’est pas moi qui reprocherai à M. Darde la noble passion du farniente. Non. C’est un art qui tend à se perdre à l’université. Mais ce qui m’ennuie un peu plus, c’est qu’il devienne à ce point actif uniquement lorsqu’il s’agit de dénoncer ses collègues. Là, les recherches les plus arides, les enquêtes les plus pointilleuses ne lui font plus peur. Curieuse passion, aussi noble qu’elle soit. D’autant que le zèle de M. Darde le porte à prendre pour cibles privilégiées les membres de son ancien laboratoire de recherche, Paragraphe :

« J’ai démontré sur mon blog l’aveuglement et la tolérance au plagiat ou même la pratique plagiaire chez des collègues de Paris-VIII, notamment Imad Saleh, directeur du laboratoire Paragraphe et directeur-adjoint de l’École doctorale « Cognition, Langage et Interaction », et Khaldoun Zreik, aussi membre de Paragraphe et membre du conseil de cette école doctorale. Ils se présentent aux élections du CNU, l’un en tête de la liste « Action et interaction », l’autre en deuxième position sur la liste « Ensemble pour la valorisation et la promotion des SIC ». Ces collègues sont-ils inconscients ? L’inquiétant est que des aveugles ou tolérants au plagiat, voire des plagiaires, puissent être élus au CNU. Que ce soit par incapacité de distinguer le plagiat ou par calcul, ils ne pourraient que favoriser la promotion de nouveaux tolérants au plagiat. » (Entretien donné à AEF infos).

En gros, donc : « N’élisez pas mes collègues de Paris VIII, car ils ne me suivent pas dans ma croisade ». Etonnant, non ? La création par ailleurs de la nouvelle espèce biologique du « tolérant au plagiat » fait un peu froid dans le dos. On sent qu’on peut facilement s’y retrouver classé.

Les démonstrations scientifiques de M. Darde sur son blog sont intéressantes. Je ne remets pas un instant en cause la culpabilité des fraudeurs débusqués par ce travailleur de force de la dénonciation, mais les arguments de l’accusation laissent parfois perplexe. Dans le grand déploiement d’énergie et de travail qu’il n’a pas consacré à la recherche, M. Darde scrute une thèse (soutenue, quelle coïncidence, dans son ex-laboratoire) page à page, et attribue des couleurs aux pages en fonction du degré de certitude du plagiat. On s’aperçoit ici que la certitude précède parfois la preuve (je mets en italique les passages concernés) :

ROUGE : PUR PLAGIAT. Il s’agit de plagiats identifiables avec l’aide du logiciel Compilatio (comme on le constate, la solution-miracle prônée par la direction de l’université Paris 8 et de nombreuses autres universités montre ici ses limites).

FUSHIA : PUR PLAGIAT. En complément des résultats obtenus avec Compilatio, des plagiats que nous avons repérés sur Internet avec l’aide du logiciel Turnitin et diverses opérations menées avec Google.

BLEU ÉMERAUDE : PUR PLAGIAT ? La seule lecture de ces textes (niveaux de langues, articulations, enchaînements, etc.) convainc qu’il s’agit de plagiats, sans laisser beaucoup de place au doute. Une fois les textes originaux trouvés ce travail avance lentement et toutes les aides seront les bienvenues (**) »>Article original, l’essentiel de ces zones bleues a donc vocation à passer au jaune.

JAUNE : PUR PLAGIAT. Pour ces textes, tous de couleur bleu émeraude dans une première étape (voir ci-dessus), notre première évaluation a été confirmée par la découverte des textes originaux imprimés.

GRIS : FORT TAUX DE PLAGIAT. Nous pensons que ces textes sont pour une bonne part du plagiat, mais quelques passages rédigés par le doctorant ou son directeur de thèse ont pu s’y glisser ici ou là.Il reste aussi à trouver tous les textes originaux. Une part de ces zones grises passera au jaune au fur et à mesure de la poursuite de ce travail. La couleur grise concerne essentiellement l’introduction, la conclusion et le résumé. Les pièces du puzzle des plagiats sont plus petites que dans le corps de la thèse et sont donc plus difficiles à distinguer (dès la fin de l’année 2009, nous avions mis en ligne une première présentation de quelques plagiats du résumé de cette thèse que l’université Paris 8 affichait alors sur son site (cf. « LE RETOUR AU RÉEL » : CACHE-CACHE PLAGIAT).
Un défi

Nous sommes convaincus que les textes bleu émeraude sont, pour l’essentiel, plagiés. Nous n’excluons ni d’arriver à quasi 100% de plagiats certifiés, surtout si nous obtenons l’aide de bons connaisseurs des domaines précités, ni que quelques pages gardent à jamais le mystère de leurs origines.

Notre estimation, basée sur des arguments sérieux, d’un plagiat quasi à 100% va-t-elle être contestée ?

Je résume tout un appareil démonstratif où le désir de fournir toute l’apparence de la rigueur le dispute à la maniaquerie. Une grande leçon de sagesse se dégage indiscutablement de tout cela : le meilleur moyen de n’être pas plagié reste de ne rien publier, et à défaut de travailler, on peut toujours inspecter les travaux des autres.

Je n’ai plus désormais qu’à numéroter mes abattis, en attendant de voir mes textes passés à la moulinette anti-plagiat.

Pierre Jourde
Article original

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
babyfingers

Avec tout le respect que je vous dois, vous n’avez rien compris à mon précédent message.

