Article préalablement publié le 1er mars 2016, il y a presque deux ans...

Iran : La grande question économique à laquelle la campagne électorale n’a pas répondu

Iranian women sit at a bus station in downtown Tehran on Feb. 25 amid electoral posters for the upcoming parliamentary elections.ENLARGE
Des femmes Iraniennes assises à un arrêt de bus station dans le centre-ville deTéhéran, le 25 février au milieu d’affiches électorales pour les élections parlementaires. PHOTO: BEHROUZ MEHRI/AGENCE FRANCE-PRESSE/GETTY IMAGES

La République Islamique est  sur le point de connaître les résultats de ses premières élections depuis l’obtention d’un accord international autour de son programme nucléaire. En jeu, en théorie du moins, le contrôle du Parlement (Majliss) et de l’Assemblée des Experts.

Mais jetons un oeil sur ce qui se passe ne-dessous des fanfaronnades de période électorale : dans le labyrinthe politique de l’Iran, le Parlement est généralement invalidé par des secteurs non-élus du gouvernement ; et l’Assemblée des Experts, dont l’unique objectif est d’élire le prochain Guide Suprême, affirmera probablement n’importe quelle décision qui sera choisie par le Guide actuel ou les puissants courtiers du régime, comme cela s’est toujours passé, si jamais la connaissance de l’histoire est d’une utilité quelconque.

Pendant ce temps, un débat subtil se déroule entre les tenants radicaux de la ligne dure et les pragmatiques, quant à la direction que devrait prendre l’économie de l’Iran. Et aucun des deux camps ne semble détenir le moindre plan un tant soit peu réaliste pour répondre aux problèmes de l’avenir incertain du pays.

Le guide suprême, l’Ayatollah Ali Khamenei et ses disciples militants ont toujours perçu l’intégration dans l’économie globale comme une menace envers leur vertueuse République. Ce n’est pas une surprise : une révolution qui rejette les normes internationales ne peut pas devenir dépendante des banques étrangères et des investisseurs.

Les dommages subis par l’économie iranienne à cause des sanctions occidentales imposées pour répliquer au programme nucléaire de l’Iran ont servi d’avertissement pour les Ayatollahs. Tout au long de la plus grande partie de la campagne électorale, les candidats radicaux ont brodé toutes sortes de théories de la conspiration sur la façon dont l’Occident complote pour subvertir le régime islamique par le commerce. Dans le discours des radicaux, le pétrole devient bien plus une malédiction qu’une nécessité pour le développement national. Cela fait écho aux propos de l’Ayatollah Khamenei qui, pendant des décennies, a fait pression sur tous les présidents d’Iran, afin qu’ils produisent un budget qui réduise la dépendance au pétrole. La vision (impraticable) des tenants de ligne dure est celle d’un Iran isolé de l’économie globale et en quelque sorte immunisé contre les caprices du marché du pétrole.

A tel point que, si jamais l’Ayatollah Khamenei et sa clique ont bien un plan économique, il consiste pour l’Iran à devenir autosuffisant en comptant sur sa population et les Etats voisins. L’Iran, pays de 80 millions d’habitants, dispose des ressources et des clients suffisants pour répondre à nombre de ses propres besoins. L’Iran peut aussi servir de foyer pour un marché régional comprenant l’Irak, l’Afghanistan et les Républiques d’Asie Centrale. Déjà, l’Iran fournit des voitures, de l’acier et des produits pétrochimiques à ces pays voisins. Il peut tirer avantage de sa géographie pour étendre et développer ces marchés. Au mieux, cette notion que l’Iran peut devenir auto-suffisant et se sevrer de son pétrole est fantaisiste. Mais, pour les Conservateurs iraniens, la pauvreté est un prix qu’il vaut la peine de payer pour rester indépendants. La révolution ne pourra jamais s’épanouir si elle est cernée par les marchandises étrangères et les tentations de la culture occidentale.

Iranian President Hassan Rouhani at a meeting in Paris in January.ENLARGE
Le Président Hassan Rouhani lors d’une réunion à Paris en Janvier. PHOTO: AGENCE FRANCE-PRESSE/GETTY IMAGES

Les plans économiques du Président Hassan Rouhani et de sa bande de Pragmatiques peuvent sembler plus rationnels, mais eux également comportent leurs propres solutions aussi absurdes qu’inapplicables. Les candidats soi-disant modérés dans ces élections iraniennes ont largement évité d’évoquer des réformes structurelles, telles que l’ajustement voire la fin des subventions qui pèsent sur les budgets gouvernementaux et la diversification de l’économie. Ils craignent que de telles réformes puissent déclencher un retour de flammes populaires et, en définitive, détraque la totalité du système.

Mr Rouhani et ses alliés parlementaires espèrent que l’accroissement des ventes de pétrole et l’investissement étranger vont, d’une certaine façon, soutenir l’économie iranienne. L’accord nucléaire était une partie indispensable de cette vision. Mais les besoins de l’Iran sont trop vastes, sa population trop grande et ses marchés trop petits pour attirer suffisamment de capital étranger. L’Iran demeure le parrain principal du terrorisme et un Etat impérial ravageant le Moyen-Orient, deux raisons qui en font un mauvais choix pour les investisseurs étrangers. Alors que la nature des marchés énergétiques est en pleine mutation et que le pétrole devient moins essentiel pour les moteurs du monde industriel, l’Iran va se retrouver en situation fâcheuse.

Ces derniers mois, alors qu’il a critiqué les Etat-Unis tout au long des négociations sur le programme nucléaire iranien, l’Ayatollah Khamenei a occasionnellement dénigré le Président Rouhani à cause de sa diplomatie des armes contre le commerce. “L’un des buts de ceux qui poursuivent ces négociations était d’obtenir des progrès économiques grâce à l’investissement étranger. Ils y ont réellement travaillé dur et réalisé de gros efforts… Cependant, aujourd’hui, les Américains sont en train d’empêcher cela », a t-il déclaré ce mois-ci. Les Radicaux sont méfiants envers les étrangers et leur argent et ils dénigrent les Modérés pour leur naïveté dans leur confiance envers la communauté internationale et son principal bénéficiaire, les Etats-Unis.

Quel que soit celui qui emporte les suffrages, après les élections de ce vendredi, les organismes de vérification de l’Etat théocratique s’assureront que les fidèles au régime les plus fiables ne soient pas disqualifiés de la gestion des affaires publiques. Le contrôle du Parlement iranien demeurera entre les mains des conservateurs. L’Assemblée des Experts sera manipulé par les Mollahs les plus âgés qui se réunissent de temps en temps pour écouter des rapports officiels ennuyeux.

Le problème fondamental, pour la République Islamique, n’est pas la composition politique de son parlement ou l’âge moyen de son Assemblée des Experts, mais le fait que ses dirigeants n’ont aucune vision de la façon de répondre aux défis économiques de l’avenir. L’Iran d’aujourd’hui ressemble trait pour trait à l’Union Soviétiques des années 1970, un régime qui évite les réformes économiques et espère que l’argent du pétrole va pouvoir le sauver – en définitive, de lui-même. C’était un régime qui s’avérait indulgent envers les aventures impérialistes à des coûts évidents, mais aux bénéfices difficiles à discerner ; un régime se réfugiant derrière le bouclier d’une idéologie qui convainquait encore une poignée de ses ouailles et n’inspirait plus personne. Ce dilemme ne peut être résolu par un nouveau cycle d’élections circonscrites.

blogs.wsj.com/washwire

Adaptation : Marc Brzustowski.

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