TURBULENCES MACROÉCONOMIQUES

Bonjour
Vous pouvez retrouver ma chronique hebdomadaire sur le site Atlantico avec le lien :
Merci
Jour après jour depuis le début de la pandémie, en 2020, les gouvernements ont pris toute une série de décisions : cinémas des grandes villes fermés d’office, hôtels et restaurants à moitié vides ou fermés, suspension des voyages aériens, limitation des déplacements, confinement…
Cela a entraîné un ralentissement économique. Le 4 février 2020, j’appelais votre attention : « Les économistes ont déjà estimé que la croissance baisserait de 0,5 à 1,2 %, mais ces premières estimations paraissent en deçà de la réalité, ne serait-ce que parce que l’épidémie du SRAS de 2003 avait entrainé une baisse de 2 % du PIB chinois. Il faudrait actualiser l’estimation faite par la Banque mondiale en 2008 selon laquelle une épidémie grave pourrait amputer jusqu’à 5 % du PIB mondial. »
La pandémie s’est accentuée et généralisée. Aussi, le choc a, en fait, été plus important. Puis, la pandémie s’est progressivement ralentie, et les nombreuses mesures prises par les gouvernements ont permis d’amortir le choc et de faire rapidement redémarrer l’économie.
Très vite, l’impression s’est installée que le creux avait été dépassé, puis dépassé et que la croissance mondiale avait été remise sur les rails nonobstant certains phénomènes perturbateurs :
  • L’installation de l’inflation dans le Monde
Depuis plus de quarante ans, l’inflation a été contenue grâce à la concurrence débridée et généralisée entraînée par l’ouverture des frontières qui a exercé une pression sur les prix, nonobstant toutes les manifestations des causes traditionnelles d’inflation. C’est un des bienfaits de la mondialisation… et ce pour le plus grand bien des consommateurs. Leur pouvoir d’achat a été amélioré par deux phénomènes concomitants, des prix contenus et des revenus préservés par l’absence d’inflation.
Mais la pandémie a fait resurgir « le fantôme de l’inflation » que j’ai présenté dans ma chronique du 23 mars 2021. La hausse des prix a été alimentée par l’envolée des prix des hydrocarbures et des matières premières, notamment agricoles, ainsi que par la généralisation de pénuries de certains produits.
Aujourd’hui, la hausse des prix n’est plus un fantôme car elle a atteint 5 % en zone euro, 7 % aux États-Unis, 10 % au Brésil. Certains pays, comme l’Argentine ou la Turquie, connaissent même une hyper inflation. Cela va compliquer les politiques monétaires, notamment en Europe.
L’inflation est souhaitée par certains car elle permet de diminuer les valeurs nominales et facilite le remboursement des dettes qui ne cessent de s’accumuler.
Mais elle ne peut que conduire à la fin des politiques d’achat de titres par les banques centrales et à une remontée des taux d’intérêt, comme les taux longs européens, et donc à handicaper les pays endettés. Aussi, tout en réduisant la valeur des dettes, elle peut conduire à la remise en cause de la capacité d’emprunt de certaines nations.
Par ailleurs, l’inflation rogne le pouvoir d’achat des salariés et retraités ; plus généralement, elle appauvrit les classes moyennes qui n’ont pas les capacités de se prémunir contre la valse des étiquettes. Cela détériore la situation sociale dans certains pays comme le Sri Lanka ou la Turquie, et peut même conduire à des émeutes comme au Kazakhstan. Va-t-on à nouveau connaître des émeutes de la faim ?
N’oublions pas que l’hyper inflation allemande des années vingt a facilité l’arrivée des nazis au pouvoir. Ne jouons pas avec le feu ! Ne nous trompons pas ! L’inflation est comme la pâte de dentifrice ; quand elle sort du tube, il est difficile, voire impossible, de la rentrer.
  • La flambée des matières premières
Nombreux sont ceux qui se posent la question de la pérennité de ce retour de l’inflation ? Est-ce une flambée des prix momentanée ou un mouvement durable comme nous l’avons connu dans les années soixante-dix après le quadruplement du prix du pétrole de 1973 ? À l’époque, nous avions connu pendant plus d’une décennie une hausse à plus de deux chiffres.
