« Et l’Éternel (Elohim) parla à Moïse et lui dit, à lui (elav): « Je (Anokhi) suis Dieu (Tétragramme) » (Ex, 6, 2).

 14 VaéraDéc14

Dans ce premier verset, qui doit être relié à celui d’une révélation préliminaire, celle du Buisson ardent, sont mentionnés trois « noms » de Dieu, tel qu’il se prépare désormais à une confrontation avec le potentat qui nie Son existence: avec Pharaon.

Cette confrontation fera l’objet du récit à venir, avec ses dix « frappes » rendues inéluctables par l’obstination de cet homme qui se prenait pour le Créateur et était adoré à ce titre par sa cour et par ses sujets.

Une première question se pose: ces trois noms: Elohim, Anokhi et le Tétragramme ne sont-ils pas redondants? Un seul d’entre eux n’eût-il pas suffi pour conforter Moïse dans ses propres résolutions et auprès des Bnei Israël dont la persécution s’est entre temps aggravée, malgré l’énoncé de la libération, si ce n’est à cause d’elle?

Il ne le semble pas et comme nous le verrons, ces trois noms, pour peu que l’on en discerne le sens exhaustif, correspondent à trois modalités de l’intervention divine telle qu’elle est annoncée à Moïse.

Une autre question apparaît, qui se rapporte cette fois à quelques uns des stéréotypes les plus tenaces de la critique biblique. Selon ce stéréotype le récit biblique aurait été rédigé par plusieurs écoles ou mouvances, et à des époques différentes, chacune se faisant de Dieu une idée singulière, d’où ces noms divers.

La cohésion d’ensemble du récit en cause ne serait qu’apparente entre le rédacteur « élohiste » et le rédacteur « yawiste », sans parler du « Sacerdotal » qui serait l’auteur particulier du Lévitique, du troisième livre de la Thora.

Cette manière d’aborder le texte biblique doit être étudiée, comme il se doit. Elle se heurte néanmoins à la présence de versets tels que le verset précité où apparaissent d’évidence, et simultanément, l’Elohiste et le Yawiste, sans parler de celui que l’on pourrait qualifier d’« Anokhiste ».

Faut-il en déduire que ces différents rédacteurs se sont réunis en conclave pour décider d’une motion de synthèse? Cela ne se peut puisqu’ils sont censés avoir existé et travaillé dans des régions différentes, à des époques différentes et avec des « théologies » différentes ? Et puis pourquoi ce verset particulier et non pas un autre?

On observera d’ailleurs que ce verset « synthétique » est loin d’être isolé, que le premier de cette sorte apparaît dans le livre de la Genèse à propos de la situation de l’Humain au Jardin d’Eden (Gn, 2, 15).

S’il faut relever cette contradiction, c’est pour mieux comprendre la présence en effet simultanée de ces trois noms au moment où une intervention décisive se prépare dans laquelle la Présence divine va s’impliquer dans l’histoire humaine.

Selon la Tradition sinaïtique, et contrairement au stéréotype précédent, comme on a commencé de l’indiquer, chacun de ces trois noms correspond à une modalité de l’action divine et leur présence simultanée signifie que ces trois modalités vont s’exercer, parfois séparément, parfois corrélées mais qu’il ne faut surtout pas les disjoindre.

En ce sens Elohim correspond à la modalité ou à la dimension de justice (din), cette justice qui est inhérente à la culture égyptienne mais que ce pharaon là, « qui ne connaissait pas Joseph », violente et bafoue.

Quant au Tétragramme, il correspond à la dimension de compassion et de miséricorde (rah’amim) qui sera perpétuellement présente, prête à s’exercer dès l’instant où le maître de l’Egypte répondra sans ambiguïté à la demande divine, transmise par Moïse, sans en rien retrancher, sans aucune réserve mentale.

Quant à Anokhi – dont on se souvient qu’il correspondait à une question posée par Moïse au Buisson ardent (Ex, 3, 11)- il se rapporte à la Présence personnelle du Dieu libérateur, celle qui s’adresse à chaque Bnei Israël en particulier et à l’ensemble du peuple nommé de ce Nom, ce nom qui ouvrira une autre phase de la révélation divine, celle du Sinaï, du Décalogue, celle qui justifie que l’actuelle soit engagée en pays de grande servitude: « Je suis (Anokhi) l’Eternel (Tétragramme) ton Dieu (Elohekha) qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison des esclaves (Ex, 20, 2) ».

En ce verset mémorable les trois noms de Dieu se trouvent une fois de plus réunis et le sens de cette réunion se comprend mieux à l’égard d’un peuple qui commence son cheminement dans l’Histoire à la fois humaine et divine, un peuple libéré et qui doit faire l’apprentissage difficile de la responsabilité.

 

Raphël Draï zatsal, 15 Janvier 2015

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habibi

L’Eternel est au delà de tous les noms et de toutes les déterminations possibles… et il n’y a que LUI.
Chacun d’entre vous, au delà de vos identités égotiques illusoires et bornées, mais nécessaires à l’existence en ce monde, dans le Réel vous vivez en LUI et vous êtes LUI.
Les noms de Dieu, qu’elles que soient les grandes Traditions religieuses et spirituelles, sont toujours l’expression d’une idée humaine finie à propos de Dieu l’Infini.

Élie de Paris

Cher Raphaël, je suis sûr que tu aurais ajouté ceci…
Shemot_ des Noms_ ne concernent pas en fait les Noms de ceux qui sont descendus en Egypte.
On vient, dans le Livre précédent, de donner ces noms… En recomptant, on n’y trouve que 69,alors que le texte dit 70 !
C’est qu’Il est descendu avec nous.
Shemot est donc d’autres noms, dont ceLui-là, non évoqué, quand ils te demanderont (d’après toi) quel est Son Nom…? «  »Je serai »…
וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים אֶל-מֹשֶׁה, אֶהְיֶה אֲשֶׁר אֶהְיֶה; וַיֹּאמֶר, כֹּה תֹאמַר לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל, אֶהְיֶה, שְׁלָחַנִי אֲלֵיכֶם.
C’est « Je serai qui je serai » qui m’envoie vers vous !
Ces lettres [ ] sont les voyelles sans lesquelles l’alphabet ne peut être vocalisé. Tout le programme de l’univers, dont Dieu est le metteur en scène et le producteur.
Un programme qu’ils reconnaîtront, immédiatement. Et même les autres preuves qui avaient été produites n’eurent même pas besoin d’être présentées…

Clement levy

EMET ZOT HATORAH