Comment la collecte de nos données personnelles en ligne affecte notre vie de tous les jours.

Nous nous intéressons à nos données personnelles, à nos traces numériques que les entreprises utilisent désormais, par-delà le ciblage publicitaire, pour nous profiler. Avec des répercussions bien réelles sur notre vie en matière de crédit, d’immobilier ou d’emploi. Une enquête publiée dans “New.

Où suis-je ? Qui suis-je ? Que vais-je faire (ou pas) demain ? Ces questions, vous n’êtes plus seul(e) à pouvoir y répondre. Dorénavant, vos données personnelles, que les entreprises s’échangent et se vendent dans le plus grand flou juridique – malgré l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), en 2018, dans l’Union européenne –, disent tout de vous, dans le moindre détail.

Il n’y a plus d’endroit où se cacher, plus d’intimité numérique, explique Amanda Ruggeri dans un article qui a récemment fait la une du New Scientist, l’un des meilleurs magazines d’information scientifique. Au-delà du simple ciblage publicitaire, nos données personnelles sont désormais utilisées pour déterminer notre profil psychologique, professionnel ou financier, alerte la journaliste dans cette longue enquête écrite à la première personne.

Conséquence : elles touchent directement nos vies réelles, et cela change tout. “En me penchant sur le sujet, écrit Amanda Ruggeri, j’ai découvert que la collecte de mes données personnelles pouvait avoir des conséquences sur mes perspectives professionnelles, mes demandes de crédit et mon accès aux soins. Autrement dit, cette pratique a potentiellement des répercussions sur ma vie dont je n’ai même pas idée.”

Pour son enquête, la journaliste a d’abord demandé à plusieurs entreprises de lui fournir les données personnelles qu’elles ont enregistrées sur elle, “une démarche plus laborieuse qu’on ne serait en droit de le croire depuis le RGPD”. Elle s’est ensuite rendue dans une start-up à Lausanne pour cartographier, organiser ces données et tenter de comprendre ce que lesdites entreprises savent au juste de ses faits et gestes. Le résultat ? “C’est édifiant. Et terrifiant”, explique-t-elle.

Les données personnelles, ce sont les traces numériques que nous laissons sur les applis et les sites que nous consultons, et c’est cela qui a de la valeur : “Qu’il s’agisse d’un simple outil de prise de notes ou d’une appli de courses en ligne, à peu près toutes les applications de mon téléphone sollicitent en permanence des entreprises pendant que je vis ma vie”, constate Amanda RuggeriCe sont ces données qui donnent lieu ensuite à des échanges nébuleux, très difficiles à reconstituer. La journaliste ne cache pas son scepticisme  :

“Quelles données personnelles ces entreprises s’échangent-elles ? Pour le savoir, il faudrait que je pose la question à chacune d’entre elles.”

Pour elle, il est temps de reprendre le contrôle de nos données personnelles et, partant, de notre vie. En commençant, par exemple par supprimer les applications que nous n’utilisons pas, en éteignant régulièrement nos téléphones, en modifiant nos façons de payer…

L’autre grand article de notre dossier a été publié dans la MIT Technology Review. Il s’agit davantage ici de surveillance pure et dure. Des chercheurs viennent de repérer que “Sogou Input Method, l’une des applis de clavier chinois les plus populaires, présentait une énorme faille de sécurité”, rapporte le magazine américain. Une faille qui permet “à des yeux espions de consulter tout ce que les utilisateurs tapent”. On imagine bien l’utilisation que le régime chinois pourrait en faire. La MIT Technology Review évoque ainsi “un risque de sécurité pour des centaines de millions de personnes”.

C’est la lecture de ces deux articles dans la presse étrangère qui nous a convaincus de consacrer une nouvelle une aux menaces qui pèsent sur notre vie privée en ligne. Ce n’est pas la première, ni sans doute la dernière. Il y a quelques années, on avait accordé plusieurs articles à l’émergence du crédit social en Chine, soit un système de notation permettant de sanctionner ou de récompenser les comportements des individus en fonction de leurs antécédents bancaires, de leur comportement social ou de leurs interventions sur les réseaux sociaux.

“Cela revient, écrivait en 2018 depuis Hong Kong le Shunpo Monthly, pour la première fois au monde, à étendre le système de notation des institutions financières occidentales aux différents aspects de la vie sociale, puis à ‘récompenser l’intégrité’ par des avantages, ou au contraire à sanctionner ces mauvais résultats par des restrictions dans tous les domaines, selon un barème prédéterminé.”

Nous n’en sommes pas encore là, mais peut-être plus très loin.

Claire Carrard

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