Certains estiment qu’après un pic au premier trimestre, la hausse devrait se ralentir. Ce pourrait être possible grâce à la concurrence mondiale. Mais il pourrait aussi en être autrement avec la poursuite de l’augmentation des prix des matières premières, l’encombrement des ports et les blocages ou ralentissements dans les chaines d’approvisionnement.
  • En dépassant les 87 $, le prix du baril de brent continue d’augmenter malgré le ralentissement économique consécutif à la vague Omicron
  • L’envolée des métaux précieux : Or, Argent, Platinum, Palladium…
  • Ont aussi explosé les prix des matières premières industriellesAcier, Aluminium, Inox, Lithium, Nickel… La tonne de cuivre a doublé de 5 à 10 000 $ en un an
  • Il en est de même pour les matières premières agricolesBlé, Maïs, Sucre… Plus concrètement, les prix alimentaires mondiaux ont augmenté de 23 % au cours de l’année écoulée selon l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture.
  • Pour la 1ère fois depuis dix ans, le prix du coton a repassé la barre du dollar pour une livre, depuis les 50 cts atteints en mars 2020 au début de la pandémie. Les cours actuels résultent de la combinaison de plusieurs facteurs : forte demande chinoise, rattrapage de l’activité économique, diminution des stocks globaux ?
  • La généralisation des pénuries et la perturbation des chaines d’approvisionnement
Parallèlement, les prix du fret ont été multipliés par dix en dix-huit mois ; l’indice Baltic Dry pour le fret au plus haut depuis dix ans. Tous les ports sont congestionnés, Douala, Los Angeles, Rotterdam, Schenzhen…, et cela risque de durer ! Il n’en demeure pas moins que, malgré tous ces blocages, les échanges mondiaux augmentent.
On avait fini par s’accommoder de ces éléments contrariants de la reprise mondiale. L’essentiel était dans la reprise économique. Dans ma chronique du 19 octobre 2021, j’avais présenté « les hypothèques sur la croissance mondiale ». C’était avant la dernière vague Omicron. Celle-ci a remis en cause le redémarrage mondial autour de 5,5 % en 2021 selon les institutions. L’intensité de la rechute dépendra de la durée de la vague et de la réalité de la situation en Chine dont la production industrielle s’est contractée depuis novembre dernier.
Les dernières nouvelles du front sanitaire paraissent rassurantes. Omicron est très contagieux mais est moins dangereux… et certains osent le pronostic d’un dépassement de la pandémie…, prétendent la ramener au stade de la traditionnelle grippe… Ces raisonnements me paraissent optimistes tant que le monde n’aura pas atteint une forme d’immunité collective, et nous en sommes loin tant que toute la population mondiale n’aura pas été vaccinée.
La COVID démontre une nouvelle fois l’importance de la solidarité internationale. Selon certains calculs une vaccination de tous les terriens couterait 50 Md$, montant important, mais somme limitée en comparaison des 10 000 Md$ des plans gouvernementaux mis en place depuis le début de la pandémie.
En attendant, cette nouvelle vague ;
  • Plombe un peu plus les finances publiques. Les États ne cessent de payer les conséquences de la pandémie. Peuvent-ils continuer à s’endetter sans limite surtout à la veille de la fin des politiques monétaires accommodantes et de la remontée des taux d’intérêt ?
  • Fragilise encore plus les pays en développement, et surtout les importateurs de produits alimentaires. ?le sujet de leur endettement refait surface ; les institutions de Bretton Woods et les grands pays devraient anticiper et engager une nouvelle vague d’annulations des dettes.
En attendant d’en savoir plus sur la durée des effets d’Omicron et les conséquences économiques, le Monde va continuer d’osciller entre les quatre scenarii de Nouriel ROUBINI exposés dans ma chronique du 19 octobre, même si celui de la concomitance d’une croissance ralentie avec l’inflation semble prédominer.

Dov ZERAH

N°272 : Turbulences macroéconomiques

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