Perrier, Vittel, Contrex, Hépar : les préfets ordonnent à Nestlé le retrait des filtres interdits de toutes ses usines françaises
D’après les informations de franceinfo, les préfectures des Vosges et du Gard, où sont produites les marques du groupe, ordonnent à Nestlé Waters le retrait sous deux mois des filtres interdits sur les sites de Vittel et de Vergèze, où la production d’eau minérale naturelle est plus que jamais menacée.
Article rédigé parMarie Dupin
Radio France
Usine Perrier à Vergèez (Gard). (DOMINIQUE FAGET / AFP)
Il aura fallu plus d’un an, depuis les premières révélations de la cellule investigation de Radio France et du journal Le Monde, pour que les autorités contraignent Nestlé à se conformer à la loi. Après un nouvel épisode de contamination dans l’usine, les hauts dirigeants de Nestlé Waters, la filiale eau du géant suisse de l’agroalimentaire, ont été convoqués en fin d’après-midi par le préfet du Gard, Jérôme Bonet. Lors de ce rendez-vous, ce dernier a remis à la directrice de Nestlé Waters, Muriel Liénau, une lettre de mise en demeure, ordonnant le retrait de l’ensemble des systèmes de filtration interdits au sein de son usine de Vergèze, où est produite la célèbre marque Perrier.
En effet, comme l’avaient révélé Radio France et Le Monde, Nestlé avait obtenu début 2023, de la part du gouvernement, une dérogation pour conserver des filtres non conformes dans ses usines, malgré les alertes de l’Agence de sécurité sanitaire, et du directeur général de la santé, Jérôme Salomon.
Une eau contaminée par des bactéries et des pesticides
Cette fois, plus question de tergiverser. Ni dans le Gard, ni dans les Vosges (Vittel, Hépar, et Contrex), où un arrêté préfectoral en date du 15 avril, ordonne également à Nestlé le retrait des filtres controversés de son usine de Vittel, et rejette toutes les demandes déposées par Nestlé d’exploiter ses forages avec des systèmes de microfiltration (filtres à 0,2 micron). Cet arrêté, que franceinfo a pu consulter, ne semble pas avoir été publié au recueil des actes administratifs, comme la réglementation l’impose. D’après ce document, la multinationale avait quinze jours, c’est-à-dire jusqu’au 29 avril dernier, pour présenter un « plan d’action », précisant les « mesures prises pour se mettre en conformité avec la réglementation », et « la mise en place d’une surveillance renforcée » de la qualité de l’eau.
Car si la multinationale Nestlé a installé dans ses usines des procédés de filtration, c’est bien dans le but de purifier une eau régulièrement contaminée, par des bactéries et des pesticides. Dans sa mise en demeure, le préfet du Gard le confirme : les traitements mis en place ne sont pas réglementaires, car ils « modifient les caractéristiques microbiologiques de l’eau, en contradiction avec la réglementation ». Ce que confirme également la préfecture des Vosges dans son arrêté. Les microfiltres en place dans les usines Nestlé ont bel et bien un effet désinfectant, ce qui est totalement interdit, l’eau minérale naturelle devant être « pure à la source ». Lors de son audition par la commission d’enquête du Sénat, la patronne de Nestlé Waters avait pourtant affirmé : « Nulle part en Europe nous n’utilisons de traitements non conformes ».
Deux mois pour se mettre en conformité
Quid désormais de la production d’eau minérale naturelle dans les usines du groupe Nestlé, et des bouteilles encore en rayon ? Dans un rapport récent, que franceinfo s’est procuré, des hydrogéologues agréés par le ministère de la Santé ont rendu un avis sanitaire négatif concernant la production d’eau minérale sur le site de Perrier. Dans la foulée, le directeur de l’Agence régionale de santé du Gard a, selon nos informations, demandé à la préfecture la fin de la production d’eau minérale naturelle sur le site. Dans sa mise en demeure, le préfet ne se prononce pas sur la qualification d’eau minérale naturelle, mais dans un communiqué, la préfecture indique qu’une décision serait prise avant le 7 août prochain, après avoir recueilli l’avis du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CoDERST).
Dans les Vosges comme dans le Gard, Nestlé a deux mois pour se mettre en conformité avec les décisions des préfets. Décisions qui interviennent après les dernières révélations de Radio France sur plusieurs nouveaux épisodes de « non-conformité » sur le site de Vergèze, des bactéries ayant été découvertes dans des centaines de milliers de bouteilles, bloquées dans l’usine, mais aussi dans les forages, et sur les lignes d’embouteillages.
Nestlé rappelle qu’aucun rappel n’a été demandé
L’entreprise Nestlé réagit auprès de franceinfo en assurant travailler de concert avec la préfecture des Vosges « à la validation par les autorités d’un dispositif alternatif permettant de continuer à assurer la sécurité sanitaire en toutes circonstances », pour « assurer la continuité de la production des marques d’eau minérale naturelle qui y sont embouteillées ». L’entreprise précise que la marque Vittel n’est pas concernée par l’utilisation de microfiltres à 0,2 micron. Nestlé rappelle que « toutes les bouteilles actuellement sur le marché sont conformes aux autorisations en cours. Et en l’absence de risque sanitaire aucun rappel n’a été demandé. »
Alexandre Ouizille, sénateur socialiste de l’Oise et rapporteur de la commission d’enquête sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille, estime après nos révélations que la décision des préfets du Gard et des Vosges « confirme (…) qu’un traitement interdit en a remplacé un autre ». Il pointe « une série de dysfonctionnements graves » et qualifie de « fautif » le gouvernement qui, selon lui, s’est « placé en marge de la légalité en validant des investissements [de Nestlé Waters] dans certains processus aujourd’hui clairement écartés par les préfets ». Il précise que les résultats de l’enquête parlementaire seront rendus le 19 mai.
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Je ne comprends pas très bien. L’enjeu c’est la poursuite de la production d’eau ou c’est la qualification d’eau minérale de ces eaux ?