Celui-ci répondait à celui – extrêmement insultant – de Henricanan (un spécialiste du lashon hara à haute dose, pour autant que j’ai pu en juger) qui prétendait faire accroire que l’article sur J-N Darde avait pour auteur quelqu’un de JForum, qui aurait été mandaté par de soi-disant « coalisés » pro-Bernheim.

Il n’en est rien puisque cet article a été écrit par quelqu’un du NObs (peu soupçonnable d’être d’une « coalition pro Bernheim ») et simplement repris ici in extenso. L’accusation paranoïaque de ce Monsieur ne tient donc pas.

Pas plus que ne tenait la paranoïa déchaînée de Gabriel Barda, qui appela de ma part la réponse suivante:

https://www.jforum.fr/forum/communaute/article/message-du-grand-rabbin-gilles#forum17592

J’espère qu’à sa lecture vous comprendrez clairement que concernant Gilles Bernheim, il n’est pas ni ne sera jamais question pour moi de hurler avec les loups.

Shavoua Tov.

david c

Et rappelons que la psychanalyse indique que le déni de réalité est une stratégie d’autodéfense qui mène à éviter, sinon à nier une réalité , à écarter ce qui est considéré comme gênant . Bon , ensuite quand ça s’aggrave , il peut y avoir le révisionnisme ! le révisionnisme lui ne cherche pas à éviter , il tente de  » prouver » que cette réalité n’existe effectivement pas…

Lucid111

C’est vous l’imposteur qui vous permettez de parler au nom des Juifs en disant « nous », comme si les diplômes français étaient suffisants ou exigés pour atteindre le niveau d’universalisme du Grand Rabbin Bernheim, et {NOUS}, nous l’ espérons, qu’il continuera son approche.
Vous pouvez revoir votre copie vrillée. Nous ne manifestons pas comme vous en barrage frontiste , mais en cercle, sachez-le …, et au même imbécile que plus haut qui mentionne simplement que l’article est également validé par un grand media le Nouvel Obs , et bien tant mieux ! on n’a que faire de votre venin

Henri75012

L’accusation « ad hominem » sur l’accusateur est intéressante mais n’éclaire pas le débat.

Les juifs avaient un Grand Rabbin faussaire et imposteur… et c’est aux juifs de faire le ménage.
Et parce que nous sommes une minorité, il est d’autant plus important de faire le ménage en toute transparence.

Beaucoup de responsables savaient ou doutaient et ils se sont tus. Dès 2006, sur internet, l’information sur la non-agrégation de G Bernheim avait été publiée, mais les responsables n’ont pas vérifié. Il est plus que temps qu’ils fassent leur « mea culpa » et que les dirigeants d’organisation et de communauté acceptent d’être remis en cause.

Il faut une transparence sur les agissements de divers responsables, sur les comptes de diverses associations, sur les salaires et avantages de certains cadres.

Nous avions notre DSK, nous avons notre faussaire de CV et de texte, alors faisons le ménage pour les autres…

babyfingers

Voici le lien original que JForum s’est contenté de reprendre in extenso:

http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/05/02/jean-noel-darde-le-torquemada-du-plagiat.html

Vous êtes en train de dire que le Nouvel Obs fait partie des « coalisés de Gilles Bernheim », c’est ça?

Imbécile.

Emet

Chère DANIELLE, parce qu’un juif respectueux des valeurs de la Thora est particulièrement blessé quand l’un de ses plus prestigieux représentant se trouve être un falsificateur et un menteur aussi érudit soit-il par ailleurs. Cessez donc de prendre le parti de cet individu et passer à autre chose en espérant qu’H’M nous indique la personne digne à représenter le judaïsme français.

DANIELLE

Cher ami, sachez que les Juifs s’adresent plutôt à Dieu qu’à ses Saints.

Jean-Noël Darde a du pain sur la planche, il risque d’avoir du boulot jusqu’à 120 ans !

Une question me taraude : Pourquoi avoir choisi Le Grand Rabbin de France ? car il y en a du monde avant lui à dénoncer ? La politique est passée par-là !!

Henricanan

Tout ceci est bel et bon. Il peut être salutaire de s’attaquer à ceux qui s’érigent en Saint-Just de la plume, histoire d’éviter qu’ils ne se transforment en juges et flics à la fois.

Mais en quoi casser le thermomètre peut-il aider celui qui a attrapé une fièvre virale ?
M. Bernheim, puisqu’il agit en ombre chinoise dans ces colonnes, peut il y trouver un réconfort dans ce processus. Ce serait alors plus qu’inquiétant. Sur deux volets au moins.

– Aux péchés d’orgueil, de vol et de duperie incessants, s’ajoutera celui de la vengeance sournoise. « Tu ne te vengeras point » a prévenu la Torah. Même par délégation.

– A la place du sieur Bernheim et de ses coalisés, je me méfierais de ce genre de pratique. Car à chaque fois qu’ils agissent se révèle un nouveau morceau de bravoure de leur héros, les entraînant vers encore plus de perplexité et d’affliction. Pendant que Jforum mettait en ligne le laborieux et pathétique appel de notre Rastignac des synagogues, l’hebdo Marianne révélaient que celui-ci en 1981 avait repris à son compte l’intégralité d’un discours prononcé par… un intellectuel catholique.

Je crois qu’il est temps pour lui d’aller à confesse.