La Techouva, Principe Essentiel de la Vie Juive 

Le problème quand on parle de Téchouva, c’est qu’on traduit habituellement Téchouva par « repentance » et cela nous éloigne d’emblée de son sens réel.

Parler de « repentance » évoque immanquablement des références chrétiennes, d’affliction, de châtiment voire d’auto-flagellation qui n’ont rien à voir avec notre concept.

Alors suivez-moi nous allons essayer d’y voir clair. Le mot Téchouva (du verbe chouv) évoque avant tout l’idée de retour, de revenir à un point précis à partir duquel on se serait égaré. En quelque sorte une machine à remonter le temps.

En hébreu Techouva signifie aussi « réponse » comme si la Techouva était une façon de répondre à un appel, à une convocation, à un questionnement profond de celui qui s’est égaré. La notion de Techouva se rencontre dès le début et à la toute fin de la Tora.

Dieu dit à Caïn « si tu t’améliores tu pourras te relever (Genèse 4,7) et dans l’un des derniers chapitres on lit « Tu retourneras vers Dieu et tu écouteras sa voix » (Deutéronome ch. 30 v.2).

C’est de ce dernier verset que l’on apprend que « faire Techouva », comme on dit, fait partie des 613 commandements de la Tora. Le judaïsme ne demande pas à l’homme d’atteindre la perfection, il sait qu’il est faillible, qu’il peut s’égarer. Il l’invite à se retrouver. Tout au long des livres des Prophètes, ces derniers exhortent le peuple juif et ses rois idolâtres à revenir vers Dieu. La porte de la Techouva reste donc toujours ouverte.

Mais de quel retour parle-t-on? Il peut s’agir de retour vers Dieu, retour vers son prochain, retour vers la Tora, retour vers la communauté, mais aussi retour vers soi-même. Cette idée est fondamentale dans le judaïsme. Elle s’oppose à la conception fataliste qui prévaut dans l’Antiquité. Prenez Œdipe, il ne pourra rien contre le destin aveugle qui s’acharnera sur lui, il sera parricide et incestueux, coupable contre son gré.

La Techouva, une affirmation du libre-arbitre

La Téchouva c’est tout le contraire, c’est « l’anti- fatalisme. » Le contraire du « Mektoub », le « c’était écrit ». C’est l’affirmation du libre-arbitre de l’homme, maître de son destin qui jusqu’au dernier jour de sa vie peut choisir entre faire le bien ou le mal.

La Téchouva affirme qu’à tout instant l’homme peut réparer des actes qu’il a commis dans le passé, s’amender, effacer sa faute. La Téchouva est une re- naissance, un recommencement.

Mais comment faire Techouva ?

D’abord par ce que l’on nomme en hébreu le vidouy, mais là encore problème de traduction, car si je traduis vidouy par « confession », la tradition chrétienne nous égare à nouveau.

Vidouy vient du verbe ודה qui veut dire « reconnaitre », « prendre conscience ». Le principe est bien celui mis en évidence par la psychanalyse: la guérison passe par la capacité du patient à verbaliser, à mettre des mots sur son problème.

Ceci est explicitement énoncé dans le livre des Nombres (ch.5, v.6 et 7) « quiconque aura commis une faute, …avouera sa faute etc. » Les bons sentiments ne suffisent pas, pas plus que les regrets intérieurs. Revenir vers Dieu signifie tout d’abord énoncer à voix haute la faute commise, puis revenir vers le droit chemin.

Deuxième condition évidente: l’engagement de ne pas récidiver! Maïmonide dans son Michné Torah explique que le signe d’une Techouva réussie se manifeste quand le sujet se trouvant dans les mêmes conditions de la faute, résiste à la tentation. La Téchouva passe donc par la maîtrise de ses pulsions.

Dans la Téchouva l’homme découvre son humanité authentique, c’est-à-dire les forces et les faiblesses qui l’habitent. Bien sûr, une idée aussi innovante, aussi révolutionnaire méritait une solennité de rappel.

Vous l’avez deviné, il s’agit du jour de Roch Hachana, le premier jour de l’année juive. Ce jour-là on fait le bilan de l’année écoulée et on s’efforce de faire Techouva. Le lendemain de Roch Hachana s’ouvre une période de dix jours qui s’appelle justement les asseret yemei Techouva, les dix jours de Techouva.

Ces dix jours forment une passerelle vers le jour où la Techouva trouve, ou non, son aboutissement: Yom Kipour, le jour du Grand Pardon, rendu possible seulement par le processus de Téchouva qui le précède.

La Téchouva dans la tradition orale 

Bien entendu la tradition orale va développer ce thème dans toute sa littérature et notamment dans le traité talmudique Yoma consacré au jour de Kippour. Ainsi le Talmud distingue-t-il les fautes commises envers Dieu, qui sont pardonnées par une Téchouva sincère, des fautes commises envers autrui.

Celles-ci ne seront pardonnées que par une demande explicite de pardon auprès de la personne à qui l’on a causé du tort et éventuellement la réparation des préjudices (on aurait du mal à imaginer que le volé pardonne au voleur qui ne lui aurait pas rendu le produit de son larcin). L’autre idée qui se dégage ici est que la Téchouva efface si l’on peut dire le casier judiciaire du malfaiteur.

L’homme qui a fait Téchouva au plan religieux ou qui a payé à autrui ce qu’il lui devait, est un homme nouveau qui s’est réconcilié avec la société, personne n’a même le droit d’évoquer son passé obscur.

D’ailleurs le repentant reçoit le titre de Baal Téchouva « maître de la Téchouva », ou encore « époux de la Téchouva », comme s’il faisait corps avec sa repentance. Cette conversion intérieure qui transforme radicalement la vie du fauteur repentant est si forte que Rabbi Abahou, un maître du Talmud, enseigne: « là où le repentant se tient, même le juste parfait ne peut pas se tenir ».

De «La Techouva, l’Eternel Retour » (Philippe Haddad, sur Akadem)

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