À l’Assemblée, le jeu du RN inquiète la majorité.

La majorité ne veut pas d’alliance formelle avec le RN, mais apprécie qu’il vote ses textes, ce qui est une alliance tacite. C’est une complicité de fait et une alliance forcée, qui en fait donc un parti de gouvernement, même si on ne lui donne que le titre de supplétif. Cette stratégie met en échec le front républicain, qui est donc mort et ouvre ainsi la voie pour les prochaines présidentielles. Reste que ceux qui continueraient à vouloir diaboliser le RN passeront pour des mauvais coucheurs obtus, alors qu’ils seront soumis aux lois votées grâce au RN.

En se montrant «constructifs» mais critiques, les députés RN mettent en difficulté le camp présidentiel.

L’intervention n’est pas passée inaperçue, loin de là. Lorsqu’elle prend la parole, lundi, au tout début de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, Marine Le Pen en surprend plus d’un en annonçant d’emblée que les députés du Rassemblement national «voteront l’essentiel des mesures» proposées par le gouvernement dans ce texte. «Nous avons entendu le message des Français, ils ne veulent pas d’obstruction mais du travail constructif», lance-t-elle notamment, sous le regard attentif des députés de la majorité.

Avant cette annonce, pourtant, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale s’était livrée à un véritable réquisitoire contre les mesures proposées par l’exécutif, les jugeant «injustes»«inefficaces»«déjà obsolètes», et «complètement en dehors des réalités vécues par les Français». Et ensuite, d’en appeler aux oppositions pour «imposer des mesures alternatives» sur l’énergie, l’augmentation des salaires, la déconjugalisation de l’AHH et bien d’autres sujets.

Une attitude critique vis-à-vis de l’exécutif mais ouverte et constructive, que tous les élus de son camp s’emploient à adopter depuis qu’ils ont fait, il y a quelques semaines, leur entrée au Palais Bourbon. Un positionnement «responsable» auquel se tiennent systématiquement les parlementaires RN, même en l’absence de Marine Le Pen dans l’Hémicycle. C’est par exemple le cas, dans la nuit de lundi à mardi, lorsqu’ils votent plusieurs amendements – qui ne seront finalement pas adoptés – proposés par les oppositions, dont un défendu par l’Insoumis François Ruffin.  Cela nous semble un amendement de bon sens», explique alors calmement le député RN Jean-Philippe Tanguy, provoquant le sourire amusé de quelques-uns de ses collègues.

Le «baiser de la mort»?

Une posture «responsable» qu’assument tous les cadres du mouvement. «Il ne s’agit pas de stratégie. Les Français en ont marre des bisbilles entre partis et des effets de manches. Dès qu’une bonne idée sera proposée, nous la voterons», défend par exemple Laurent Jacobelli, député RN de Moselle. «Notre état d’esprit est simple: nous voulons servir l’intérêt général. Sommes-nous utiles aux Français en bloquant? Nous ne serons pas dans le sectarisme bête et méchant», acquiesce Julien Odoul, parlementaire de l’Yonne et porte-parole du RN. Selon lui, si le projet de loi pouvoir d’achat est «largement insuffisant», il mérite d’être voté, car il «apporte une aide substantielle aux Français».

Dans les rangs de la majorité, où l’on s’attendait à une opposition bien plus systématique et virulente, on essaye de s’accommoder de la situation. «Il faut bien faire avec les oppositions que les Français nous ont données. Les élus du RN sont libres de leur vote», balaye par exemple la députée Renaissance Anne-Laurence Petel.

Sommes-nous utiles aux Français en bloquant ? Nous ne serons pas dans le sectarisme bête et méchant

Julien Odoul, parlementaire de l’Yonne et porte-parole du RN

Pourtant, la semaine dernière, lorsque le RN votait de concert avec la Nupes pour supprimer l’article 2 du projet de loi sanitaire, nombre de parlementaires de la majorité dénonçaient la «collusion affichée des extrêmes» dans l’Hémicycle.

«La vérité, c’est qu’en votant nos textes, le RN nous donne le baiser de la mort», analyse un cadre de la majorité, très inquiet de «l’intelligence stratégique» du parti à la flamme. Avant de reprendre: «Beaucoup de LR, qui devraient pourtant être nos partenaires logiques, sont plus durs que les députés RN. Dans nos rangs, certains pensent même que le Rassemblement national est en train de devenir le nouveau RPR.»

La stratégie de «rediabolisation» qu’espèrent jouer certains cadres du camp présidentiel lors des cinq ans qui viennent paraît d’ores et déjà compromise. «La vérité, c’est que pendant qu’on empile les mesures, le RN raconte une histoire. On a perdu tous nos repères, il faut réagir», conclut ce même élu.

Le Figaro

 

 

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

2 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
gigi

C’est facile à comprendre.

Le RN, qui a touché le jackpot avec l’élection de 90 députés, craint naturellement une dissolution de l’assemblée nationale et de nouvelles élections qui lui seraient beaucoup moins favorables. Ainsi, en se montrant conciliant avec le gvt, le RN tente d’enlever à Macron le prétexte à de nouvelles élections. Mais cette politique a des limites car, à vouloir être plus macroniste que Macron, le RN pourrait lasser ses électeurs.

En attendant, Me Borne, qui parfaitement compris le jeu du RN, profite au maximum de la situation en se montrant intransigeante sur ses propositions. Le RN pourra-t-il tenir longtemps dans un rôle de béni oui oui du gvt ? J’en doute.

Batzap

Qui a dit: « Paris vaut bien une messe » ?
Citation (apocryphe ?) attribuée à Henri IV.
Le RN est très intelligent, il jette le hameçon qui porte un appât, il accroche les wagons, il s’achète une respectabilité. Ironiquement, il est aidé par les guignol(e)s de la NUPES qui lui servent de repoussoir. Espérons qu’après la période de normalisation politique le RN n’oublie pas de virer à droite.