«Panama Papers» : les révélations d’un scandale mondial d’évasion fiscale

Michel Platini, l'ancien ministre Jérôme Cahuzac et le footballer Lionel Messi sont nommés dans cette vaste enquête.

Une enquête réalisée par plus de 100 journaux a dévoilé dimanche des avoirs dans les paradis fiscaux de 140 responsables politiques ou personnalités de premier plan, parmi lesquels le cercle rapproché du président russe Vladimir Poutine, ou les footballeurs Michel Platini et Lionel Messi.

À l’issue d’une enquête qui aura duré presque une année, Le Monde, associé à 106 autres rédactions dans 76 pays et coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) de Washington, ainsi que le journal allemand Süddeutsche Zeitung, destinataire de la fuite, ont révélé dimanche une nouvelle liste de propriétaires de comptes off-shore. Le collectif de journalistes a eu accès aux 11,5 millions de documents contenant les noms de nombreuses grandes personnalités liées au monde des comptes off-shore.

À l’origine de ces révélations, les archives d’un cabinet d’avocats panaméen, Mossack Fonseca, spécialisé dans la domiciliation de sociétés offshore depuis la fin des années 1970, qui auraient permis à plus de 300 journalistes d’établir des listes précises. Ces «Panamapapers» révèlent que des milliers de personnes anonymes, une dizaine de chefs d’État, des milliardaires célèbres, des grands noms du sport et certaines célébrités auraient recouru aux mêmes montages offshores pour dissimuler leurs actifs.

«C’est un crime, un délit», a déclaré à l’AFP Ramon Fonseca Mora, directeur et un des deux fondateurs de Mossack Fonseca, après la divulgation de ses archives. «C’est une attaque contre Panama car plusieurs pays n’apprécient pas que nous soyons très compétitifs pour attirer les entreprises», poursuit l’homme de 64 ans. «Il y a deux manières de voir le monde: la première est d’être compétitif et la seconde de créer des impôts», a-t-il déclaré, ajoutant qu’«il y a une guerre entre les pays ouverts, comme le Panama, et les pays qui taxent de plus en plus leurs entreprises et leurs citoyens».

12 chefs d’État dont 6 en activité

Parmi les personnes listées par l’ICIJ, on trouve notamment six chefs d’État en exercice comme le président argentin Mauricio Macri, le premier ministre islandais Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, le président ukrainien Petro Poroshenko, le président des Émirats arabes unis Khalifa bin Zayed bin Sultan Al Nahyanet le roi d’Arabie saoudite Salman bin Abdulaziz bin Abdulrahman Al Saud.Le site du collectif de journalistes propose pour chacun d’entre eux une fiche explicative sur les raisons de leur présence au sein de cette liste.

Des associés de Vladimir Poutine auraient également détourné jusqu’à 2 milliards de dollars avec l’aide de banques et de sociétés écran, effectuant des virements pouvant atteindre 200 millions de dollars en une seule fois, selon l’ICIJ. Le Monde, qui a participé à l’enquête, détaille notamment le rôle joué par le violoncelliste professionnel Sergueï Roldouguine, parrain de la fille Maria du président russe. Sept sociétés basées dans des paradis fiscaux lui sont liées, toutes indirectement gérées par la banque Bank Rossia, un cabinet d’avocats en Suisse servant de paravent. «Des associés de Poutine ont falsifié des paiements, antidaté des documents et obtenu de l’influence occulte auprès des médias et de l’industrie automobile russes», détaille le consortium sur son site internet.

Les «Panamapapers» font aussi mention de l’ancien ministre français Jérôme Cahuzac, dePatrick Balkany, le député-maire LR de Levallois, de l’homme d’affaires franco-israélien Patrick Drahi et de certains cousins du président syrien Bachar el-Assad, du père du premier ministre britannique David Cameron, de la fille de l’ancien premier ministre chinois Li Peng et d’autres proches de haut-responsables d’Argentine, du Maroc, d’Égypte, du Ghana, d’Afrique du sud, de Côte d’Ivoire, de Guinée, du Pakistan, de l’Azerbaïdjan, d’Espagne, et de Malaisie.

