“Le judaïsme est une discipline de l’attente”

Avec le principe premier par lequel le nom divin investit le monde, puis se retire pour laisser sa chance à l’homme, commence l’épopée fondatrice de notre histoire. Loin de se limiter à l’Antiquité , lejudaïsme est une référence centrale de l’identité de l’Occident. Du droit talmudique à l’existence politique d’Israël, des institutions mosaïques à l’organisation de la société moderne, ilfait sentir son souffle jusqu’à nos jours.

Comment définiriez-vous la spécificité du judaïsme ?

Pour l’approcher et tenter de la définir, je mettrais l’accent sur le coup de force que représente pour le texte biblique le fait de nommer Dieu l’Etre. Le tétragramme YHVH, nom qu’on ne prononce pas dans le judaïsme, est formé sur le radical du verbe être, ce qui revient à affirmer que Dieu est à l’origine de toute réalité, qu’il en est le centre. Or, en hébreu, le verbe être ne se conjugue qu’aupassé et au futur, jamais au présent. Pour dire « je fais », par exemple, on emploiera le pronom personnel et le gérondif : « Moi faisant ». Rien de tel pour « je suis » : « moi étant» n’existe pas, on dira seulement «moi». Cette particularité grammaticale fait référence à une conception du réel dans l’optique de laquelle nous ne sommes pas encore présents au monde, mais en attente de naissance, en quelque sorte. Dès lors, si tout vient de Dieu, s’il n’y a au départ que l’être – et de l’être-, sepose la question fondamentale de la place del’homme. Lejudaïsme y répond dans lerécit biblique des six jours de la création par le biais d’une métaphore :Dieu se serait retiré de l’expansion totale de son être pour faire place en son sein à un être supplémentaire, situation dans laquelle la condition humaine se surajouterait à l’être originel. De là surgit un paysage de l’existence que nous exprime la Genèse. Dans lerécit de la création du monde, Dieu s’arrête le sixième jour – c’est ce que signifie lemot shabbat, la cessation. Comme si l’homme qu’il venait de créer – récapitulé du minéral, du végétal et de l’animal – entrait dans une histoire de laquelle le créateur s’absenterait. Dans cette geste de l’origine des choses, le moment du shabbat amorce l’histoire de l’homme, sur le mode du jour séparé des autres jours. Le principe fondamental du judaïsme est la séparation dans l’être, condition de la création et de la naissance d’un second être.

Dieu s’absente donc pour que l’homme se constitue lui-même ?

Exactement. Et il en résulte tout le drame de l’existence. Le retrait divin peut devenir un abîme de perdition, ou la chance pour l’homme d’accomplir sa propre création. L’homme est un être embryonnaire: les mots « embryon» et « Hébreu » viennent du même verbe hébraïque qui signifie « passer ». Le texte biblique le met face à un choix :

