Jean-Marc Souvira et les chiens fous des clans mafieux.

«La Porte du vent» nous embarque de France en Chine sur la trace de communautés juives et chinoises tour à tour alliées et ennemies. Un grand polar doublé d’un formidable roman historique.

Le roman débute la nuit, dans une forêt noire balayée par les vents, avec un policier qui se fait passer à tabac par quatre tueurs. Une ambiance macabre et violente qui donne le ton de l’ouvrage. L’intrigue se poursuit dans les allées du bois de Vincennes, à la vitesse des balles qui abattent les trois passagers d’une Mercedes – un jeune entrepreneur juif, son chauffeur et son garde du corps. Un mitraillage dans une voiture à l’arrêt rappelant celui de Sonny, le fils aîné des Corleone dans le Parrain. Une petite musique qui nous accompagnera tout au long des pages…

Ainsi débute la Porte du vent. L’histoire d’un règlement de comptes entre deux clans mafieux ; deux communautés (juive et chinoise) qui pourtant travaillaient ensemble en relative bonne harmonie depuis des décennies (les seconds assurant le blanchiment des activités illégales des premiers). Une «guerre des gangs» aux ramifications multiples, dont l’auteur, Jean-Marc Souvira, ancien commissaire divisionnaire ayant exercé pendant près de trente ans dans la police, connaît à la perfection les rouages.

Filature et écoutes, tueurs à gage et balances ; alors que la police compte les cadavres, débarquent en France deux vieillards (l’un venu de Chine, l’autre d’Israël) venus se recueillir devant une anonyme tombe chinoise dans un cimetière militaire de la Première Guerre mondiale. Qui veulent-ils honorer ? Que signifie leur venue ? Ces deux hommes ont-ils le pouvoir de calmer les chiens fous de leurs communautés ?

Pallier le manque de bras

On vient d’avaler d’une traite le premier tiers de cet impressionnant polar sans temps mort quand débute la seconde partie. En fait, presque un second livre (quelque 200 pages). Un roman historique superbement documenté. Une histoire pleine de bruit et de fureur, d’acier et de sang, se déroulant au cœur des tranchées de la Somme. Le récit commence en 1916 à Kaifeng dans la province du Henan à l’est de la Chine. Zhang, un jeune étudiant en médecine, personnage solaire aux pouvoirs étranges (il fait danser les oiseaux, a un don de double vue…), membre d’une minuscule communauté de juifs chinois, doit quitter précipitamment le pays après une altercation avec des voyous. Il est alors recruté par l’armée française, en compagnie de dizaines de milliers de ses compatriotes, pour intégrer le «Corps de travailleurs chinois», vaste troupe corvéable à merci, chargée d’effectuer des travaux de terrassement ou de manutention pour pallier le manque de bras dans une France saignée par deux ans de guerre.

Un épisode peu connu que l’auteur a découvert lorsqu’il était à l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière. «Je travaillais beaucoup sur les mafias chinoises et juives, nous a expliqué Jean-Marc Souvira. La communauté juive était spécialisée dans les grandes escroqueries [taxe carbone, phishing…, ndlr] et l’on voyait beaucoup d’argent partir vers la Chine… Il était évident que les deux communautés étaient en affaires. Je me suis donc demandé comment ces gens qui n’avaient pas la même culture, pas les mêmes origines, étaient arrivés à se côtoyer. J’ai mené mon enquête et j’ai pu remonter le fil de l’histoire».

Étonnante solidarité

Bientôt réquisitionné avec quelques amis pour travailler sous le feu des mitrailleuses allemandes, Zhang se liera d’amitié avec des soldats juifs ayant à cœur de prouver leur vaillance aux vieilles ganaches antisémites de l’armée. Ils seront rejoints par des bataillons de noirs américains (victimes du racisme des Etats-Unis ségrégationnistes) qui, eux aussi, s’illustreront avec bravoure. Chinois traités comme des animaux, soldats noirs méprisés, juifs rabaissés… Une étonnante solidarité unira ces trois groupes qui, une fois la guerre finie, lieront leurs destinées. Si Zhang reste jusqu’à la fin un être de lumière, ses camarades, tombés du côté obscur, emprunteront d’autres voies… «Tous les personnages du roman sont évidemment fictifs, mais c’est un fait avéré, que certains travailleurs chinois ne sont pas rentrés en Asie après la guerre, ils sautaient des trains en arrivant dans les gares, soutient Jean-Marc Souvira. C’est ainsi qu’une petite communauté a fait souche près de la gare de Lyon, où ils ont rapidement été en contact avec des artisans juifs travaillant dans la maroquinerie. Le début de leur “collaboration”.»

Retour vers le futur, avec la troisième partie du roman qui reprend le fil des règlements de compte des arrières petits-fils des héros de la Grande Guerre. Les «anciens» sauront-ils ramener leurs clans à la raison ? Quelle sera la réaction de la dernière génération ? Dans les restaurants du XIIIe arrondissement, les hôtels particuliers de Neuilly ou les cabinets d’affaires new-yorkais, un vent nouveau semble souffler, avant que ne se referment définitivement les portes et les secrets du passé.

La Porte du vent, de Jean-Marc Souvira, éditions Fleuve noir. 592 pp., 22,90 euros

Source : liberation.fr

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