Les gares de la région parisienne sont au cœur des deux réseaux mis en place en France occupée pour appliquer les politiques de déportation nazies.

Shoah: les gares, rouages essentiels des réseaux de déportation

Les personnes arrêtées dans tous les départements de France et dont la déportation est décidée sont d’abord dirigées vers les principaux lieux d’internement et de transit de la grande région parisienne. Pour les victimes de la répression, trois lieux sont au cœur du dispositif : le camp de Compiègne (Oise), le fort de Romainville aux Lilas et la prison de Fresnes (actuel Val-de-Marne). Pour les Juifs de France persécutés, les camps du Loiret – Beaune-la-Rolande et Pithiviers –, puis dès août 1941 celui de Drancy, à la cité de la Muette (actuel Seine-Saint-Denis), structurent l’organisation de la « solution finale ».
Toutes les victimes arrivent d’abord dans les grandes gares de voyageurs de la capitale – les gares de Saint-Lazare, de Lyon, d’Austerlitz ou de Montparnasse – qui servent ainsi aux transferts depuis les camps d’internement.
L’organisation et les lieux du dispositif de la « solution finale » en France occupée évoluent au fur et à mesure des décisions prises pour aboutir à l’extermination des Juifs de France. Après la première grande rafle de mai 1941, les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande sont venus s’ajouter au centre des Tourelles pour l’internement de la plupart des Juifs arrêtés. Après la seconde grande rafle organisée dans la capitale à partir du 20 août 1941, c’est le « U » de la cité de la Muette, à Drancy, qui est choisi pour y interner les plus de 4 200 Juifs raflés à Paris. Rien n’a été véritablement prévu pour leur arrivée. Le préfet de la Seine n’a appris que tardivement qu’il allait devoir assurer l’internement de ces personnes. Il réquisitionne le site et le place sous la responsabilité du préfet de police et du commandant de la gendarmerie de la région parisienne. À eux de se charger de la sécurité du camp et de la discipline qui doit y régner ; à eux d’en rendre compte aux autorités allemandes qui se réservent toutes les décisions quant au sort des détenus.
Lorsque les programmes de déportation se mettent en place, Drancy devient le camp de rassemblement et de départ. Les déportés juifs y arrivent de toute la France. Les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande constituent toujours, un temps, deux annexes utiles, d’où partent même directement des transports vers Auschwitz. Le convoi n° 8 du 20 juillet 1942 part d’Angers pour Auschwitz.
Mais c’est la gare du Bourget qui est la gare principale choisie pour former les convois de déportation. Les dernières recherches ont pu déterminer avec une quasi-certitude le quai de marchandises – aujourd’hui détruit – où les déportés étaient embarqués5.
Ce dispositif évolue au début du mois de juillet 1943, lorsque les Allemands prennent la direction totale du camp de Drancy. C’est à Aloïs Brunner qu’elle est confiée. Il vient d’organiser la déportation depuis la Grèce de 43 000 Juifs de Salonique. En prenant le contrôle de l’administration du camp, Brunner veut impliquer encore plus fortement les Juifs à leur propre déportation, leur accordant des tâches de plus en plus importantes, alors que celles de l’administration française diminuent. Les gendarmes français ne sont plus chargés que de la garde à l’extérieur. L’UGIF se voit confier l’approvisionnement des détenus et tous les colis reçus doivent être versés à la cuisine du camp.
Autre modification essentielle, Brunner choisit la gare de Bobigny pour y former les convois, la considérant sans doute comme plus fonctionnelle – avec sa longue voie de garage auprès de laquelle les véhicules peuvent accéder directement – et peut-être comme plus discrète. Le site de Bobigny était sans doute aussi moins touché par les bombardements alliés que celui du Bourget. Pas plus éloignée de la cité de la Muette, ce choix ne modifie pas le trajet des convois, ceux formés au Bourget passant déjà à Bobigny, sur la Grande Ceinture, avant de rejoindre le réseau de l’Est. Les trains passaient ensuite par le nœud ferroviaire de Noisy-le-Sec ou par la voie qui le contourne, avant d’utiliser le réseau Est6. Le 18 juillet 1943, le convoi n° 57 part pour la première fois de la gare de Bobigny.
Si la très grande majorité des convois prennent la direction d’Auschwitz-Birkenau, un programme spécifique intervient en 1942 et des exceptions remarquables existent.
Le convoi du 26 août, le n° 24, est ainsi le premier qui marque un arrêt à Cosel, non loin d’Auschwitz, « où les Allemands font descendre la majorité des hommes valides qu’ils vont faire travailler dans des camps, tels Blechammer, Johannisdorf, Kochanowitz, Oderberg, Gogolin, Ottmuth, etc. […] Les survivants de cette catégorie en provenance de France et de Belgique, seront regroupés par les Allemands fin mars 1944 à Blechammer et seront enregistrés cette fois à Auschwitz »7.
Autre variation dans les destinations choisies par les nazis, quatre convois spéciaux sont dirigés en mars 1943 vers Sobibor, sans doute parce qu’ils déportent un grand nombre de victimes de représailles – dont les Juifs de Marseille. À l’arrivée, la quasi-totalité des déportés de ces quatre transports est immédiatement gazée.
De même, le 15 mai 1944, le convoi n° 73 déporte 878 hommes pour une partie vers Kaunas en Lituanie, pour l’autre vers Tallin en Estonie. Il s’agit probablement d’une exceptionnelle demande de travailleurs, peut-être pour masquer les traces du génocide8.
Enfin, lorsque la libération de la France s’accélère, les derniers convois partent parfois directement de villes de province : les Juifs partis de Lyon le 11 août 1944 sont transférés à Auschwitz sans passer par Drancy. Et ceux qui sont déportés de Toulouse le 30 juillet 1944, avec des victimes de la répression, partent cette fois vers les camps de Buchenwald pour les hommes et de Ravensbrück pour les femmes. Ici, les gares habituelles des villes de départ servent exceptionnellement aux départs en déportation.

Source:La SNCF face à la Shoah

Couverture Tsafon 83

L’arrivée au camp de Pithiviers des hommes, juifs et étrangers arrêtés lors de la rafle dite du billet vert (14 mai 1941) – photographie pour le journal Le Matin. collection musée de la Résistance nationale – Champigny-sur-Marne/Fonds David Diamant

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