Stéphane Séjourné interpellé par un ministre israélien : dans les coulisses d’une soirée très agitée

Diplomatie. Le ministre des Affaires étrangères a dû affronter les remarques peu diplomatiques de son homologue israélien lors d’une réception à Paris, ce mardi 21 mai. En cause : le soutien de la France à la Cour pénale internationale.

Le cadre était pourtant propice à la fête, ce mardi soir dans le très chic 8e arrondissement de Paris. Aux abords du parc Monceau, l’ambassade d’Israël avait convié plusieurs dizaines d’invités (politiques, diplomatiques, militaires), afin de célébrer le 76e anniversaire d’Israël et les 75 ans des relations entre nos deux pays. Signe de l’importance de l’événement, le ministre des Affaires étrangères israélien, Israël Katz, avait fait le déplacement à Paris. Mais cette soirée de concorde diplomatique et d’amitié ne s’est pas déroulée comme prévu.

Le voyage du ministre israélien à Paris était planifié avant le coup de tonnerre de lundi, quand le procureur général de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a demandé l’émission de mandats d’arrêt contre trois dirigeants du Hamas, mais aussi contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense, Yoav Galant. Dans la foulée, mercredi, l’Irlande, l’Espagne et la Norvège ont annoncé leur reconnaissance à l’État palestinien. « Ce sont des jours difficiles pour Israël », convient une source diplomatique à Paris.

Séjourné face au vacarme de la salle

L’annonce de Karim Khan a provoqué la colère de l’État hébreu, mais aussi de certains alliés : l’Allemagne, le Royaume-Uni ou encore les États-Unis ont vivement dénoncé ces requêtes contre les dirigeants israéliens. La diplomatie française, elle, a réaffirmé son soutien de principe à la Cour pénale internationale. Ni plus, ni moins. « Nous avons dit ce que nous avions à dire, simplement que nous respectons l’indépendance de la Cour pénale internationale, assure un diplomate français. On se porte en faux sur l’idée d’une quelconque équivalence entre Israël et le Hamas. La position de la France est équilibrée. »

Cet « équilibre » passe mal auprès de la diplomatie israélienne, qui espère un soutien sans faille de la France sur ce dossier. Alors, pour célébrer l’amitié franco-israélienne dans la salle de réception de l’hôtel du Collectionneur ce mardi soir, autant dire que Stéphane Séjourné était attendu au tournant. Après une introduction en douceur de l’ambassadeur israélien à Paris, Joshua Zarka, écouté poliment par une salle très calme, le ministre des Affaires étrangères français monte à la tribune. Très vite, l’ambiance change.

Dès les remerciements protocolaires, un brouhaha vient perturber l’allocution de Stéphane Séjourné. Deux femmes se retournent pour écouter son discours de dos. Alors que le ministre assure que « la France se tient en effet aux côtés d’Israël », il sent le malaise monter et s’interrompt : « Euh, il y a vraiment un problème avec les micros ce soir. Vous m’entendez ? » Rires dans la salle, plusieurs personnes répondent : « Oui, et c’est bien le problème… »

Pendant que le chef de la diplomatie française liste les demandes de Paris pour la paix en Israël et dans les territoires palestiniens, le vacarme ne cesse de monter. « La libération immédiate et inconditionnelle des otages, un cessez-le-feu, un accès massif à l’aide humanitaire, des avancées critiques sur la solution politique à deux États », poursuit Séjourné. Après à peine cinq minutes de discours et quelques applaudissements tout de même, le ministre français retourne s’asseoir. La suite ne sera pas plus agréable.

« Je me tourne ici vers mon ami, le ministre français des Affaires étrangères… »

C’est au tour du ministre des Affaires étrangères israélien de monter à la tribune. Israël Katz s’exprime en hébreu, avec son discours projeté en français sur grand écran. Membre du Likoud, le parti de Netanyahou, le chef de la diplomatie israélienne s’attaque immédiatement à Karim Khan et sa requête de mandat d’arrêt contre son Premier ministre : « Il s’agit d’une décision scandaleuse qui constitue une attaque frontale effrénée contre les victimes du 7 octobre. Le procureur général a transformé la vérité en mensonges et les mensonges en vérité. »

Puis, d’une manière peu diplomatique, il prend directement à témoin Stéphane Séjourné : « Je me tourne ici vers mon ami le ministre français des Affaires étrangères. Face à cette proposition du procureur général honteuse et scandaleuse, votre soutien et celui du gouvernement français sont essentiels. Il est important que vous énonciez haut et fort que la proposition du procureur général est honteuse et scandaleuse, et donc inacceptable pour vous et pour le gouvernement français. » A chaque salve, le ministre israélien reçoit des applaudissements déchaînés de la salle. « On comprend pourquoi Macron s’est envolé pour la Nouvelle-Calédonie ce soir, il a eu peur en voyant le ministre israélien arriver à Paris », raille un élu d’opposition dans la salle.

En conclusion des discours, après l’hymne français puis l’hymne israélien, chaque délégation repart de son côté. Stéphane Séjourné, lui, est pris à partie par l’une des femmes qui a écouté son discours de dos. Il s’agit d’Alexandra Barouche, élue Les Républicains du XVIe arrondissement de Paris, qui lui reproche les condoléances envoyées par la France à l’Iran après la mort du président Raïssi et le soutien de Paris à la Cour pénale internationale. « Je suis à l’aise dans mes baskets », répond le ministre, avant de filer.

Dans l’entourage de Stéphane Séjourné, on reconnaît des désaccords avec la diplomatie israélienne, mais « pas de tensions particulières ». « Le ministre Katz a exprimé sa position, nous aussi, explique un proche du ministre français. Il n’y a pas un papier de cigarette entre la position exprimée par la France cette semaine sur la CPI et celle qui a été la nôtre tout au long du XXIe siècle. Israël sait que la France est son ami, mais que les amis peuvent se dire les choses. »

Les deux ministres se sont retrouvés ce mercredi en rencontre bilatérale, avec sans doute de nombreux sujets sensibles à aborder. En privé cette fois.

Par Corentin Pennarguear

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

3 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Patrick

S’éjourné est un petit à tous les niveaux!!!

Adam

Pas d’illusion. Comme le dit BHL, la solitude d’Israel est abyssale. Inutile de tourner autour du pot, la France, l’UE, les USA, … ont peur des masses arabo-musulmanes qui ont pris possession de la rue dans tous les pays et qui ont réussi à endoctriner des jeunes et des gauchistes paumés. Tous les discours, les accolades, les mots doux, … à l’égard d’Israel et des juifs pour les apaiser sont faux.

Israel et le peuple juif doivent trouver chacun en son sein les ressources pour renverser la situation. A commencer par la rue israélienne qui doit comprendre l’autodestruction qu’elle engendre avec ses manifs quotidiennes contre Netanyahou qui renforcent nos ennemis. Netanyahou aussi doit prendre sa part et engager sans tarder de nouvelles élections pour retrouver le cas échéant une légitimité perdue. En espérant que la rue israélienne acceptera le verdict des urnes, ce qui n’est pas certain.

Yaacov

La France, comme d’habitude veut menager la chevre et le choux. Le mieux qu’aurait du faire la France face a la CPI c’etait soit de s’abstenir ou de dire simplement « le procureur de la CPI aurait ete plus efficace s’il avait identifie l’attaquant, causeur de massacres afin de demander a juste titre l’emission d’un mandat d’arret « . Mais la haine d’Israel l’emporte toujours.