Des proches de hauts dirigeants chinois, dont le président Xi Jinping et l’ex-premier ministre Li Peng, apparaissent également. Parmi d’autres, figure notamment Deng Jiagui, l’époux de la soeur aînée de Xi Jinping. En 2009, alors que son beau-frère était membre du tout-puissant comité permanent du Bureau politique du Parti communiste chinois (PCC) mais pas encore président, Deng Jiagui est ainsi devenu l’unique actionnaire de deux sociétés écrans dans les Iles Vierges britanniques, révèle l’ICIJ. Dans les documents, figure également le nom de Li Xiaolin, fille de Li Peng (premier ministre chinois de 1987 à 1998). Elle était, avec son mari, bénéficiaire d’une fondation au Liechtenstein, elle même contrôlée par une firme enregistrée aux Iles Vierges britanniques, à l’époque où son père était en fonctions. Une petite-fille de Jia Qinglin, ex-membre du comité permanent du Bureau politique du PCC, était par ailleurs l’unique actionnaire de plusieurs sociétés «offshore», via lesquelles elle contrôlait discrètement des groupes en Chine même.

Les documents du cabinet d’avocats font aussi apparaître les noms d’une vingtaine de joueurs de football vedettes, évoluant notamment à Barcelone, au Real Madrid ou encore au Manchester United. Parmi eux, le multiple ballon d’or Lionel Messi, concerné pour une offshore créée en 2012 au Panama. Parmi les «stars», on trouve aussi l’ex-footballeur et ancien vice-président de la Fédération internationale de football (FIFA) Michel Platini, qui, d’après Le Monde.fr, aurait administré la Balney Enterprises Corp., une société offshore créée le 6 décembre 2007. L’ancien joueur français se serait ainsi vu remettre un «pouvoir général» en décembre 2007 – onze mois après son élection à la présidence de l’UEFA. Michel Platini s’est défendu dès dimanche soir en publiant un communiqué précisant que «l’intégralité de ses comptes et avoirs sont connus de l’administration fiscale suisse, pays dont il est résident fiscal depuis 2007».

«Le plus grand coup jamais porté aux paradis fiscaux»

Les documents montrent que les banques, les cabinets d’avocats et autres acteurs opérant dans les paradis fiscaux oublient souvent leur obligation légale de vérifier que leurs clients ne sont pas impliqués dans des entreprises criminelles», affirme l’ICIJ. «Cette fuite sera probablement le plus grand coup jamais porté aux paradis fiscaux à cause de l’étendue des documents» recueillis, estime Gérard Rylé, le directeur de l’ICIJ cité par la BBC. «Ces révélations montrent à quel point des pratiques nocives et la criminalité sont profondément enracinées dans les places offshore», selon Gabriel Zucman, un économiste de l’université de Californie à Berkeley cité par le consortium basé à Washington.

« Panama papers »  : une plongée inédite dans la « boîte noire » des paradis fiscaux

C’est sur une véritable mine d’or qu’ont mis la main Le Monde et ses partenaires. Une base de données inédite tant par son ampleur que par son contenu remise par un lanceur d’alerte anonyme au journal allemand Süddeutsche Zeitung. Le quotidien l’a partagée avec le Consortium international de journalisme d’investigation (ICIJ), organisation et réseau indépendant de Washington, déjà à l’origine des « OffshoreLeaks », des « LuxLeaks » et, plus récemment, des « SwissLeaks ».