il est libre et appelé à se hausser au niveau du créateur

« Je place devant toi la vie et la mort, choisis la vie ! » Il peut donc opter pour la mort et se perdre corps et biens. Telle est la matrice du judaïsme: l’homme est un être créé, mais il est libre et appelé à se hausser au niveau du créateur. Dans cet univers-là, la vie n’est pas vouée au mal, et la création, nullement finie. Dans le récit de la Genèse, Dieu s’y reprend à deux fois pour créer l’homme, voire trois: après le meurtre d’Abel par Caïn, on lit en effet que le fils d’Adam est Seth, alors qu’Abel et Caïn l’ont précédé. C’est un troisième départ du projet humain. J’essaie de comprendre le texte biblique tel qu’il a été reçu depuis vingt-cinq siècles et dans sa cohérence intellectuelle, très loin de la critique biblique dont la finalité est de la détruire. Cette succession de créations nous montre que, pour la pensée biblique, l’idée même d’homme est un chantier. Lorsque Dieu se retire, surgit ha-adam, qui est à la fois masculin et féminin, créé à l’image de Dieu, lui même masculin et féminin, dimensions qui ne font pas référence à la sexualité, mais posent le principe de l’altérité dans l’être. Dieu doit plonger Adam dans une profonde somnolence quand il crée Eve, comme pour faire lâcher prise à l’ego dans l’être afin qu’apparaisse l’être second. C’est comme si la figure féminine surgissait dans un rêve ! Dans le texte, Dieu ne façonne pas une côte d’Adam pour en faire une femme, contrairement à ce qu’une traduction hâtive du texte pourrait laisser croire. En hébreu, le terme « côte » signifie aussi « côté ». Dans la tradition talmudique, l’Adam originel n’est pas hermaphrodite, mais masculin d’un côté, féminin de l’autre. Le créateurl esépare en deux, comme on le ferait de frères siamois, pour qu’ils se tournent l’un vers l’autre. L’unité originelle de l’adam séparé porte ainsi le surgissement d’un être supplémentaire. L’accomplissement de la création, mais aussi de l’humanité, est tout résumé dans son apparition: la figure féminine en est l’archétype. Dans la phénoménologie, elle est seconde par rapport à Adam, comme Adam est second par rapport à l’être divin. Extraordinaire mise en place d’un paysage mental, où la conscience hébraïque vit dans un monde inachevé, en attente d’un futur qui s’annonce et qui annonce au passé embryonnaire le présent de laprésence, encore à venir. Dans le texte biblique, Dieu s’appelle aussi : « Je serai » ! « Je serai qui je serai »

Que signifie « le retrait de Dieu », quand on parle d’un être réputé immatériel ?

Comme ledit le Talmud,« la Torah parle le langage des hommes », il faut donc s’entendre sur les mots. Dieu s’arrêta et « se reposa », traduit-on de façon très prosaïque. En hébreu, « se reposer » vient du radical nephesh, qui signifie effectivement la vacance, le repos, mais aussi la psyché, mot grec souvent traduit par « âme » et qui désigne en hébreu « la personne» en tant qu’elle est une présence à ce monde. Le retrait divin est ainsi inscrit dans la personne. Or quelle est l’expérience fondamentale de la nephesh ? C’est l’angoisse originelle qui se cristallise, comme disent les psychanalystes, dans la crainte du nourrisson d’être sevré du sein de sa mère. Le sentiment deprivation, de perte, la séparation, la mort, la souffrance, toute la litanie de l’ici-bas, donnent à comprendre que le retrait de Dieu pourrait être interprété comme un manque à combler: c’est cette erreur d’appréciation que la Bible appelle l’idolâtrie. Le manque est cependant le revers d’une plénitude, qui ne se dévoile qu’à la condition de traverser le vide originel sans céder à l’idole. Tous les personnages bibliques accomplissent ainsi ce cheminement qui les ouvre à la découverte du second être. Le judaïsme est cette discipline de l’attente. Elle porte en puissance l’ascétisme aussi bien que l’impatience messianique. Le retrait n’est pas cependant un abandon, car il s’accompagne de l’alliance avec le second être. La séparation a pour fin l’apparition d’un partenaire pour l’alliance avec l’Etre premier, et la Torah est un ensemble de dispositifs, les mitsvot/commandements, pour la mettre en œuvre, des repères sur la voie de l’accomplissement. Il y a là une grande et belle idée que celle du retrait de Dieu, faisant apparaître un partenaire dans l’être, comme condition d’une alliance. On comprend que dans cette optique, on ne saurait imaginer une fusion des partenaires humain et divin. C’est ce qui fit la différence avec le christianisme. ».

Comment caractériseriez-vous le christianisme ?

Comme une impatience face à la présence que le dogme de l’incarnation met en forme. Cette innovation ne pouvait naître que dans une conscience judaïque et une attente exacerbée. Voyez Paul et les apôtres… Le christianisme, puis l’islam, ont ainsi une généalogie interne au judaïsme, inscrite dans le geste de l’être que je viens d’esquisser, avant de se séparer de lui par la suite. Tout comme le judaïsme, le christianisme porte un messianisme, sauf qu’il vit déjà dans l’après-venue du messie, ce qui ne lui laisse que l’Au-delà pour l’accomplissement, alors que dans le judaïsme, le drame du salut se déroule dans ce monde-ci. La résurrection que le prophète Ezéchiel dépeint se fait en effet ici-bas, pas dans un autre monde. La généalogie interne des monothéismes est passionnante. J’ai tenté de l’esquisser dans mon dernier livre.

