La Chine a déployé un puissant groupe aéronaval près du Japon
Le 15 décembre, le Japon a dévoilé une nouvelle doctrine défense, laquelle est susceptible de battre en brèche plusieurs principes de la Constitution d’essence pacifiste qu’il s’était donné en 1947, sous l’influence américaine.
Cela étant, ces dernières années, ce texte avait été amendé afin de prendre en considération l’évolution du contexte régional [et mondial], comme ce fut le cas en 2014, pour autoriser le concept « d’autodéfense collective », qui permet depuis aux forces nippones de se déployer sur des théâtres d’opérations extérieurs même si l’archiper n’est pas directement attaqué.
La doctrine qui vient donc d’être publiée par Tokyo suppose des changements radicaux, même si le Premier ministre nippon, Fumio Kishida, a assuré qu’elle continuerait à « s’inscrire dans le cadre de la Constitution, du droit international et du droit japonais » et que la politique de « défense exclusive » resterait inchangée.
Selon cette nouvelle stratégie de défense, le Japon entend se doter de capacités de contre-attaque. En clair, si toute idée de frappe préventive est exclue, il s’agit de pouvoir riposter en détruisant des cibles militaires situées en territoire ennemi. En clair, il s’agira ainsi de renforcer la dissuasion de l’archipel. Pour cela, Tokyo parle de porter ses dépenses militaires à 2% du PIB, ce qui brise, là encore, une autre règle, tacite, qui voulait que le montant de celles-ci n’excède pas le 1% du PIB.
Cette nouvelle posture se justifie en partie par l’attitude de la Corée du Nord, dont les actions représentent une « menace plus grave et plus imminente pour le Japon que précédemment », notamment après plusieurs tirs de missiles nord-coréens en direction de l’archipel, ces derniers mois.
Quant à la Russie, avec laquelle le Japon a un différend territorial au sujet des îles Kouriles, la doctrine nippone souligne que sa « volonté de recourir à la force pour atteindre ses propres objectifs de sécurité, comme en Ukraine, est évidente » et que « ses activités militaires dans l’Indo-Pacifique ainsi que sa proximité stratégique avec la Chine constituent une forte préoccupation en matière de sécurité ».
Enfin, étant donné la mainmise de Pékin sur la mer de Chine méridionale, carrefour de routes maritimes essentielles pour l’économie nippone, des relations difficiles en raison du poids de l’histoire, de la question de Taïwan et de conflits territoriaux, dont celui des îles Senkaku est sans doute le plus emblématique, la posture militaire chinoise constitue une « grave préoccupation », non seulement pour le Japon mais aussi pour la « communauté internationale »… et même un « défi stratégique sans précédent ».
Et visiblement, Pékin ne cherche pas à détromper Tokyo sur ce point. Au début de cette semaine, l’état-major japonais a indiqué qu’il avait repéré plusieurs navires de la composante navale de l’Armée populaire de libération [APL] au sud de l’archipel, précisément au large de l’île de Kyūshū
Ainsi, un navire de renseignement électronique appartenant à la classe Dongidio [n°796] a traversé le détroit de Miyako, au sud d’Okinawa. Puis, l’état-major nippon a ensuite signalé la présence de l’imposant croiseur de type 055 CNS Lhassa, le « destroyer » de type 052D CNS Kaifeng et le navire de ravitaillement de type 903A CNS Taihu. Cette formation a emprunté le détroit d’Osumi, dans le Pacifique occidental.
Pour rappel, affichant un déplacement de plus de 10’000 tonnes pour une longueur de 180 mètres et un maître-bau de 20 mètres, le croiseur de type 055 [ou classe Renhai] est équipé de 112 tubes de lancement vertical [48 à l’avant et 64 à l’arrière] lui permettant de tirer des missiles anti-aérien HHQ-9 et HHQ-16, des missiles anti-navire YJ-18A et des missiles de croisière CJ-10. Il est en outre doté d’un système anti-aérien de courte portée avec 24 missiles HHQ-10, de roquettes anti-sous-marins CY-5, de 6 tubes lance-torpilles de 324mm, d’un puissant radar AESA [à antenne active] multi-fonctions type 346B et d’un radar de tir AESA X-Band.
Moins imposant [7’500 tonnes], le « destroyer » de type 052D n’en est pas moins fortement armé, avec 64 cellules de lancement vertical pour tirer des missiles CJ-10, YJ-18A et HQ-16 [surface-air]. Il est également équipé de six tubes lance-torpilles, d’un radar à antennes actives [AESA] de Type 364A, d’un radar de surveillance aérienne, d’un radar de surface, d’un sonar de coque et d’un sonar remorqué à basse fréquence.
Mais cette formation chinoise n’était qu’un hors d’oeuvre… puisque, au moment où Tokyo s’apprêtait à dévoiler sa nouvelle doctrine de défense, un puissant groupe aéronaval, formé autour du porte-avions CNS Liaoning, a été repéré dans le détroit de Miyako, puis dans le Pacifique occidental.
A priori, jamais l’APL n’a déployé un groupe aéronaval aussi imposant dans les environs du Japon. En effet, celui-ci se compose, outre du CNS Liaoning et problablement d’un sous-marin, de deux croiseurs de type 055 [les CNS Anshan et CNS Wuxi], du destroyer de type 052D « Chengdu », de la frégate de type 054A CNS Zaozhuang et du navire de ravitaillement de type 901 CNS Hulunhu. Et il n’est pas impossible qu’il soit renforcé par les quatre autres navires précédemment repérés par les forces japonaises…
Face à la révision continue des stratégies de défense du Japon, l’APL « doit améliorer sa préparation au combat pour faire face à d’éventuelles menaces », a fait valoir Song Zhongping, un expert militaire, dans les pages du Global Times, quotidien proche du Parti communiste chinois [PCC]. « Nos exercices ne visent aucun tiers, mais si un tiers représente une menace pour la Chine, il doit sentir que les exercices le vise », a-t-il ajouté.
Ce déploiement du CNS Liaoning dans les environs du Japon est le second de l’année. En mai, le porte-avions chinois, entouré d’une escorte plus modeste [mais avec tout de même un croiseur de type 055 et quatre destroyers de type 052D], avait emprunté le détroit de Miyako pour ensuite prendre position dans le Pacifique occidental. Ce qui donna lieu à quelques frictions avec les forces d’autodéfense japonaises, Pékin ayant même dénoncé la « suveillance rapprochée » dont fit l’objet son groupe aéronaval. En tout cas, celui-ci donna du fil à retordre à l’aviation de combat nippone, les chasseurs embarqués chinois J-15 ayant effectué une centaine de sorties au sud d’Okinawa en une dizaine de jours.
PAR LAURENT LAGNEAU opex360