Avec 2 600 Go de données, les « Panama papers » sont le plus massif des « leaks » journalistiques depuis le début de l'ère informatique.
Avec 2 600 Go de données, les « Panama papers » sont le plus massif des « leaks » journalistiques depuis le début de l’ère informatique. LES DÉCODEURS
107 MÉDIAS DANS 77 PAYS

Pendant un an, 378 journalistes issus de 107 médias dans 77 pays ont travaillé sur ces « Panama papers », qui retracent quasiment jour par jour le fonctionnement de la firme panaméenne de domiciliation de sociétés offshore Mossack Fonseca. Créé en 1977 au Panama, l’un des plus grands trous noirs de l’économie mondiale, ce cabinet est aujourd’hui l’une des clés de voûte du business mondial et opaque des paradis fiscaux, avec des bureaux dans plus de 35 pays.

Lire aussi :   « Panama papers » : comment « Le Monde » a travaillé sur plus de 11 millions de fichiers

214 488 STRUCTURES OFFSHORE

Pour presque chacune des 214 488 structures offshore créées ou administrées par Mossack Fonseca au cours de ses quarante années d’existence, la base de données fournit pêle-mêle registres, documents officiels, passeports, contrats et correspondances internes. Des fichiers qui permettent parfois de dévoiler les véritables propriétaires et activités de ces sociétés, inaccessibles au public, et même souvent aux autorités, en raison de l’opacité qui règne dans ces juridictions offshore.

Qui utilise les sociétés offshore des « Panama papers » ?
Qui utilise les sociétés offshore des « Panama papers » ? LES DÉCODEURS

« Affaires », banques, grandes fortunes et football

Cette immense caverne d’Ali Baba de l’évasion fiscale, qu’un journaliste mettrait plusieurs décennies à explorer seul en travaillant jour et nuit, récèle des milliers de noms de ressortissants de plus de 200 pays ou territoires différents. Si la plupart sont inconnus du grand public, on y retrouve aussi des centaines de figures de premier plan, issues des univers politique, économique, sportif, culturel et même criminel, sur lesquels les membres du réseau ICIJ ont enquêté en commun pour déterminer quelle utilisation ils ont fait de leurs montages offshore transnationaux. Le Monde a aussi enquêté sur des sociétés-écran liées aux grandes fortunes françaises, sur des affaires politico-financières, des banques hexagonales et des personnages importants du football français.

Au-delà des innombrables noms et histoires, les « Panama papers » brossent un portrait quasiment en temps réel d’un système créé par et pour l’opacité de ses bénéficiaires. Les données, qui s’étendent jusqu’à la fin de l’année 2015, montrent que les avancées récentes de la réglementation des paradis fiscaux sont loin d’avoir facilité la vie des autorités chargées de lutter contre le blanchiment, la corruption et la fraude fiscale. A chaque nouveau tour de vis inspiré par la pression internationale, les artisans méticuleux de l’offshore comme Mossack Fonseca trouvent une nouvelle parade pour préserver la discrétion de leurs clients – avec la complicité de plus de 14 000 banques et cabinets d’avocats fiscalistes qui jouent les intermédiaires financiers.

Ce sont toutes ces histoires que Le Monde va vous raconter tout au long de la semaine dans ses éditions papier et numériques, dans le cadre de l’opération « Panama Papers ».


Source :  lemonde.fr

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André

L’époque pré-informatique des bonnes vieilles boites d’archives stockées dans une pièce était plus sûr. Il aurait pu sortir une ou deux boites mais certainement pas des milliers…

Maintenant il faut vite que la France récupère ces milliards pour continuer de remplir le tonneau des Danaïdes des « banlieues » et d’assurer le train de vie aristocratique des hauts fonctionnaires de la République…

BENJAMIN

Bizarre !
Le Monde et Libe le Figaro Nouvel Obs etc….pour ne citer qu’eux n’ont-ils pas été « arrosés  » depuis des décennies ?

Qui va enquêter à leur sujet ?

Ratfucker

Une fuite très orientée « people », mais hélas, silence radio sur les personnalités du monde politique, diplomatique, médiatique, universitaire qui se font régulièrement arroser depuis des décennies par le lobby arabe afin de répandre les thèses nauséabondes du Palestinisme. Pas vraiment un hasard lorsqu’on sait que dans l’équipe de Wikileaks, Assange est secondé par le répugnant négationniste Israël Shamir.