En quoi le judaïsme est-il constitutif de notre monde d’aujourd’hui ?

L’Europe est une invention judéo-grecque que le philosophe Philon d’Alexandrie, juif hellénisé vivant au Ier siècle de notre ère, a pour la première fois conçue en opérant la synthèse des vérités grecques et du texte sinaïtique. Ecrivant en grec, lisant la Bible dans la traduction des Septante, il a réuni deux civilisations anthropologiquement différentes. L’Europe est née de ce mariage qui a donné à l’héritage grec une dynamique métaphysique et historique qu’il ne possédait pas auparavant: lemonde grec vivait dans un univers cyclique, un cosmos avec un ordre déjà installé, où l’homme ne peut s’arracher à son destin –c’est ce que nous montrent toutes les tragédies– alors que l’Hébreu vit dans un temps linéaire, avec une origine et und éploiement vers le futur. Le «monde» biblique est inachevé, c’est ce qui explique pourquoi nos actes peuvent à tout instant y être repris et corrigés. Le repentir et le pardon sont possibles. Le retrait de Dieu, suspendant le jugement des hommes pour un temps, c’est un temps de grâce qui nous est donné pour nous construire. Si l’homme peut se reprendre, il n’est pas la proie du destin et du déterminisme: c’est ce qui fut à la source de l’avancée magistrale de l’histoire de l’Occident, qui a fini par englober la planète en s’universalisant. La Grèce avait quant à elle un rapport au monde fondé sur le pouvoir et l’extériorité, que ne pouvait avoir la conscience biblique aux yeux de laquelle le monde se dérobe à la saisie. La modernité en est l’excroissance. Elle a représenté un cas unique de l’histoire qui a vu une civilisation « se renverser » sur elle-même. Au temps de la tradition, on expliquait tout en fonction de Dieu et du spirituel. Dans la modernité, c’est la matière, la terre, l’économie et le pouvoir qui fournirent l’explication. Il est intéressant de constater que dans cette évolution, la référence au judaïsme a accompagné les principales étapes de l’histoire de l’Occident.

Dans quel sens ?

La rupture moderne est inaugurée par l’apparition du protestantisme qui marque la fin du Saint Empire romain germanique et le début de l’ère des nations. En traduisant directement de l’hébreu le texte de l’Ancien Testament en allemand, Luther opère un retour aux sources. Les croyants chrétiens de l’époque médiévale n’avaient en effet accès aux textes sacrés que par le biais de la traduction latine de la Vulgate, qu’ils ne comprenaient pas, et le plus souvent des sermons ou des bas-reliefs et vitrauxd e l’imagerie des cathédrales. La première Bible en allemand fit d’un idiome vernaculaire une langue de culture. Les littératures nationales naissent à la même époque. Les philosophes anglo- saxons et protestants, eux, chercheront dans la « République des Hébreux » biblique, le modèle de la démocratie pour sortir de l’Ancien Régime. La figure juive joue ainsi, dans les deux grandes époques de l’Occident, tradition et modernité, le rôle d’une référence centrale de l’identité de l’Occident. Dans cette perspective, je me demande si aujourd’hui même le monde moderne ne traverse pas une phase de ce type-là, qui renouvellerait la « question juive ».

Vous voulez dire politiquement, avec la question d’Israël ?

Pourquoi un conflit qui oppose deux fois 5 millions de personnes, prend-il une telle place sur la scène internationale ?

Comment expliquer ce phénomène, sinon du fait que la portée symbolique du judaïsme redevient significative ?

Si les Juifs cessaient d’exister, les deux autres monothéismes les réinventeraient ! Leur identité les reconduit toujours à leur moment fondateur pour se positionner dans leurs propres évolutions !

