Notre démocratie, dictature molle : quel avenir ?

En ces temps de confinement, entre les émissions de téléréalité, jeux et martèlement de l’information sur le Covid-19, le peuple ne dispose que de peu de temps pour la réflexion. Pourtant, qu’avons-nous d’autre à faire, qui soit utile ? Denis de Rougemont disait que la décadence d’une société commence quand l’homme se demande : « que va-t-il se passer ? » au lieu de demander : « que puis-je faire ? »

D’un côté, la presse nous nourrit de : « que va-t-il se passer ? », flattant notre individualisme.

De l’autre, les Français, à l’instar des Italiens, se donnent rendez-vous à 20 Heure pour louer le personnel de santé et donner courage et espoir à tout un peuple. L’Etat ne fournit pas de masque ou de blouse ? Une multitude d’ateliers a pris l’initiative de les fabriquer par impression 3D ou petites mains, pour une diffusion locale. Les dons affluent pour pallier les défaillances de l’Institution. Est-ce une généralité ? Globalement, chacun fait à sa mesure et participe, ne serait-ce qu’en restant chez soi.

 

 

Le peuple n’est pas en décadence. Le système, non seulement l’est, mais il est de plus en plus distinct du peuple.

La Démocratie occidentale est souvent qualifiée de dictature molle.

La réponse immédiate reprend le poncif que la Démocratie est le moins pire des systèmes.

La référence est donc une échelle de Valeur. Encore faut-il en marquer le déterminant.

La base de l’échelle est l’arbitraire qui soumet l’individu.

Un niveau supérieur est la violence qui accompagne l’arbitraire. Les rouages de la dictature marquent des castes. Le phénomène d’impunité du dominant traduit l’absence de Justice.

Si nous pouvons nous échapper du cadre pyramidal théorique et figé de la description caricaturale, la différence majeure est inscrite dans un déterminant transverse aux segments de population : la dictature, on en meurt. La mort sera plus ou moins violente. La torture, par exemple, n’est pas imaginable en Démocratie, question de Droit, de Justice inhérente à la Démocratie.

En fait, la différence majeure entre la dictature et la démocratie est d’ordre moral.

Historiquement, la terminologie de Démocratie souffrait au XXe siècle des différents sens qu’elle prenait. La Démocratie occidentale s’opposait à la Démocratie populaire. Pour la première, le Bien était une cause. Le Bien était lié à la responsabilisation. Le peuple décidait du Bien. Pour la seconde, le Bien était une conséquence. Le socialisme était la conséquence « historique », c’est-à-dire la suite dialectique de la dictature du prolétariat. Le communisme fait ce qui est le Bien pour le peuple, serait-ce à son insu.

En 1981, lorsque Mitterrand accède à la fonction suprême, la rupture est marquée par l’abolition de la peine de mort. Devant l’Assemblée Nationale, Robert Badinter justifie sa proposition de loi par la hiérarchie du Droit au sommet de laquelle se situe la Morale. La morale est donc bien ce qui gouverne la Démocratie. En cela, la démarche se situe dans la ligne qu’indique Hannah Arendt.

Le paradoxe est que ce n’est plus le peuple qui gouverne. Lui, a toujours été pour la peine de mort. La différenciation avec la dictature, qui est d’agir pour le Bien sans se préoccuper réellement de ce qu’en pense le peuple, disparaît. Et c’est là que la pensée d’Hannah Arendt est corrompue par la Gauche. La mutation n’est pas le passage des ténèbres à la lumière, comme le disait Jack Lang à l’époque. Hannah Arendt qualifiait la légitimité de la morale par son caractère authentique par rapport à l’illusion de l’institution démocratique.

Décider du bien pour le peuple à son insu est le premier outrage à la Démocratie quand la morale est relative.

C’est ainsi qu’on peut analyser la théorie de la dictature de Michel Onfray qui s’appuie sur la fonction de dénaturer.

La démocratie-dictature molle signifie-t-elle qu’elle est le moins pire des systèmes ?

De manière théorique, si la possibilité légale d’assassiner est le déterminant qui marque la dictature, la mort peut être un état relatif. « Plutôt mourir que vivre à genoux » a un sens. Le Judaïsme est porteur du sens de la vie et la Halakha prescrit de préférer la mort à ce qui élimine le sens de la vie. C’est ainsi qu’il vaut mieux mourir que vivre sans D.ieu.

La Démocratie ne peut être à la dictature ce que la vie est à la mort, d’autant que l’étalon de mesure de l’un à l’autre n’est pas un absolu.

Il ne faut pas s’y tromper : une nouvelle Shoah pourrait avoir lieu en Démocratie.

Le déterminant différentiel entre la Démocratie et la Dictature n’en est donc pas un.

Quelqu’un, non sans ironie, affirmait que la seule vraie différence entre la Démocratie et une dictature est que pour la première, le peuple a la possibilité de changer le dirigeant. Nous votons mais en final, rien ne change. Le système reste en place. Cela signifie que la part de liberté qu’offre la démocratie n’est qu’une illusion. C’est là que les notions de légitimité et d’illusion par Hannah Arendt sont à considérer.

A bientôt 1 mois de confinement, l’information porte sur « l’après » confinement. Il faudra que justice soit faite. Des têtes tomberont, comme pour l’affaire du sang contaminé. Responsable mais pas coupable ou bien même coupable, c’est cette démocratie molle qui l’emporte car rien ne changera à ce sujet.

Voici une différence majeure entre une dictature et la Démocratie : on peut se débarrasser de la vraie dictature. Un des problèmes de la Démocratie est qu’elle est porteuse de mensonge et de fausseté. L’expérience du covid-19 ne peut que le confirmer. Le caractère mou de la Démocratie est relatif à sa fausseté. Ce mou est insaisissable. Glissant, il nous échappe.

 

La notion de moins pire des Systèmes est régie par un ordre moral. La mollesse de la dictature serait une douceur, cette douce tiédeur dans laquelle s’endort Cosmopolis comme le faisait la grenouille de Galvani dans son bain tiède. L’échelle de valeur du moins pire des systèmes établirait qu’il est moins pire de se faire escroquer d’une petite somme par un ami que de se faire dérober tous ses biens par un inconnu. La grande douceur, indolore est de se faire escroquer par un ami sans que nous nous en rendions compte. Nous continuerons à le considérer comme notre ami ou le moins pire de nos ennemis. En réalité, le traître est le pire des ennemis.

Ici, il est important de noter qu’en hébreu et donc dans ce qui devrait être qualifié d’authentique par l’expression de la Torah, « morale » signifie « bonne mesure ». Il y a incompatibilité entre la fausseté et la morale. Du Bien peut sortir du Mal comme du Mal peut sortir du Bien. Mais il n’y a pas de mesure entre les deux.

C’est par cela que la Démocratie n’est pas le moins pire des systèmes.

Beaucoup se retrouvent pour dire qu’il y aura un après-covid-19 différent de son avant. Le confinement nous offre le temps d’en prendre la mesure. Adam Przeworski affirmait, de ses travaux sur les transitions démocratiques, que la Démocratie est immortelle quand le revenu individuel moyen (PIB/h) dépasse 35000 €. Le peuple aurait alors atteint la douce tiédeur du bain de la grenouille qui se laisse bouillir. L’avenir sera ce que nous en ferons, peu importe les théories.

 

Adam Przeworski

 

Par ©Gilles Falavigna

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