LES PAYS DU GOLFE, NOUVEAUX ALLIES D’ISRAEL ? 

 

 

Selon la presse, les relations entre Israël et les pays du Golfe connaîtraient une embellie spectaculaire depuis quelques années. Benyamin Netanyahou aurait déclaré « Les pays arabes de la région ne voient plus Israël comme un ennemi mais, de plus en plus, comme un allié. ».

Le Premier ministre étant un habitué des déclarations optimistes démenties ensuite par les faits (l’une des dernières en date est sa crédulité quant à la promesse de transfert imminent de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem), une première réaction est la prudence, ces Etats diffusant allègrement les Protocoles des Sages de Sion et n’étant pas réputés pour leur philosémitisme.

Pour mieux appréhender la situation des Etats du Golfe, il n’est pas inutile de se pencher sur leur situation stratégique et politique.

 

Dans le même temps, pour des raisons que le historiens expliqueront peut-être un jour, le Président Obama s’est désintéressé de cette région chaude.

Diverses raisons ont été alors évoquées, qui s’additionnent, mais qui ne sont peut être pas les seules en cause:

  • Le refus de se laisser entraîner dans des conflits sans espoirs, ce en quoi on ne peut que lui donner raison:
  • L’Amérique, par une absence d’analyse stratégique, s’est plongée dans des “mini” Vietnam en Afghanistan et en Irak en mettant le pied dans une région où s’affrontent des clans inconciliables qui ont pour seuls points commun la religion (et encore!) et leur haine des Occidentaux. Les Américains sont intervenus avec leurs gros sabots, pensant que la démocratie des supermarchés allait fonctionner comme une machine bien huilée dans l’univers de la charia. Des milliers de morts et des milliards de dollars plus tard, ils n’arrivent pas à se dégager totalement de ces marécages, laissant des “conseillers” et des aviateurs poursuivre une assistance militaire sans laquelle les régimes en place s’effondreraient immédiatement.
  • Sur le refus d’intervention directe des Etats-Unis, compte tenu des effets obtenus par rapport aux moyens engagés, on ne peut critiquer Mr Obama, la faute de l’intervention revenant à son prédécesseur et à ses conseillers
  • Le désengagement américain au Moyen Orient
  • L’exploitation du pétrole de schiste rend les Américains moins dépendants du pétrole du Golfe Persique. Les accords privilégiés conclus après la guerre avec le monarque d’Arabie Saoudite étaient justifiés par la volonté d’assurer l’approvisionnement des Etats-Unis et d’avoir un contrôle des ressources pour s’assurer qu’elles ne profiteraient pas à leurs adversaires. Ce faisant, les Etats-Unis évinçaient, donc affaiblissaient, d’autres puissances occidentales de ce marché et la vente d’armes à ces pays amplifiait la main-mise des Américains.
  • Les Etats du Golfe devenaient donc une base d’influence susceptible de se diffuser dans la région et un point d’appui éventuel pour des opérations militaires.
  • La dépendance du pétrole saoudien n’étant plus d’actualité, l’émergence de la Chine en tant que puissance militaire et économique apparaît comme la principale menace dans le futur pour les Etats-Unis.
  • Menace économique, puisque les Chinois produisent à bas prix des produits de plus en plus sophistiqués qui menacent déjà les industries américaines: cette menace est devenue un des chevaux de bataille du Président Trump.
  • Une menace militaire qui s’accroît avec l’augmentation de la puissance économique de la Chine et sa capacité à s’équiper en matériels militaires de plus en plus nombreux et perfectionnés.
  • Une menace stratégique globale avec la volonté de la Chine :
  •  d’accaparer l’intégralité des archipels des Spratly et des Paracels, zones de ressource pétrolière, pourtant situées très loin de ses côtes et plus proches, au Sud, des côtes d’Etats limotrophes comme le Vietnam, les Philippines  ou Bornéo.
  • De créer un “collier de perles”, système de bases navales et aériennes, sur la route de la soie maritime, destiné tant à sécuriser les approvisionnements de la Chine en matières premières et produits agricoles qu’à créer une menace, en cas de tension, pour les approvisionnements occidentaux.
  • De créer une “route de la soie” terrestre, par la construction de lignes de chemin de fer, d’autoroutes et d’oléoducs, reliant la Chine à l’Eruope, via les ex républiques soviétiques du Sud, qui protégerait la Chine d’un éventuel embargo sur les voies maritimes et rendrait les Etats situés sur la route dépendants des produits, technologies et aides financières chinoises.
  • En refusant de négocier avec des groupes de pays, en imposant des négociation “deux à deux”, conditions déséquilibrées dans lesquelles son pouvoir de séduction, mais aussi de contrainte, peuvent davantage s’exercer, en divisant les pays limitrophes qui n’osent pas affronter directement une Chine trop puissante, les Dirigeants chinois, très habilement, se créent une clientèle d’”obligés”, prolongement et extension d’un système qui existait du temps de l’amiral chinois Zheng He, avant la fermeture de la Chine par un empereur et la condamnation à mort de ceux qui enfreignaient l’interdiction de naviguer vers l’étranger. A cette époque, toutefois les ambitions chinoises étaient modestes (à l’exception de la tentative d’invasion du Japon): seul un tribut était réclamé aux Autorités des îles visitées dans le Pacifique.1
  • La montée en puissance, tant militaire qu’économique de l’Iran, et sa politique qui consiste à se créer un réseau d’Etats et mouvements dépendants susceptibles de lui permettre d’étendre son influence vers la Mer Rouge et la Méditerranée. Ce ne sont pas tant les moyens classiques dont se dote l’armée iranienne qui inquiètent: les matériels américains possédés par l’Arabie Saoudite leurs sont de loin supérieurs. Les actions des Mollahs qui menacent les pays du Golfe sont de trois sortes:
  • L’aide à des mouvements chiites, ennemis jurés des sunnites depuis des siècles, dans tous les pays qui entourent l’Arabie Saoudite, aide qui a entraîné une intervention brutale dans l’un des Etats du Golfe et aujourd’hui au Yemen. Si la menace se précise, l’Arabie Saoudite, et les Etats qui lui restent liés, risque de se retrouver encerclée par des Etats hostiles et en proie à la guérilla menée par des mouvements issus des populations chiites qui sont considérés comme des citoyens de seconde zone lorsque des sunnites sont au pouvoir.
  • Il existe des réserves pétrolières dans le Golfe Persique, situés dans les eaux territoriales de plusieurs Etats riverains et la crainte que l’Iran n’essaie, comme la Chine le réalise dans les Spratlys, de les accaparer est très vive.
  • L’avancée rapide vers la puissance nucléaire et le développement simultané de missiles capables de délivrer une bombe atomique permettra à l’Iran de “sanctuariser” son territoire et d’accroitre son implication dans les conflits locaux, voire d’entrer directement en conflit avec ses propres troupes2.
  • Que pourra faire un Etat du Golfe si l’Iran envoie ses forces prendre possession des champs pétroliers, ou ses troupes dans un Etat voisin et menace d’utiliser la bombe atomique si les Etats menacés contre-attaquent?