En cette période de tension dans le monde musulman où s’affrontent chiisme et sunnisme, démocratie et islamisme, où de grands mouvements de populations se produisent et où l’Europe pourrait s’unifier, Israël est devenu le sismographe des identités collectives nées de la Bible. La résurgence d’une souveraineté juive sur la terre d’Israël, il faut le constater, représente un phénomène cataclysmique sur le plan de l’économie symbolique de vingt siècles d’histoire occidentale et orientale. De la même façon, la résurrection de la langue hébraïque, qui avait quasiment disparu de la surface du globe, réactive le récit judaïque de l’histoire humaine. Les Israéliens, qui ont voulu « être normaux » en devenant une nation comme les autres, sont eux-mêmes dépassés par cette histoire. C’est fascinant, tout comme le fait que cela se produise au sortir d’une dispersion de vingt-quatre siècles… Nous vivons entre Occident et Orient une période de grands bouleversements qui aboutit à un repositionnement général des entités culturelles, où la figure juive redevient questionnée – et l’Etat d’Israël, forcément remis en jeu. Vertigineux décalage entre son importance symbolique et sa faiblesse numérique. Pour en mesurer l’exceptionnalité, il faut prendre conscience que la question ne se pose pas en Asie, terra incognita pour le message biblique. Ce qui n’empêche pas les Chinois et les Japonais de s’interroger sur l’énigme de l’existence de l’Israël contemporain. !

PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE DE MÉRITENS

Shmuel Trigano,

Sociologue, philosophe et professeur des universités, est spécialiste de la tradition hébraïque et du judaïsme contemporain. Président de l’Observatoire du monde juif et directeur du Collège des études juives de l’Alliance israélite universelle, il dirige les revues « Pardès » et « Controverses ». Professeur de sociologie à l’université de Paris-X Nanterre, il est l’auteur de nombreux essais.
Dernier ouvrage paru : « Le Judaïsme et l’Esprit du monde » (Grasset, 2011, 1044 pages, 25 €).

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yapasbon

C’est bien évident. La survie du peuple juif dans un monde hostile et sans terre d’asile est un miracle en soi. Dieu a souhaité punir notre peuple en l’exilant loin de la terre qu’Il lui avait réservée, mais Il a aussi créé les conditions de survie dans cet exil de 2000 ans, par la montée de religions monothéismes auprès desquelles, malgré les difficultés, les expulsions, les meurtres/pogromes, etc., nous avons survécu. D’un autre côté, même si notre peuple n’a pas été méritant pour revenir sur la terre d’Israël (au sens que seul le Messie pouvait le permettre), la création d’Israël a été nécessaire pour notre survie autrement l’émancipation, l’assimilation, les mariages mixtes, le modernisme, etc. auraient eu raison des Juifs, ce que ni les pogromes, ni les ghettos, ni les mellahs, ni Vichy et ni l’Holocauste n’étaient parvenus à faire. En sortant des ghettos et des mellahs, seul Israël peut garantir la survie du peuple juif. D’ici 50-100 ans, la plupart des communautés juives hors d’Israël (et de New-York sans doute) auront quasiment « disparues ». Ceux qui ne prennent pas conscience de cette tendance inexorable, et remettent à demain leur alya, mettent en danger leurs enfants et petits-enfants en face d’une assimilation définitive ! Que chacun se le dise: mieux vaut tard que trop tard.

yapasbon

Loin de moi de penser que Luther n’a pas été contre les Juifs. Lui, comme Mahomet, a tout d’abord tenté de rallier les Juifs à ses nouveaux principes, mais sans succès. Il s’est alors retourné contre eux. Je voulias surtout dire que les sociétés issues du Protestantisme (Luther, Calvin, Eglise anglicane) ont permis, somme toute, une suirvie plus facile pour les Juifs car elles étaient des sociétés plus tolérantes et plus souvent libérales que les pays catholiques « filles de l’Eglise ». Tout n’a pas été rose évidemment mais le fait est que les Juifs ashkénazes ont survécu dans l’Europe du Nord et de l’Est essentiellement, et pas ailleurs.

