Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas envisage sérieusement de relever le Premier ministre Mohammad Shtayyeh de son poste, a déclaré une source palestinienne de haut niveau.
Des sources affirment que Mohammad Shtayyeh sera démis de ses fonctions au milieu des combats internes pour remplacer le président de l’AP Mahmoud Abbas et à la suite d’une gestion inadéquate de la pandémie, du manque d’horizon politique, de l’absence de soutien financier américain et européen Shtayyeh a été nommé Premier ministre en avril 2019. Son mandat a été entaché de plusieurs crises, tant internes qu’externes, qui lui ont rendu difficile la réalisation de bon nombre de ses objectifs déclarés.Faris Sarafandi, analyste politique basé à Ramallah, a déclaré qu’une discussion sur la possible démission de Shtayyeh peut être divisée en deux parties.
Échecs et conflit interne au sein du Fatah
« Le premier aspect concernant Shtayyeh, est lié aux différents échecs qui ont affecté tous les niveaux d’intervention du gouvernement, à commencer par la crise corona, en passant par la crise des familles de prisonniers dont les salaires ont été coupés, et la crise actuelle des enseignants »,explique-t-il. Sarafandi dit que c’est l’une des raisons pour lesquelles l’idée de renvoyer Shtayyeh s’impose . »Mais l’autre question est liée au conflit interne au sein du Fatah, qui a refait surface en grande partie après la nomination de Hussein al-Sheikh au poste de secrétaire du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine », a-t-il déclaré. Al-Sheikh, qui occupait le poste de ministre des Affaires civiles de l’Autorité palestinienne, a été nommé la semaine dernière à la tête de l’OLP, faisant désormais de lui le favori pour succéder à Abbas. Khalil Al – Sheikh, a été tué par balles en aout 2020 à Ramallah lors d’une rixe avec les forces de sécurité palestinienne, amenant son frère, Al -Sheikh, à dire « J’aurais préféré que mon frère soit tué par des balles israéliennes ». Une commission d’enquête avait été mise en place par Shtayyeh. « Il est tout à fait clair qu’il y a des conflits au sein du comité central du mouvement Fatah qui affecteront Shtayyeh, et il en paiera le prix pour tenter de renverser la vapeur », selon Sarafandi. Sarafandi précise que le problème ne se limitera pas au limogeage de Shtayyeh mais pourrait signifier la fin de son affiliation «active» avec le Fatah, le mouvement politique dirigé par Abbas. »Le résultat de son échec en tant que Premier ministre a conduit à de sévères critiques du mouvement qui a payé le prix de sa politique », a déclaré Sarafandi.
La défaite du Fatah à l’Université de Birzeit entérine le conflit entre le Fatah et l’Autorité Palestinienne
La récente défaite humiliante du Fatah lors des élections du conseil étudiant à l’Université de Birzeit, où la liste des candidats du Fatah a perdu face au Hamas, a conduit à des critiques publiques de l’AP par de hauts dirigeants du Fatah qui exigent de séparer le mouvement de l’AP. Ils soutiennent que la politique d’Abbas est la raison de la disparition de la faction palestinienne autrefois la plus populaire. Ahmed Rafiq Awad, président du Centre d’études prospectives de Jérusalem à l’Université Al-Quds, a déclaré que les fuites sur la possible démission forcée de Shtayyeh ne sont « pas surprenantes » et que cela reflète l’état de conflit au sein de l’AP et du mouvement Fatah. À la lumière des crises politiques et économiques massives auxquelles Shtayyeh est confronté, le remplacer « ne changera pas la situation », a affirmé Rafiq Awad.« Le gouvernement de Shtayyeh a été exposé à de nombreuses crises et obstacles. Il avait été nommé pour mener des réformes économiques et mettre en place un plan destiné à sortir de la crise financière étouffante que traverse l’autorité en raison de la diminution des ressources financières. La pandémie de coronavirus et l’absence de règlement politique avec Israël ont placé son gouvernement dans un dilemme, et il est devenu incapable de remplir ses fonctions et de répondre aux demandes de la rue », a-t-il expliqué.
