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L’IRAN JOUE AUX ECHECS, NOUS JOUONS AUX DAMES

Et les Kurdes paient le prix de nos fautes.

 

 

L’attaque soutenue par l’Iran dans le Kurdistan irakien n’est rien moins que désastreuse pour les Etats Unis, pour les intérêts américains et les alliés des USA dans la région et le prestige américain.

C’est un jeu de pouvoir de type hockey des Gardiens de la Révolution iraniens du commandant de la force al Qods Qassem Suleymani, et un défi direct adressé au Président Trump, survenant quelques heures après l’annonce par le Président d’une nouvelle politique dure envers l’Iran.

Un allié des USA à Bagdad attaque un autre allié des USA au Kurdistan en utilisant des armes américaines, dont des  tanks M1-A2 Abrams, payés avec les dollars des contribuables américains. Et ils font cela sous la vigilance des USA et des drones de la coalition et des jets de combat, qui détiennent le contrôle aérien sur l’Irak.

Comment en sommes-nous arrivés là dans le monde ?

Même les Démocrates devraient être prêts à admettre maintenant que le retrait américain du Moyen-Orient sous Obama et l’accord nucléaire avec l’Iran ont enhardi le régime iranien, en retirant l’essentiel du levier durement acquis  que les sanctions nous avaient permis de conserver.

Aujourd’hui, si nous voulons être durs avec l’Iran, nous ne pouvons plus appeler nos alliés européens à fermer l’accès de l’Iran au système financier international. Nous ne pouvons plus infliger des amendes gargantuesques à une banque française ou allemande pour les punir d’avoir violé ces sanctions et pour les dissuader de recommencer.

Aujourd’hui, notre principal levier sur l’Iran est militaire. Nous pouvons bombarder ses forces en Irak. Nous pouvons intercepter ses bateaux. Enfin, nous pourrions nous emparer de leurs installations de production d’armes nucléaires.

Si cela paraît aussi horrible que la guerre, c’est parce que ça l’est.

Comme Thomas Jefferson l’aurait dit sur les pirates barbaresques en lien avec une précédente confédération musulmane jihadiste qui avait déclaré la guerre à l’Amérique : les sanctions sont la seule option entre le compromis et la guerre. Obama avait juste retiré les sanctions. CQFD.

Mais le gouvernement Trump n’est pas sans reproche.

Le Président a ordonné à son équipe de sécurité nationale de choisir une nouvelle vision envers l’Etat islamique d’Iran très tôt lors de son mandat. Pour montrer combien le gouvernement était sérieux, le conseiller national à la sécurité Michael Flynn « a mis l’Iran en tête » lors d’une réunion enregistrée le 1er février.

Et alors, quelque chose est arrivé. Plutôt que de poursuivre la politique de « durcissement » en dénonçant l’accord nucléaire avec l’Iran, d’imposer de nouvelles sanctions et d’autres mesures recommandées par Flynn, le Président a renvoyé Flynn et d’autres conseillers de la ligne dure, et tout a tourné en bouillie.

Ce n’est pas vouloir critiquer la nouvelle stratégie envers l’Iran que le Président a dévoilée vendredi, loin de là. Mes amis iraniens dissidents ont tiré beaucoup d’encouragement de la volonté du Président de choisir une approche sur tous les fronts contre le régime iranien, et non de se concentrer seulement sur son programme d’armes nucléaires. Le fait qu’il ait mentionné l’horrible record du régime en matière d’abus sur les droits de l’homme et de répression politique était significatif.

Mais cela signifie-t-il réellement que les USA soient prêts, finalement, à apporter un soutien matériel à une coalition en faveur de la liberté en Iran pour déclencher un soulèvement populaire contre le régime ?

Ne retenez pas votre respiration. L’Etat au fond ne s’y plierait jamais.

Mais Qassem Suleymani n’allait pas attendre pour tirer ses propres conclusions. Devinant peut-être – justement – que le Président des USA penchait hors piste, il décida d’agir résolument pour tester la résolution du Président.

Vous voulez vous montrer dur à l’égard du régime iranien, M. le Président ? Alors bombardez les milices soutenues par l’Iran attaquant nos alliés kurdes dans le Nord Irak et envoyez des forces spéciales américaines pour capturer le Major Général Qassem Suleymani, criminel de guerre qui a le sang de plus d’un millier de soldats US sur les mains. (Cf. une vidéo sur combien l’Iran a tué de soldats américains).

Parce que c’est cela que Suleymani ose vous faire. Et il parie. Vous ne lèverez pas le petit doigt pour secourir les Kurdes ou pour le menacer d’aucune manière.

Dans le narratif du Moyen Orient, cela fait de Suleymani – et non pas de Donald Trump – le bon cheval, celui à craindre et à respecter.

Pour être juste avec Suleymani, il a avancé ses pièces comme un brillant joueur d’échecs, déployant son piège sur nous au moment précis où il nous coûterait le plus de dommages.

D’abord en 2014, alors que Daesh préparait son assaut sur Mossoul et les régions assyriennes chrétiennes et kurdes du Nord Irak, il ordonna à sa marionnette, le Premier ministre irakien d’alors Nouri al-Malik, de commander à l’armée irakienne de se retirer de Mossoul avant l’avancée de Daesh.

