Natan Sznaider, La blessure juive (die jüdische Wunde). Vivre entre l’assimilation et l’autonomie. Hanser Verlag
Voici un livre qui retient l’attention tant les libraires et les intellectuels outre-Rhin depuis sa parution, car il revient sue une thématique bien connue : quelle est la meilleure façon de surmonter cette question très disputée qui ne passe pas, de la parenté, réelle ou fictive, de l’identité juive et de la culture allemande. Bien que cette question ait fait couler tant d’ encre mais aussi de sang, il se trouve toujours un juif ou un Allemand pour approfondir le sujet, à la lumière de découvertes ou de parutions récentes.
Un mot de l’auteur: il est professeur de sociologie religieuse à l’université de Tel Aviv; il connait donc les choses de l’intérieur mais aussi de l’extérieur. Mais l’orthographe de son nom met en évidence ses origines polonaises ou à tout le moins, de la partie orientale ou centrale de l’Europe. On peut parler de l’aire culturelle germanique puisque, comme on le verra à la lecture de ce volume, il s’en réfère à l’Aufklärung allemande avec Gottlob Ephraïm Lessing, l’ami de Moses Mendelssohn ,et poursuit sa passionnante enquête jusqu’à Hannah Arendt, sans oublier Karl Marx.
L’idéologie du siècle des Lumières à l’égard des juifs se résumait en deux phrases : la société allemande vous débarrasse de toute contrainte, de toute discrimination et, de votre côté, vous renoncez à verre spécificité visible. En somme, on vous accueille dans notre société germano-chrétienne mais le prix à payer consiste se à renier soi-même, En échange, vous renoncez à votre identité, à ce qui vous isole au sein du groupe social. C’est ce pesant et interminable dilemme que l’auteur tente d’analyser dans le présent ouvrage. Il est facile de montrer qu’il s’agissait d’un marché de dupes , car l’l’Europe chrétienne proposait aux juifs demeurant dans ses frontières, l’abandon de croyances trimillénaires…
Ce dilemme a provoqué des drames dans le judaïsme allemand var ce qu’on cherchait, ce n’tait pas le bien des juifs, confortés dans leurs croyances ancestrales, c’état ni plus ni moins que la liquidation d’une foi âgée d’au moins trois millénaires… C’est dans cette tension polaire entre la fidélité à l’héritage et la séduction d’une tentation moderniste que vécurent les plus grands esprits du Judaïsme de cette époque. La promesse n’a pas été tenue et les gens qui vécurent cette blessure juive ont parfois été conduits au suicide…
Un intellectuel allemand s consacré à cet drame tout un ouvrage, intitulé, La haine de soi, (Der jüdische Selbstgass, Berlin, Jüdscher Verlag, 1930). Lessing y explique le désastre interne qui a poussé ces hommes à mettre fin à leurs jours alors qu’ils étaient dans l’attente quasi certaine de réussites sociales et d’une vie heureuse. Mas justement, cette existence partagée ou plutôt ce divorce existentiel a fini par avoir raison d’eux. Je cite souvent ce texte d’un jeune juif allemand ,Moritz Goldstein, publié en 1912 sous le titre Jüdischer Parnass dans la revire pangermaniste Kunstwrart, où il dit clairement que les juifs n’oint pas d’avenir sur les bords du Rhin. Il met à nu la blessure et crie à qui veut l’entendre, que l’autre partie n’a pas respecté ses engagements, car même éloignés des racines juives, les juifs étaient toujours traités comme les adeptes d’une religion et d’une culture étrangères… Mais en dépit des concessions des juifs à la culture et à la société allemandes, l’antisémitisme n’a pas disparu. Tout au contraire, il est sorti revigorée de cette crise, véritable plaie juive… En somme, la partie allemande n’a pas respecté sa part du contrat.
Est-ce la preuve définitive que la symbiose culturelle judéo-allemande a échoué ? Oui et non, à la fois. Elle a échoué car elle n’a pas empêché la survenue de la Shoah, mais elle a réussi, si l’on considère cette magnifique science du judaïsme qu’elle a engendrée. D’aucuns contestent cette analyse et parlent d’un judaïsme des mussées, des cimetières et des stèles commémoratives ; mais où est passée la vie , la vraie vie ? Cette science du judaïsme constitue le legs spirituel du judaïsme allemand mais elle véhicule l’idée d’un héritage post-mortem, donc souligne l’idée du deuil, de la mort et de la disparition.
Mais tout n’est pas négatif puisque sur un autre plan, cette confrontation avec la culture européenne dont l’Allemagne a été le fleuron a provoqué le réveil de l’idée nationale, du sionisme et de l’état d’Israël. En gros, est ce que l’identité juive est compatible avec la culture européenne ? Est-ce que l’on ne dispose toujours pas d’une arme efficace contre l’antisémitisme ? Je ne peux pas répondre à cette question car elle sommeille au fond de tant d’ennemis d’Israël.
Maurice-Ruben HAYOUN
Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à l’université de Genève.
par Jforum.fr
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