G.veillard

Il me semble que S. Trigano pose une question-cle lorsqu’il écrit : « La figure juive joue ainsi, dans les deux grandes époques de l’Occident, tradition et modernité, le rôle d’une référence centrale de l’identité de l’Occident. Dans cette perspective, je me demande si aujourd’hui même le monde moderne ne traverse pas une phase de ce type-là, qui renouvellerait la « question juive ».
Il faudrait sans doute la prolonger au niveau de l’identité de l’Orient (Chine, Inde, Japon, …), marqué par une « philosophie religieuse » très différente de celle de l’Occident, autour d’un concept général de « libération progressive de la souffrance » et par l’existence d’un peuple particulier le peuple Tibétain, qui considère avoir une « mission spirituelle » et se bat pour sa survie en posant en principe « la non violence ».
Peut-être enfin faudrait-il la prolonger au niveau de l’identité de l’Afrique noire, animiste, ni Occidentale ni Orientale, enjeu aujourd’hui d’une lutte de pouvoir entre Occidentaux et Orientaux (notamment Chinois).
Une vision moderne de Sem, Japhet et Cham ?
Gérard Veillard

Jmnpsg

Le judaïsme ne doit sa survie qu’à YHVH..

Lapalice

Luther a été un antisémite.

« Des Juifs et de leurs mensonges
Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.
Aller à : Navigation, rechercher
Page de garde de l’ouvrage Des Juifs et de leurs mensonges de Martin Luther. Wittenburg, 1543Des Juifs et de leurs mensonges, ou encore Les Juifs et leurs mensonges (en vieil allemand : Von den Jüden und iren Lügen et en allemand moderne : Von den Juden und ihren Lügen), est un traité de 65 000 mots écrit en 1543, trois ans avant sa mort, par Martin Luther, moine allemand, réformateur de l’Église catholique et initiateur du protestantisme (luthéranisme).

Dans son traité, Luther écrit que les Juifs sont un « peuple de débauche, c’est-à-dire pas des gens de Dieu, et que leurs fanfaronnades sur leur lignage, la circoncision et leurs lois doivent être considérées comme une cochonnerie[1] ». « Ils sont remplis d’excréments du diable… dans lesquels ils se vautrent comme des pourceaux[2]. » Quant à la synagogue, c’est une « putain incorrigible et une souillure du diable[3]… » Il soutient que leurs synagogues et leurs écoles doivent être brûlées, leurs livres de prières détruits, leurs rabbins interdits d’officier, leurs maisons rasées, et leurs biens et argents confisqués. On ne doit montrer à leur égard aucune pitié ni aucune bonté[4], ne leur procurer aucune protection légale[5], et ces « vers venimeux et vénéneux » doivent être punis de travaux forcés ou expulsés une fois pour toutes[6]. Il semble aussi recommander leur meurtre et écrit : « Nous sommes fautifs de ne pas les tuer[7] ».

L’opinion savante dominante[8],[9],[10] depuis la Seconde Guerre mondiale est que le traité a exercé une influence majeure et persistante sur l’attitude de l’Allemagne envers ses citoyens juifs dans les siècles entre la Réforme et la Shoah. Quatre cents ans après sa parution, les nazis affichent lors des manifestations de Nuremberg, et la ville de Nuremberg présente la première édition à Julius Streicher, éditeur du journal nazi Der Stürmer, le journal le décrivant comme le pamphlet antisémite le plus radical jamais publié[11]. Opposé à la majorité des points de vue, le théologien Johannes Wallmann écrit que le traité n’a pas eu une influence permanente en Allemagne, et qu’il était en fait relativement ignoré durant les XVIIe et XVIIIe siècles[12]. Hans Hillerbrand argumente que la focalisation sur le rôle de Luther dans le développement de l’antisémitisme allemand sert à sous-estimer les « importantes particularités de l’histoire allemande[10] ».