Les Etats du Golfe ne disposent pas d’une force de dissuasion nucléaire. La politique du Président Obama les a placés face à leur vulnérabilité. Ils découvrent petit à petit que le seul Etat, par ailleurs nucléarisé, ce qui lui donne un potentiel de disuasion, disposant de moyens d’action à longue distance (certes limités par rapport à ceux des Etats-Unis) est un Etat qu’ils vouaient peu de temps avant aux gémonies. Et en plus cet Etat est directement menacé par l’Iran, alors que les Etats-Unis ont peu de risque d’une attaque de missiles!

Selon le proverbe “l’ennemi de mon ennemi est mon ami”, la nouvelle Direction de  l’Arabie Saoudite commence à tisser des liens avec les dirigeants israéliens. Cela va-il jusqu’à des autorisations de survol de son territoire ou l’établissement de postes avancés, comme on le lit parfois dans certaines dépêches? Cela reste à confirmer. En revanche, une alliance de circonstance, secrête, est plausible à l’instar de l’alliance conclue par François 1er avec Soliman le Magnifique, pour contrer l’influence écrasante de l’Espagne.

Mais ces alliances sont des alliances de circonstance, qui peuvent se défaire plus vite qu’elles ne se sont constituées. Les facteurs de divergences sont plus importants que les facteurs de convergence, les populations ne sont pas préparées à l’acceptation d’un Etat Juif. Le Premier Ministre aurait tort de considérer comme acquise une alliance et de baisser les bras, ou de faire trop de publicité à leur sujet, au risque de mettre en péril les accords de défense et de coopération en cours ou en négociation.

Cela dit, cette conjonction provisoire d’intérêts peut être une opportunité pour favoriser le processus de paix en réduisant les prétentions des Palestiniens en les amenant à la table des négociations. Mais le poids de l’Arabie Saoudite ne suffira pas, tant que l’Autorité Palestinienne n’aura pas pris totalement le pas sur les éléments extrémistes qui la composent, et notamment ceux qui agissent totalement en dehors d’elle à partir de la bande de Gaza. Cela suppose aussi de mettre fin aux discours à la Goebels, qui accusent les Juifs d’empoisonner, “génocider”, etc…

Une course contre la montre est donc engagée pour obtenir la paix entre Israël et ses voisins avant que les conditions favorables qui existent dans le Golfe pour une coopération ne disparaissent.

 

Par Michel ROZENBLUM 

I.S.I.S.

INSTITUT DE STRATEGIE INTERNATIONALE

ET DE SIMULATION

 

CHRONIQUE N°2 DU 22 JUIN 2017

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