Le nouveau prix Goncourt a été décerné à Mathias Enard, auteur dont les prises de positions islamophiles ont été très claires par le passé: la France aurait été coupable d’exclure l’islam, les trois terroristes des attentats de Janvier dernier « incarnent une certaine forme de désespoir » selon ses mots. Le voile islamique est selon lui un « symbole innocent à propos duquel on en fait des tonnes ! ».

Diplômé de persan et d’arabe, connaît bien l’Orient. Il a vécu au Caire, au Liban, en Syrie. Son ouvrage, « Boussole » poursuit l’objectif « de lutter contre l’image simpliste et fantasmée d’un Orient musulman et ennemi, en montrant tout ce qu’il nous a apporté » selon le Parisien.

La tragédie syrienne apparaît ici et là. « Les égorgeurs barbus s’en donnent à cœur joie, tranchent des carotides par-ci, des mains par-là, brûlent des églises et violent des infidèles à loisir« , écrit Enard.

Cette image sinistre, qui prédomine aujourd’hui en Occident, occulterait l’essentiel, déplore le romancier. « Nous, Européens, voyons (les atrocités commises en Syrie et ailleurs au Moyen Orient) avec l’horreur de l’altérité; mais cette altérité est tout aussi effrayante pour un Irakien ou un Yéménite (…) Ce que nous identifions dans ces atroces décapitations comme ‘autre’, ‘différent’, ‘oriental’, est tout aussi ‘autre’, ‘différent’, ‘oriental’ pour un Arabe, un Turc ou un Iranien », insiste-t-il.

Nombre des photographies de Mathieu Enard montrent ce dernier dans une posture pour le moins surprenante: l’index pointé vers le ciel. Rappelons que pour Romain Caillet, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo) basé à Beyrouth et historien spécialiste du salafisme contemporain, ce doigt pointé réfère au geste traditionnel effectué par la plupart des musulmans au moment de prononcer leur chahâda, la profession de foi dans l’Islam, l’index dressé symbolisant l’unicité d’Allah…

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Le Prix Goncourt a été attribué à Mathias Enard, pour Boussole (Actes Sud).

Étaient également en lice Titus n’aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai (POL), Les Prépondérants d’Hédi Kaddour (Gallimard, Grand Prix du roman de l’Académie) et Ce pays qui te ressemble, de Tobie Nathan (Stock).

Trois ans après Le Sermon sur la chute de Rome, de Jérôme Ferrari, c’est la troisième fois de leur histoire que les éditions Actes Sud voient un de leurs romans distingué à la suite des délibérations au restaurant Drouant.

Annoncé dans la foulée, et dans le même établissement parisien, le prix Renaudot est revenu à Delphine de Vigan pour D’après une histoire vraie (JC Lattès).

Un roman à deux pôles

Boussole est le dixième livre de Mathias Enard, né à Niort en 1972, diplômé de persan et d’arabe, qui a beaucoup voyagé au Liban, en Syrie et en Turquie, notamment, et dont toute l’œuvre porte la trace de sa passion pour cette partie du monde. Entré en littérature en 2003 avec La Perfection du tir (Actes Sud), où l’on se tenait au plus près d’un sniper, dans un pays ressemblant furieusement au Liban, il s’est imposé comme l’un des grands auteurs de sa génération grâce à son quatrième roman, Zone (Actes Sud, 2008), tour de force sans point, embrassant l’histoire du XXe siècle sur le bassin méditerranéen, récompensé par (entre autres) le prix Décembre et le prix du livre Inter.

En 2010, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants lui avait valu le prix Goncourt des lycéens. Deux ans plus tard, Rue des voleurs avait été distingué par le prix Liste Goncourt/Le Choix de l’Orient, autre surgeon du célèbre prix.

Mais le Goncourt tout court revient donc à Boussole, un roman qui brasse les lieux, les époques, les personnages et les langues, au fil d’une nuit d’insomnie, celle qui frappe son narrateur, Franz Ritter, un musicologue viennois. Entre 23 heures et 7 heures, il ressasse ainsi sa vie et ses obsessions. Elles le font remonter jusqu’au XIXe siècle, pour ranimer de hautes figures de l’orientalisme – Franz est en effet l’un de leurs héritiers, spécialiste des influences venues de Turquie, et de bien au-delà, sur la musique dite « occidentale ».

Dans leurs pas, et avançant de références savantes en souvenirs de voyages et réminiscences de colloques (qui offrent parfois des tableaux très drôles du monde universitaire), il entraîne le lecteur à Istanbul, Téhéran, Damas, Alep… En plus de l’Orient (même si Enard n’oublie jamais ce que cette notion a de fictionnel), Boussole a un deuxième pôle, aussi rêvé et insaisissable que le premier : Sarah, la femme à laquelle tout ramène Franz, à la fois érudite et aventurière, éternellement ailleurs.

Échos de l’actualité

Roman de l’altérité, sensuel et savant, gonflé de références, même si l’auteur a l’humour et l’intelligence de moquer gentiment la pédanterie de Franz, Boussole est un très beau livre qui prend le risque d’égarer parfois son lecteur, avec les volutes que dessinent les phrases, à mesure que le narrateur pense, dérive, somnole, lit, revient à lui…

C’est un texte, aussi, profondément habité par la mélancolie, parce que les idéaux des personnages sont tous violemment balayés par les échos de l’actualité immédiate qui s’y font entendre – guerre en Syrie, destruction de Palmyre… Il est, du reste, dédié « aux Syriens ».

Venant tordre une bonne fois pour toutes le cou aux idées reçues sur une littérature française censément autocentrée, chaque page de ce Goncourt 2015 vient sortir le lecteur de lui-même, le confronter à une infinité de sujets et de personnages dont il ignorait tout, pour les lui rendre proches.

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Andre

En clair un gros c.., un de plus.