L’ antisémitisme (re)devient-il une valeur acceptable socialement ? Par Frédéric Sroussi

 

Le grand sociologue allemand Max Weber utilisa en 1919 l’expression «la guerre des dieux» pour expliquer l’impossibilité de trancher rationnellement le conflit des valeurs dans un monde où l’autorité universelle légitimante avait disparu .

Or, même si l’on nous dit que dans une société occidentale ”post-métaphysique”, il est impossible de trancher entre deux convictions valorisantes, nous pensons cependant que sur certains sujets la société  garde un avis généralement tranché quant à l’acceptabilité de certaines valeurs.

Pourtant, comme l’expliquait le sociologue Raymond Boudon (en parlant de la rationalité axiologique comme manifestation de la rationalité cognitive dans le domaine de l’éthico-pratique), des mœurs qui  étaient acceptables à une époque donnée peuvent perdre leur légitimité (ou leur justification) morale au cours de l’histoire.

Or, nous avons tendance à oublier que l’antisémitisme fut considéré comme faisant partie d’une «éthique» (au sens d’une morale subjective et historiquement contextuelle).

L’antisémitisme fut reconnu comme une valeur (et même un argument électoral) notamment dans la France de la fin du XIXème siècle, et ce, jusqu’à la moitié du XXème siècle (la Shoah ayant assouvi pour un temps la bête immonde).

Loin de se cacher, loin d’en avoir honte, de nombreux politiciens, journalistes, écrivains,  philosophes etc, se glorifiaient de leur antisémitisme.

On se souvient tous de Georges Bernanos qui dans un texte – dans lequel il avait osé traiter les Juifs de racistes et de nationalistes (lui le maurassien admirateur de Drumont !) – se défendait de tout antisémitisme puisque ce mot lui faisait maintenant horreur après avoir été «déshonoré » (sic) à jamais par Hitler (Essais et écrits de combat) :  l’antisémitisme était donc honorable pour Bernanos avant l’arrivée du Führer. Eh oui, Bernanos n’aimait pas les Nazis (comme de nombreux maurassiens) et détestait les Juifs (comme tous les maurassiens).

L’auteur du Journal d’un curé de campagne se discrédita à jamais en  associant même – dans un article écrit en 1944 – la survie du régime nazi à la« haute banque israélite»…

N’oublions pas – pour ne prendre que ces quelques exemples – que l’on pouvait se «glorifier» publiquement d’ être antisémite comme le fit le Journal La Croix qui, le 30 août 1890, se qualifia de « journal catholique le plus anti-juif de France».

Un autre journal fondé en 1897 à Alger s’appelait tout bonnement L’ Antijuif algérien (fondé par Max et Louis Régis); fut aussi publié pour la première fois, juste un an avant, un hebdomadaire qui s’intitulait plus ”sobrement” L’Antijuif (1896-1902) créé à Paris par l’anti-dreyfusard Jules Guérin. Ce journal pouvait  vendre jusqu’à cent vingt mille exemplaires par semaine !

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Frédéric Sroussi

Frédéric Sroussi est essayiste et journaliste.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Élie de Paris

Ce n’est plus une gloire…
Un cri de ralliement ?
Un mot de passe, en tout cas.
Ça va reviendre…
Ah ? C’est déjà là ?
En fait, ça n’est jamais parti.