L’hégémonie chinoise sur la planète passe par le Moyen-Orient

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Ce long article, une analyse magistrale alarmante, d’une densité étonnante, a été traduit par Jean-Pierre Bensimon que je remercie pour son travail d’information considérable. Il nous le présente ainsi :

« Comprendre les forces telluriques qui bouleversent aujourd’hui la face de la planète exige un effort certain. Cette lucarne est réservée à ceux qui auront assez de persévérance pour cela » Jean-Pierre Bensimon

Un royaume chinois du Moyen-Orient est en train de prendre forme www.tabletmag.com/sections/israel-middle-east/articles/china-middle-eastern-kingdom 

par  Michael Doran et Peter Rough 03 août 2020

-Michael Doran, ancien directeur du Conseil National de Sécurité américain sous la présidence de Georges W. Bush, est membre senior de l’Hudson Institute de Washington, D.C.
-Peter Rough, ancien directeur de recherche au bureau d’analyses de George W. Bush, est membre senior de l’Hudson Institute de Washington, D.C.

Traduction : Jean-Pierre Bensimon le 23 août 2020

La Chine est sur la route de la suprématie au Moyen-Orient, et elle n’en restera pas là. 

Les responsables politiques américains imaginent depuis longtemps que les objectifs chinois et américains au Moyen-Orient sont largement complémentaires. La doctrine dominante affirme que Pékin, se focalise sur le commerce, en particulier le pétrole et le gaz. « La stratégie de la Chine au Moyen-Orient est guidée par ses intérêts économiques« , a déclaré l’année dernière un ancien haut responsable de l’administration Obama devant le Congrès.

« Là-bas, la Chine … ne semble pas intéressée par un approfondissement substantiel de ses activités diplomatiques ou de sécurité. » Selon ce point de vue dominant, la Chine adopte une position de neutralité sur les conflits politiques et militaires, car prendre parti lui vaudrait des ennemis qui pourraient entraver son accès aux marchés locaux. 

Ce shibboleth [terme biblique pour désigner un signe de reconnaissance partagé par un groupe humain. NdT] souvent répété ignore les signes aveuglants de son engagement très actif dans une épreuve de force avec les États-Unis, un combat que les Chinois avouent parfois être en mesure de gagner.

En 2016, Xi Jinping s’est rendu pour la première fois au Moyen-Orient en tant que président de la République populaire de Chine. Il a visité l’Arabie saoudite, l’Égypte et l’Iran. La propagande chinoise a salué ce voyage comme un évènement marquant.

Le ministère chinois des affaires étrangères a publié un livre blanc sur sa politique arabe, le premier du genre. « Nous allons approfondir la coopération et les échanges militaires entre la Chine et les pays arabes« , peut-on lire dans le document. « Nous allons … approfondir la coopération en matière d’armements, d’équipements et de diverses technologies spécialisées, et mener des exercices militaires communs. » 

L’année suivante, en 2017, la marine chinoise a ouvert une base navale à Djibouti, la première base d’outre-mer de son histoire. C’était une renonciation tacite au credo chinois, traditionnellement non-interventionniste. Djibouti se trouve à l’extrémité sud du détroit de Bab-el-Mandeb, la porte vers la mer Rouge et le canal de Suez depuis le golfe d’Aden. A l’extrémité nord, à seulement 18 miles, se trouve le Yémen. 

La Chine avance au Moyen-Orient avec une détermination impitoyable, car la région présente pour elle un intérêt plus vital que toute autre, hormis le Pacifique occidental. De fait, la Chine fait tout pour évincer les États-Unis du Moyen-Orient, une réalité qu’une grande majorité la communauté stratégique américaine préfère ne pas reconnaître, même si elle crève les yeux de plus en plus. 

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Vous ne nous croyez pas ? Posez la question aux Ouïgours, le peuple persécuté de la province du Xinjiang que le gouvernement de Pékin colonise assidument en y installant des millions de Chinois de l’ethnie Han. Les plus chanceux des Ouïgours, qui sont au nombre de 11 millions au total, sont piégés dans un réseau infranchissable de surveillance et d’oppression. Les autres, les malchanceux, qui sont peut-être un million, sont internés dans des camps d’endoctrinement idéologique où ils sont traités comme des esclaves, torturés et, selon des rapports récents, soumis à des stérilisations forcées. 

