Quels dirigeants étrangers Israël devrait-il accueillir?

 

Par Manfred Gerstenfeld

Il y a eu plusieurs réactions négatives, en Israël, à l’accueil du Premier Ministre hongrois Viktor Orban, reçu au cours de sa récente visite dans le pays[1]. Les arguments mis en avant comprennent la réhabilitation par Orban, de la Hongrie antisémite et de l’allié d’Hitler, l’Amiral Miklós Horthy.[2]. Il y a aussi eu des plaintes du manque de libéralisme d’Orban et de l’antisémitisme rampant en Hongrie.

Il y a eu cinquante ans en juillet, que s’est déroulée la Conférence d’Evian pour débattre du sort des réfugiés juifs, qui n’avaient nulle part pour fuir. A l’exception de la République Dominicaine, aucun pays ne voulait les accueillir. Les démocraties de l’époque étaient des nations peu recommandables, les autres étaient généralement pires.

Les démocraties et d’autres états continuent encore d’être, en partie, peu reluisantes, même si c’est d’une façon qui a profondément muté. La grande différence, dans le monde, est l’arrivée des organismes supranationaux orientés. Par exemple, le modèle de conduite du vote au sein de l’Assemblée Générale de l’ONU, concernant Israël, selon la définition fondamentale de l’antisémitisme – celle de l’Alliance Internationale pour la Mémoire de la Shoah – mène à la conclusion que l’ONU est une institution antisémite.

Au regard des commentaires superficiels contre la visite d’Orban, cela vaut la peine d’essayer d’établir des critères politiques plus rationnels- au-delà des considérations commerciales – pour l’accueil de dirigeants de pays en visite. Ils pourraient inclure des questions comme : est-ce que le gouvernement du dirigeant visiteur soutient financièrement l’Autorité Palestinienne, ce qui lui permet de verser d’autres sommes pour rémunérer des assassins d’Israéliens et leurs familles? ; Est-ce que ce pays vote contre Israël aux Nations-Unies et prend t-il des positions pertinentes au sein de l’Union Européenne?

Le gouvernement de ce pays s’ingère t-il dans les affaires internes d’Israël? Ce pays a t-il fait entrer un nombre écrasant de Musulmans sans chercher à interdire le territoire aux plus antisémites d’entre eux? Les Juifs font -ils l’objet de violence dans le pays du dirigeant en visite? Les dirigeants de ce pays opèrent-ils des distorsions de la Shoah? D’autres critères pourraient comprendre les suivants :

Quand des dirigeants d’autres pays visitent Israël, visitent-ils également l’Autorité Palestinienne, ce faisant en plaçant cette autorité sur un même pied d’égalité qu’Israël? Et leur gouvernement soutient-il des organisations qui font la promotion de BDS? Au fur et à mesure que le degré de sophistication augmente dans ce processus d’investigation, on peut aussi donner des poids différents aux diverses catégories listées.

Le reproche fait qu’Orban a réhabilité Horthy, le dirigeant antisémite de son pays entre 1920 et 1944, est justifié[3]. Horty a appliqué des mesures antisémites déjà bien avant la Seconde Guerre Mondiale.

Cependant, la Hongrie ne finance pas l’Autorité Palestinienne, elle ne vote d’habitude pas contre Israël au sein des institutions supranationales, elle n’a pas laissé entrer des réfugiés musulmans et a ainsi évité l’importation d’extrémistes antisémites parmi eux.

Il y a une incitation verbale antisémite considérable en Hongrie, mais peu ou pas de violence contre les Juifs. Le gouvernement d’Oraban ne fait pas d’ingérence dans la politique interne d’Israël. le Premier Ministre hongrois ne s’est pas rendu dans l’Autorité Palestinienne. Le gouvernement hongrois ne verse pas d’argent aux institutions soutenant BDS.

Israël aurait été content d’accueillir le Premier Ministre français Edouard Philippe. Les hommes politiques de l’opposition israélienne, qui se sont exprimés de façon virulente contre la venue d’Orban seraient probablement restés silencieux. Sur la plupart des critères mentionnés ci-dessus – excepté concernant la déformation ou le mensonge à propos de la Shoah – la réalité de la France est bien plus négative que celle de la Hongrie. La France est le pays d’Europe de l’Ouest où s’est déroulée la majorité des meurtres de Juifs pour des motifs idéologiques au cours de ce siècle.

Aucun autre pays européen ne peut se targuer d’un tel pourcentage significatif de Juifs émigrant qu’en France. On n’a pas besoin de sympathiser avec Orban pour le recevoir. Pas plus qu’on n’a besoin d’aimer le caractère non-libéral de son gouvernement. On devrait essayer d’empêcher que s’y produise du négationnisme à propos de la Shoah. Pourtant, on doit fermer les yeux sur bien plus d’exactions et sur le comportement de la France pour accueillir cordialement un Premier Ministre Français.

On peut, par exemple, appliquer les mêmes critères aux Pays-Bas. Le gouvernement néerlandais pratique la distorsion de la Shoah de manière indirecte. Ses prédécesseurs en Exil à Londres se sont totalement désintéressés du sort des Juifs persécutés dans les Pays-Bas occupés.