Des difficultés financières à un niveau inédit, suite à la cessation du soutien financier américain et européen
L’AP est confrontée aux pires difficultés financières depuis sa création, il y a plus d’un quart de siècle. Le Trésor est confronté à une grave pénurie de liquidités, ce qui pourrait bientôt affecter sa capacité à payer les salaires du gouvernement et à assurer ses missions de base . Deux fois cette année, Shtayyeh a assisté à des réunions avec des responsables de l’Union européenne dans l’espoir de les persuader de reprendre l’aide financière à l’AP. Il a exhorté les pays donateurs à augmenter leur aide afin que le gouvernement puisse remplir ses obligations. L’Union européenne a retardé le transfert de 214 millions d’euros d’aide annuelle à l’AP, après avoir, de manière controversée, décidé de conditionner son aide à la suppression de ce que l’UE appelle le matériel d’incitation des manuels scolaires palestiniens, dont l’AP nie la présence dans les livres. La majeure partie de l’aide – quelque 150 millions d’euros – est destinée au budget de l’Autorité palestinienne, y compris les salaires, tandis que le reste de l’aide est destinée à des projets et à l’appui à diverses organisations de la société civile et à la rénovation d’infrastructures.« La cessation du soutien financier américain et européen a également joué un rôle majeur dans l’échec du gouvernement Shtayyeh, qui n’a pas été en mesure d’apporter des réponses efficaces et satisfaisantes à la rue », selon Rafiq Awad.
Al-Sheikh, nommé secrétaire général du comité exécutif de l’OLP, à la manœuvre
Derrière les tentatives d’évincer Shtayyeh, se trouve le puissant Al-Sheikh. Abbas a nommé, Al-Sheikh au poste de secrétaire général du comité exécutif de l’OLP, succédant à feu Saeb Erekat, dans un geste que beaucoup ont interprété comme le rapprochant un peu plus de la succession d’Abbas, âgé de 86 ans. Yoni Ben-Menachem, chercheur principal au Centre des affaires publiques de Jérusalem insiste sur le fait qu’il y aura un changement parce que Shtayyeh a perdu la confiance d’Al-Sheikh et du chef du service de renseignement général de l’Autorité palestinienne, le général de division Majid Faraj, qui font pression sur Abbas pour que Shtayyeh soit remplacé. Ben-Menachem a ajouté que Shtayyeh a des ambitions politiques pour succéder à Abbas et que cela a « mis en colère » Al-Sheikh et d’autres au sein du Fatah. Al-Sheikh entretient des relations solides avec Abbas et fait partie du cercle restreint du président. »La présence de Shtayyeh au gouvernement constitue une menace pour les ambitions d’Al-Sheikh de succéder à Abbas », a déclaré Ben-Menachem. La course pour remplacer Abbas est féroce et une tentative de remplacer Shtayyeh ne sera pas facile, car il y a une résistance majeure au sein du Fatah, le plus grand parti palestinien au pouvoir, qui traverse des conflits internes. »Al-Sheikh a convaincu Abu Mazen du fait que Shtayyeh devrait être démis de ses fonctions de Premier ministre », a déclaré Ben-Menachem, utilisant le nom de guerre d’Abbas.
Déjà des noms circulent
Ben-Menachem souligne que Shtayyeh a rencontré Abbas récemment pour discuter de son avenir politique. »Shtayyeh a un pressentiment et sait qu’un complot se trame autour de lui, alors il a eu une entrevue avec Abu Mazen, qui ne lui a pas répondu clairement », a déclaré Ben-Menachem.Des sources ont déclaré qu’Abbas proposerait Shtayyeh comme bouc émissaire au président américain Joe Biden, en le désignant comme le grand responsable des problèmes majeurs qui préoccupent les Américains. Le Président Biden est attendu prochainement dans la région. De nombreux analystes s’accordent à dire qu’Abbas et ceux qui l’entourent au sein de l’AP, y compris Al-Sheikh, sont convaincus que Shtayyeh doit payer le prix des échecs de l’AP dirigée par le Fatah. Il n’y a pas eu de véritable opposition extérieure à une démission forcée de Shtayyeh, y compris d’Israël. »Il n’y a pas d’opposition israélienne au limogeage de Shtayyeh », a déclaré Ben-Menachem. « Au contraire, Israël n’aime pas Shtayyeh dont l’hostilité virulente à son égard est connue. Le 16 mai dernier Shtayyeh a fait une déclaration parlant des assassinats de l’occupant et « Le Premier ministre Muhammad Shtayyeh a appelé les pays du monde à activer les décisions de boycotter la puissance occupante et à lui imposer des sanctions, et de ne pas lui permettre d’échapper au châtiment. »Deux noms ont été proposés pour remplacer Shtayyeh : l’ancien Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Salam Fayyad, et l’ancien chef du Fonds d’investissement palestinien, Mohammad Mustafa, qui est proche d’Abbas.
JForum – Ynet