Quel motif la Chine peut-elle avoir pour tourmenter sans répit une petite minorité ethnique, alors que cela vaut à Pékin une avalanche de messages négatifs en Occident ? La politique de Xi découle, nous disent les experts, de la crainte de mouvements terroristes et séparatistes chez les Ouïgours, un peuple musulman turc qui a des liens ethniques et religieux avec ses proches voisins et avec la Turquie. Quelle que soit la validité de cette analyse, elle passe à côté du vecteur stratégique qui pointe à nouveau directement vers le Moyen-Orient. 

La réalisation phare de la politique étrangère de Xi est l’initiative « Belt and Road » [souvent traduit en Occident par « route de la soie » [NdT], un programme d’investissement de mille milliards de dollars dans des projets d’infrastructure aux quatre coins du monde. Le but est d’acheminer des ressources vers la Chine vorace qui établit ainsi une sphère d’intérêt mondial à son bénéfice.

Le fleuron de cette initiative est le Corridor économique Chine-Pakistan, un programme de plusieurs milliards de dollars de construction d’autoroutes, de lignes ferroviaires et de pipelines entre le port de Gwadar, dans l’océan Indien, et le Xinjiang, le cœur du pays ouïghour. Le terminus nord du corridor est Kashgar, une ville ouïgoure criblée de caméras dans chaque recoin, probablement la zone métropolitaine la plus surveillée au monde. En d’autres termes, la Chine écrase les Ouïgours parce que leur territoire se trouve à l’intersection de ses lignes d’approvisionnement terrestres essentielles. 

Jusqu’à qu’où la Chine est-elle capable d’aller pour poursuivre sa progression vers le Moyen-Orient ? Assez loin pour commettre un génocide. 

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L’hypothèse de la compatibilité entre les intérêts chinois et américains au Moyen-Orient découle de certitudes stratégiques révolues. Appelons-les « convergence harmonieuse. » Du président Nixon à Obama, les dirigeants américains ont cru à tort que le mondialisme transformerait la Chine en une puissance communiste plus avenante et modérée. 

Cette théorie est née de la prémisse fondamentale que le Parti communiste chinois (PCC) était confronté à une pression extraordinaire pour développer son économie, condition nécessaire de la création d’emplois au service d’une population en pleine explosion. Par nécessité, Pékin ne pouvait qu’accepter plusieurs mécanismes essentiels du capitalisme, au premier rang la flexibilité, qui suppose nécessairement une prise de décision décentralisée. Avec la progression de la décentralisation de l’économie chinoise, une nouvelle classe moyenne s’est développée, exigeant d’avoir son mot à dire sur les politiques gouvernementales. Sous cette impulsion, une démocratie à part entière ne s’épanouirait peut-être pas en Chine, mais les relations entre les dirigeants et les gouvernés deviendraient sans doute de plus en plus consensuelles et transactionnelles. Les lois de fer de l’économie de marché altèreraient la nature tyrannique du PCC pour en faire un gestionnaire technocratique inoffensif d’un parc géant d’externalisation des activités pour le compte d’Apple et de Nike. 

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La ‘’convergence harmonieuse’’ est une théorie matérialiste de l’histoire, une version capitaliste du marxisme. Elle suppose que l’économie est le principal moteur des affaires humaines, et elle perçoit l' »ordre international libéral » comme le produit des lois immuables de l’économie politique. Ces lois universelles gommeraient les aspérités de la Chine communiste, tout comme elles avaient précédemment retaillé l’Europe, l’Amérique, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud en États libéraux modernes. Pendant des décennies, les présidents américains successifs des deux bords politiques ont travaillé à l’intégration des économies chinoise et américaine, suscitant entre elles une certaine gémellité. 