Ils n’ont même pas fait le plus strict minimum qu’ils pouvaient faire. Les Pays-Bas sont le seul pays d’Europe Occidentale qui n’a jamais voulu reconnaître ses défaillances en temps de guerre. Au contraire, plusieurs dirigeants hongrois ont admis les fautes meurtrières et incomparablement plus graves de leur pays au cours de la Shoah. Orban a dénoncé l’alliance de la Hongrie avec l’Allemagne durant la guerre[4].

Le Premier Ministre israélien Binyamin Netanyahu appelle le Premier Ministre hollandais Mark Rutte « un grand ami d’Israël[5]« . Si nous reprenons les critères mentionnés ci-dessus, on pourrait le qualifier de fake News (fausse nouvelle). Le cabinet néerlandais a récemment conclu qu’il était mal avisé de la part d’Israël de déduire à l’Autorité Palestinienne de l’argent équivalant à ce qu’elle offre en royalties aux meurtriers d’Israéliens[6].

Si les gouvernements passaient sur le divan du psychiatre, l’opinion selon laquelle Israël devrait indirectement verser de l’argent aux meurtriers de ses propres citoyens pourrait constituer une excellente raison pour recommander de consulter. Sur la plupart des critères mentionnés, la Hollande apparaît sous une lumière bien plus négative que la Hongrie. Le fait qu’il soit généralement plus agréable de passer ses vacances en Hollande plutôt qu’en Hongrie n’est pas très pertinent dans ce contexte.

De cette façon, on peut enquêter sur bien d’autres pays-membres de l’UE. Le Premier Ministre autrichien Sebastian Kurz s’est récemment rendu en visite en Israël. Son pays se classe de façon plutôt positive sur la plupart des critères ci-dessus. Pourtant, le partenaire en second au sien de ce gouvernement autrichien est le parti de la Liberté, le FPÖ, qui a des origines nazies. Son dirigeant Heinz-Christian Strache a appelé à l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement[7].

La question importante, ici, n’est pas d’analyser tous les membres de l’U.E, mais de mettre en exergue une méthodologie qui permet une meilleure réflexion que celle utilisée par les opposants politiques à la visite d’Orban. Pour conclure le classement : en utilisant cette méthodologie, la république Tchèque pourrait probablement arriver en tête. La Suède, d’un autre côté, est très proche de la dernière place.

Par Manfred Gerstenfeld

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

 

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[1] www.jpost.com/Israel-News/Viktor-Orban-Hungarys-controversial-prime-minister-set-to-begin-Israel-trip-562769

[2] www.timesofisrael.com/hungarys-controversial-orban-to-begin-two-day-israel-visit-wednesday/

 

[3] www.yadvashem.org/odot_pdf/Microsoft%20Word%20-%206429.pdf

[4] www.smithsonianmag.com/history/holocaust-and-hungary-prime-minister-180964139/

[5] www.pmo.gov.il/English/MediaCenter/Events/Pages/eventPress060916.aspx

[6] www.cidi.nl/kabinet-acht-dat-israel-niet-meebetaalt-aan-terroristenuitkeringen-onverstandig/

[7] www.jta.org/2018/07/24/news-opinion/austrias-vice-chancellor-calls-for-ban-on-ritual-slaughter

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rachel

Suite du précédent commentaire : L’Arabie Saoudite tant épargnée par les mêmes pays ouest-européens et par l’ONU, a botté le derrière de l’Ambassadeur du Canada en le renvoyant dans son pays parce que le Ministère des Affaires Etrangères canadien s’était permis de critiquer les affaires internes du royaume saoudien, à savoir ses manquements aux droits de l’Homme : Israël devrait faire exactement pareil parce que les dirigeants ou ministres ouest-européens s’ingèrent constamment dans ses affaires internes puisque pour ces péquenots, de toute façon, l’Etat Juif n’est pas une démocratie; ne leur faisons pas mentir, ne leur donnons pas cette joie là, bottons les arrières-trains de leurs ambassadeurs.

rachel

La France a une note de 1 sur 7 (elle ne fait pas de distorsion sur la Shoah et c’est l’unique point positif), donc cela correspond à du 3 sur 20 et tous les pays d’Europe de l’Ouest n’excédent pas une note de 6 sur 20 alors que ce continent a exterminé 6 millions de Juifs et qu’il ne fait pas partie des pays du Tiers Monde ou des pays anciennement communistes encore très marqués par cette idéologie comme la Russie ou la Chine, donc Israël doit appliquer les mêmes conditions qu’elle applique aux membres du RN aux dirigeants et gouvernements ouest-européens : ils peuvent juste venir en vacances mais ne seront reçus ni par le PM, ni par aucun autre ministre ou leurs conseillers.

BEN

ABSOLUMENT D ACCORD AVEC VOUS

andre

M.Gerstenfeld, qu’on ne saurait accuser de vouloir jeter un voile sur ce qui s’est passe pendant la Seconde Guerre Mondiale, rappelle ce qui est evident, a savoir que la position actuelle des Etats (en particulier, europeens) a l’egard (ou, helas, le plus souvent, a l’encontre) d’Israel est ce qui compte vraiment pour l’avenir ou la survie du peuple juif. Ne pas oublier certes, mais ne pas detruire l’avenir par un rappel exacerbe du passe. Toutes mes excuses si j’ai trahi la pensee de M.Gerstenfeld, evidemment plus subtile.