Depuis les années 1980, quelques églises luthériennes ont dénoncé formellement les écrits de Luther sur les Juifs. En novembre 1998, lors du soixantième anniversaire de la Nuit de cristal, l’Église luthérienne de Bavière a publié une déclaration disant qu’il est « impératif pour l’Église luthérienne, qui sait être redevable du travail et de la tradition de Martin Luther, de prendre au sérieux aussi ses déclarations antisémites, de reconnaître leurs fonctions théologiques et de réfléchir à leurs conséquences. En revanche, elle doit prendre ses distances vis-à-vis de toute expression d’antijudaïsme dans la théologie luthérienne [13] ». »

Même Hitler a été influencé par l’antisémitisme de Luther.

Par contre il est certain que le monothéisme a été diffusé par les Chrétiens et par la suite par l’Islam et que ce monothéisme nous a peut être protégé, je dis bien peut être. Ne pas oublier que l’une comme l’autre, ces deux religions se sont développés contre le judaïsme.

Etant le peuple « ELU » ne devions nous pas avoir la charge de transmette le « MESSAGE » d’unicité de D…?

Nous aurions été, pour les autres religions, ceux qui savent.

yapasbon

Cet article soulève des questions intéressantes pour lesquelles voici mes quelques remarques.

La séparation dans l’être n’est pas le “principe fondamental du judaïsme” mais plutôt le principe fondamental de l’humanité. Le récit de la Création est propre à l’homme, pas seulement au Juif. Dieu a créé l’homme à son image mais l’homme s’en est éloigné par deux reprises: l’une en demandant à ce que Dieu lui crée une compagne (en cela il y a bien une première séparation entre les principes masculin et féminin, que seul l’acte du mariage peut ressouder), voulant ainsi se rapprocher du monde animal/matériel, et l’autre en utilisant son libre arbitre pour désobéir à l’ordre divin (séparation morale punie par une séparation physique de Gan-Eden). Toutes les conséquences de cette “séparation” de Dieu sont pour l’homme, pour l’humanité entière. Que vient faire le Juif là-dedans? Le mot hébreu signifie transition, passage. Le Juif est le peuple qui a pour mission de rehausser l’œuvre de la Création, en retournant vers Dieu alors que l’humanité s’est était/est éloignée et donc ferait de la Création un échec.

Le Christianisme a été un « mal » nécessaire pour le Judaïsme… Car, sans sa diffusion (qui n’aurait jamais eu lieu sans l’existence de la Septante, créée par des Juifs hellénisés quelques 350 ans avant le temps de Philon et Jésus), le Judaïsme aurait-il pu survivre dans un monde entièrement païen ? La réponse est sans doute négative car tout le récit biblique fait preuve de tentations pour revenir à l’idolâtrie. Avec le Christianisme, le Judaïsme a pu se poursuivre au sein d’un environnement monothéisme qui l’a aidé à former une première barrière de protection. L‘Islam a joué le même rôle en créant un autre espace de survie possible pour le Judaïsme. Quant aux Juifs qui s’étaient exilés dans le monde purement païen de l’Antiquité, par exemple l’Asie et l’Afrique en général, ils ont disparus car assimilés aux autres cultures. Le Judaïsme ne doit sa survie qu’à son évolution au sein des deux cultures monothéistes. Cette évolution ne s’est certes pas faite sans heurts (ghettos, mellahs, pogromes, Holocauste) mais le Judaïsme a surmonté ces épreuves, et grâce à elles en quelque sorte.

Les premières Bibles en Allemand datent de quelques 1000 ans avant Luther. L’arrivée du Protestantisme, et son retour au texte biblique, a permis d’offrir au Judaïsme européen une porte de secours. Car le Christianisme romain était alors bien trop virulent envers les Juifs et menaçait de les faire disparaître. Le Protestantisme a apporté une meilleure tolérance et même libéralisme, par rapport au monde catholique. Le Judaïsme a alors pu survivre plus facilement en Europe protestante, du Nord et de l’Est, qu’en Europe catholique.