La dynamique qui sous-tendait la convergence harmonieuse avait un contenu réel. Mais l’accent exclusif mis par la théorie sur l’économie a aveuglé les dirigeants américains sur les facteurs adjacents d’ordre culturel, politique et démographiques, de poids égal ou supérieur. Sur le plan culturel, la Chine ne se considère pas comme un pays comme les autres, mais comme une grande civilisation au cœur de l’humanité. Politiquement, le PCC s’est révélé le plus efficace de tous ceux qui avaient rêvé d’adapter le régime du parti unique aux exigences d’une économie moderne. Grâce en partie à l’essor des nouvelles technologies, le PCC parvient aujourd’hui à surveiller efficacement 1,4 milliard de personnes. Il leur laisse une certaine latitude dans les affaires économiques, mais en même temps il contrôle impitoyablement leur vie politique et leurs relations sociales. 

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L’oppression du peuple chinois par le PCC serait troublante mais gérable si la Chine était un acteur ordinaire sur la scène mondiale. Mais la taille compte. En 2010, le ministre chinois des affaires étrangères, Yang Jiechi, prenait d’assaut une conférence internationale pour protester contre les critiques de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton sur le comportement agressif de l’armée chinoise en mer de Chine méridionale. Il justifiait sa colère par cette observation laconique : « La Chine est un grand pays et les autres pays sont de petits pays, c’est un fait. » 

La Chine n’apprécie pas les efforts des États-Unis pour défendre et soutenir les « petits » pays afin de maintenir un ordre international sur lequel elle n’a pas été consultée et dont elle considère les valeurs – libéralisme, démocratie, liberté d’expression, marchés libres et transparents – comme autant de poignards visant le pouvoir du PCC. Pékin est donc déterminé à briser le moule capitaliste libéral que l’Occident lui offre, et son poids lui donne le pouvoir de réussir. 

Récemment, certains analystes ont trouvé la source de l’hostilité de la Chine envers l’Occident ; ce serait le « communisme ». Bien qu’anachronique, ce terme n’est pas totalement inexact. Il est certain que personne en Chine ne fait encore confiance aux vertus secrètes de l’économie marxiste.

Pourtant, le PCC continue de s’appuyer sur la structure d’un parti unique d’État et sur les outils traditionnels des partis communistes qui sont la répression, la subversion et la guerre idéologique. Les moyens de ce système sont pour n’en citer que trois, une police secrète, un système mondial d’organismes écrans et de réseaux d’espionnage, et une machine de propagande colossale en soutien des objectifs nationalistes. 

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En matière de politique étrangère, le PCC reste attaché à la révolution internationale. Cependant, le nouveau monde qu’il envisage n’est pas un paradis marxiste, mais un monde la Chine occuperait la place des États-Unis comme puissance dominante d’un ordre mondial sino-centré. 

Pour atteindre cet objectif, les dirigeants chinois considèrent les entreprises et la recherche scientifique comme des branches annexes de l’appareil de sécurité nationale. L’initiative « Made in China 2025« , que le PCC a dévoilée en 2015, se propose de parvenir à l’indépendance quasi totale de la Chine vis-à-vis de ses fournisseurs étrangers, en particulier dans les industries de haute technologie de nouvelle génération, transformant ainsi la Chine en leader incontesté des secteurs moteurs de la croissance économique mondiale dans les prochaines décennies. 

L’idée de supplanter les États-Unis comme foyer de l’innovation de haute technologie est sous-tendue par la seconde orientation que le PCC met en œuvre : la modernisation et l’expansionnisme militaire. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des chiffres fiables, on estime qu’entre 2000 et 2019 le budget de la défense de la Chine a plus que quintuplé, passant de 43 à 266 milliards de dollars, une somme qui dépasse les budgets de défense combinés de la Russie, d’Israël, de la Grande-Bretagne et de la France.

Alors que l’objectif immédiat de Pékin est d’obtenir la supériorité sur les États-Unis dans le Pacifique occidental, son objectif à long terme est de développer, en trois décennies, une armée offensive, capable de projeter sa puissance aux quatre coins de la planète.

Son armement de pointe serait égal ou supérieur à la puissance de feu des États-Unis, et elle serait formée à des tactiques conçues pour neutraliser les points forts actuels de l’Amérique. 

