Les tensions entre Washington et Pékin éclipsent le 50e anniversaire de la rencontre Nixon et Mao

Pékin et Washington restent discrets sur le 50e anniversaire de la poignée de main historique entre Mao Zedong et Richard Nixon, le 21 février 1972. Mais en 2022, les relations entre les deux pays semblent, de nouveau, plus tendues que jamais.

Entre le 21 et le 28 février 1972, Richard Nixon a visité la Chine, une « semaine qui a changé le monde », selon les mots du président des Etats-Unis.

C’est une poignée de main qui a marqué l’histoire. Ce 21 février 1972, Richard Nixon, 39e président des Etats-Unis souriant et visiblement sûr de lui, fait face à Mao Zedong qui a l’air pincé, en dépit des efforts de la télévision chinoise pour ne pas montrer que le président chinois est affaibli. Cette première visite d’une semaine d’un président américain sur le sol chinois a de fait marqué un tournant dans l’histoire des relations entre Pékin et le reste du monde.

Cinquante ans plus tard, l’image de cette poignée de main qui officialisa l’ouverture de la Chine au reste du monde a perdu de son éclat. Washington et Pékin se regardent à nouveau en chiens de faïence et la Chine est redevenue un rival économique et politique pour les Etats-Unis, à l’initiative du boycott diplomatique des Jeux Olympiques. Ce qui explique pourquoi les deux pays célébreront avec une certaine discrétion ce cinquantième anniversaire.

La fin d’un monde né avec la Seconde guerre mondiale

Cette première visite d’un président américain sur le sol chinois mettait bien sûr un terme à plus de deux décennies de confrontations, y compris militaires lors de la guerre de Corée. Mais elle témoignait aussi d’un bouleversement dans l’ordre mondial établi après la Seconde guerre mondiale.

Cette rencontre de 1972 a scellé une première réconciliation politique entre les deux puissances, après le divorce de 1949, suite à l’arrivée au pouvoir des communistes de Mao Zedong. Mais aussi le divorce qui couvait au sein du bloc communiste puisque depuis la fin des années soixante le torchon brûlait de plus en plus entre Mao et Brejnev. Pendant huit jours, Nixon visite la Chine, une « semaine qui a changé le monde », selon les mots du président des Etats-Unis.

Washington, meilleur soutien au développement économique de Pékin

Bien sur, cette visite intervient alors que la Chine est encore en pleine révolution culturelle, qui ne s’achèvera qu’en 1976, avec la mort de Mao et après que les Gardes rouges auront exterminé des millions de personnes. Mais cette poignée de main a aussi donné le top départ à l’entrée de l’Empire du milieu dans l’économie moderne, Ce qui lui permettra, quelques décennies plus tard de devenir l’atelier du monde.

Quelques mois seulement après cette visite une délégation de l’American Economic Association s’est ainsi rendue sur place. Dans ses rangs, la fine fleur des économistes américains de l’époque : Wassily Leontief, John Kenneth Galbraith ou bien encore James Tobin. Et au fil du temps, les Etats-Unis ont sans doute été l’un des soutiens les plus actifs de Pékin en matière économique, l’administration américaine se berçant de l’illusion que cela aiderait l’empire du Milieu à se transformer pour devenir une démocratie ouverte au commerce et au multilatéralisme.

En 2022, les sourires de 1972 ne sont plus à l’ordre du jour

Cinquante ans plus tard les choses ont changé et donnent parfois l’impression d’un retour en arrière. Pékin et Washington ont alterné les phases de bonne entente avec les périodes de fortes tensions.

La dernière crise de confiance entre Pékin et Washington a commencé lors du mandat de Donald Trump, et se poursuit encore avec celui de Joe Biden. L’ex-président américain avait de fait érigé en priorité la nécessité de limiter la puissance économique chinoise , aussi bien sur le sol américain que dans le reste du monde, où Pékin étend son emprise notamment via son projet des « nouvelles routes de la soie ».

Mais pour Washington, il s’agit aussi de contrer la puissance militaire chinoise. Et notamment en mer de Chine du Sud et vis-à-vis de Taïwan. Sujet d’une tension récurrente entre les deux pays, alimentée par la politique d’ « ambiguïté stratégique » qui conduit Washington à renforcer ses liens avec Taipei sans pour autant avoir de liens diplomatiques officiels.

Face à une Chine « agressive », Washington promet plus d’engagement en Asie du Sud-Est

Pirouette de l’histoire, pour Pékin, à l’occasion de cette crise avec les Etats-Unis, Moscou est redevenu un allié fréquentable. Même si par comparaison aux années soixante-dix le rapport de force a changé et que c’est désormais la Chine qui est dominante.

Mais si Donald Trump a largement attisé les braises de la discorde, Pékin n’est pas en reste dans ce bras de fer plus ou moins violent. Maniant quand il le faut la fibre nationaliste de sa population. Ainsi, il n’est sans doute pas innocent si, l’an passé, l’un des plus gros succès du cinéma chinois a été « La Bataille du lac Changjin ». Deuxième film le plus rentable de l’année (avec « Spiderman : no way home »), il met en scène, pendant la guerre de Corée, une victoire des troupes chinoises sur celle de l’ONU placées sous commandement américain.

L’autre poignée de main du voyage de Nixon en Chine

Si la poignée de main entre Nixon et Mao est restée la plus célèbre, il en est une autre qui est tout aussi symbolique lors de cette visite. Et qui a sans doute scellé la réussite du voyage de Nixon en Chine.

A sa descente d’avion en effet, le président américain est en effet accueilli, devant les caméras de la télévision chinoise, par le Premier ministre Zhou Enlai. Le président américain est alors le premier à tendre la main.

Et pour cause, la petite histoire dit en effet que Zhou Enlai se sentait humilié depuis 1954, après que le secrétaire d’Etat américain de l’époque, John Foster Dulles, avait refusé de lui serrer la main à Genève. Richard Nixon aurait voulu laver cet affront.

Claude Fouquet  www.lesechos.fr

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