Cela laissa Mossoul sans défense et explique pourquoi Daesh a pu prendre la ville en quelques heures sans combat.

Maliki s’est susbrepticement envolé pour l’Iran après que son rôle dans l’abandon de Mossul ait été révélé dans les média irakiens et il a bientôt été remplacé par le nouvel homme du front de Qassem Suleymani, le Premier ministre Haidar al-Abadi.

Même maître, nouvelle marionnette.

Ensuite il a recruté 100.000 chiites irakiens dans les milices Hasht-e Shahbi, connues en français en tant qu’Unités Populaires de Mobilisation ou « PMU ». Ils pouvaient bien être Irakiens, mais elles dépendaient de Qassem Suleymani et de sa force Quds.

Quand les USA décidèrent de réarmer l’armée irakienne pour rejoindre le combat contre Daesh, Suleymani positionna des unités de PMU pour combler le vide quand Daesh se repliait.

Comme je l’ai appris, en juillet en mission de reportage dans le Nord de l’Irak, les PMU faisaient déjà face aux Peshmergas kurdes à travers toute la plaine de Ninive et étaient déjà prêts à leur faire face à Kirkuk.

Alors que l’armée irakienne soutenue par les USA a repoussé Daesh hors d’Irak, les PMU de Suleymani se sont précipitées vers la frontière avec la Syrie, ouvrant un pont terrestre pour l’Iran vers la Syrie et le Liban, mettant, pour la première fois, l’Iran directement à la frontière Nord d’Israël.

Aujourd’hui, Suleymani et son allié stratégique, le président turc Erdogan, veulent faire sauter le président kurde irakien Massoud Barzani pour lui faire réaliser qui commande réellement dans la région.

Devinez quoi : si cela devait servir de marque de bienvenue à Donald Trump, ce ne sont pas du tout les Etats Unis.

Un objectif immédiat qu’aussi bien les Turcs et les Iraniens partagent est d’éliminer les havres de sûreté dans le Kurdistan irakien pour le PKK et le PJAK (Parti pour une Vie Libre au Kurdistan -Iranien), et les autres groupes kurdes dissidents iraniens et turcs. Tous deux ont réitéré cette exigence ces derniers jours.

Au-delà, ils veulent que Barzani s’agenouille comme un vassal devant son suzerain, et abandonne tout espoir d’indépendance kurde. Cela ne peut survenir que si les USA abandonnent leur soutien aux KRG.

Barzani lui-même a pris de mauvaises décisions. Il a imprudemment mis en danger sa reine (Kirkuk), sans défendre son roi (Erbil). Et ce faisant, il a tordu le nez de son seul allié engagé, les Etats-Unis, et s’est aliéné ses rivaux locaux, l’Union Patriotique du Kurdistan de l’ancien président Jalal Talabani, mort le 3 octobre.

Barzani semble avoir réalisé qu’il a brûlé les étapes avec son referendum mal préparé et mal situé dans le temps, et a accepté de céder la base aérienne K-1 et d’autres positions des forces gouvernementales irakiennes au sud de Kirkuk.

Jusqu’à présent, le Pentagone semble dire que rien d’important ne se passe, tout juste une manœuvre entre amis.

Ceci n’est pas seulement embarrassant. C’est dangereux, mal dirigé, et cela conduira à un désastre complet. Nous avons déjà perdu l’Irak grâce au retrait d’Obama en 2011. Maintenant nous risquons de perdre le dernier allié que nous ayons sur le terrain, les Kurdes.

Il est temps que les USA se confrontent aux faits pour réaliser qu’un Irak indépendant, uni a cessé d’exister, il y a plusieurs années, et que la seule façon pour nous de contrôler la domination iranienne de la région est de soutenir un Kurdistan uni, indépendant et démocratique, avec des bases militaires des USA à Kirkuk et Erbil.

Pour y  parvenir, il va falloir une grande maîtrise diplomatique, parce que Barzani s’est montré imprudent, peu fiable et insuffisamment démocrate. Nous devons travailler sur le terrain, en alignant les joueurs.

Nous devons jouer aux Echecs, pas aux Dames.

 

Par Kenneth R. Timmerman , 17 octobre 2017

Adaptation française de Sentinelle 5778

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Grosman R.

prière d’avoir la possibilité de transmettre sur email de manière à pouvoir envoyer des articles par ce mode aussi. Merci. Je ne veux pas passer par Facebook ou autres.

madeleine

L’Iran se sent pousser des ailes. Il a d’abord testé la réaction de Trump face aux tirs de lancement effectués par la Corée du Nord. Trump s’est contenté de menaces réitérées à chaque tir et s’est ridiculisé avec ses « retenez moi ou je fais un malheur ». L’Iran, fin stratège, a analysé et compris de quel matériau était composé Trump et ont certainement « cerné » le personnage sans se tromper. De ce fait, rien ne va l’arrêter dans sa progression sur le terrain où il s’implante, de la frontière égyptienne jusqu’au Liban via la Syrie. Déjà allié avec l’Egypte contre l’Iran, Israël devrait consolider ses liens aussi avec la Jordanie et l’Arabie saoudite et réfléchir à tendre la main ou non aux Kurdes afin de former une coalition.