Le troisième volet de la stratégie chinoise est politique : rendre le monde plus accueillant pour l’État à parti unique du PCC. La nouvelle loi de sécurité pour Hong Kong publiée fin juin nous rappelle qu’à mesure que la Chine gagne en stature, elle devient plus agressive, plus expansionniste, et plus hostile à la démocratie. Jamais moins.

Le PCC utilise régulièrement des groupes écrans pour organiser les communautés chinoises expatriées et les mobiliser en faveur de ses objectifs. Il force les entreprises étrangères implantées en Chine à adopter sa ligne idéologique chez elles ; il utilise les entreprises, les universités et les instituts de recherche chinois pour infiltrer les institutions et les entreprises occidentales. 

Israël possède à revendre de ce qui manque le plus à l’État chinois de parti unique, trop lourdement bureaucratisé pour innover et de résoudre rapidement les défis techniques du monde réel. Israël possède aussi l’avantage unique de connaître de l’intérieur le potentiel du complexe techno-militaire américain et d’en comprendre le fonctionnement. 

Dans ce contexte, le Moyen-Orient représente pour Pékin un mélange unique de menaces et d’opportunités. Du côté des menaces, environ la moitié des importations de pétrole de la Chine proviennent du golfe Persique ou passent par le canal de Suez. Outre le pétrole et le gaz, de nombreuses autres ressources qui alimentent l’économie chinoise ne parviennent à des ports comme Shanghai ou Guangzhou qu’après avoir franchi des points de passage obligés du Moyen-Orient, où elles sont vulnérables à une interdiction des États-Unis. 

Du côté des opportunités pour la Chine, le Moyen-Orient n’est pas seulement le réservoir du pétrole dont elle a tant besoin, il abrite également l’État juif. En termes de population, Israël est minuscule, mais c’est une superpuissance cybernétique, un leader mondial de l’intelligence artificielle, et un innovateur de renom en matière d’armements de nouvelle génération.

L’État chinois à parti unique, lourdement bureaucratisé, a des carences marquées en matière d’innovation et de résolution rapide des défis techniques du monde réel. Israël possède à revendre ce qui lui fait défaut.

Il a de plus une capacité unique à connaître de l’intérieur et à comprendre le potentiel du complexe techno-militaire américain.

Jérusalem pourrait jouer un rôle indispensable pour aider Pékin à atteindre ses objectifs « Chine 2025 » et réaliser sa modernisation militaire, si l’État juif ne s’abritait pas sous le parapluie protecteur de l’armée américaine.

Lire la suite dans http://www.danilette.com/2020/08/l-hegemonie-chinoise-sur-la-planete-passe-par-le-moyen-orient.html

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3 Commentaires
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alexandre

C’est la politique de l’encerclement de l’occident, un jeu de Go… en mer de chine et ailleurs…la route de la soie ..en Afrique etc..Le Dragon rouge a beaucoup d’appétit.

Bonaparte

Un peu de poésie….pour nous détendre .

Paroles La Baya.. Chin Chin par Guy Béart

Un jeune officier de marine
Un soir rencontra dans Pékin
Une petite Chinoise divine
Qu’on promenait en palanquin,
En l’apercevant la toute belle
Arrêta bien vite ses porteurs :
« Mon gentil petit Français, dit-elle,
Veux-tu connaître le bonheur !  »

Chin’, Chin’, Chin’, Chin’
Viens voir comme en Chine
On sait aimer au pays bleu
Chin’, Chin’, Chin’, Chin’
Je serai câline
Si tu veux bien m’aimer un peu
Tous deux nous ferons un joli duo

Alain

La Chine est un empire. La chine est une civilisation plurimillénaire. La Chine est une économie en développement avec des gros besoins en ressources. La Chine sait que son pire ennemi, comme celui du reste de l’Humanité, est l’islam. La Chine n’a pas d’état d’âme quant à la défense de ses intérêts. Alors les ouïghours ne pèse pas lourd dans la balance entre leurs capacités de nuisance liées à l’application du coran et les intérêts de la Chine.
Et on pourrait faire le parallèle avec la politique de Poutine. Défendre les intérêts russes, entre autre en faisant masse territoriale, en s’assurant une imperméabilité, toute relative, à l’islam en s’assurant les frontières nécessaires.