The Israeli separation wall divides the Pisgat Zeev Israeli Settlement, on the left, and the Shuafat Refugee Camp, on the right, outside Jerusalem, January 25, 2011. Al-Jazeera released leaked documents called the "Palestine Papers" that reveal that Palestinian negotiators were willing to compromise on the issues of Jerusalem and refugees during peace talks with Israel in 2008. UPI/Debbie Hill

Le journaliste arabe israélien Khaled Abu Toameh est un des experts les plus renommés du conflit entre Israël et la Palestine. Cette déchirure, il la vit depuis sa plus tendre enfance. Né d’une mère arabe palestinienne et d’un père arabe israélien, il en connaît les protagonistes par cœur.

Les décideurs des deux pays, auxquels il a aisément accès et dont il maîtrise la langue et la culture, n’échappent pas à son analyse, franche et parfois acide. Il cible l’Autorité palestinienne lorsqu’elle s’en prend aux droits de la presse. Il s’attaque aux députés arabes israéliens de la Knesset, qu’il juge inaptes à défendre leurs électeurs. Il critique le gouvernement d’Israël lorsque les droits des Arabes israéliens ne sont pas reconnus.

Khaled Abu Toameh était de passage hier à Bruxelles. Il a accepté de répondre aux questions de quelques journalistes.

Quelle solution prônez-vous pour mettre fin au conflit israélo-palestinien?

Kahled abu Toameh © doc

Né en 1963 en Israël, Khaled Abu Toameh a grandi dans la ville arabo-israélienne de Baqa al-Gharbiyye. Il est diplômé en littérature anglaise de la Hebrew University of Jerusalem. Il vit aujourd’hui à Jérusalem.

M. Toameh a produit plusieurs documentaires pour NBS News, la BBC, les télévisions allemande et danoise. Il écrit également pour News & World Report, The Jerusalem report et le Jerusalem Post.

Je soutiens la solution des deux États. Mais elle n’est pas praticable sur le terrain. La seule solution harmonieuse que je vois, c’est la séparation physique, le divorce, entre Israël et les Palestiniens. Les Israéliens ne doivent plus se mêler du problème palestinien, qu’ils se contentent de juste assurer leur propre sécurité. On verra après comment les choses évoluent. Tout ce que je souhaite, c’est la paix et une belle vie pour les Palestiniens et les Israéliens. Le problème, c’est que je ne vois pas d’État palestinien émerger aujourd’hui.

Voyez, par exemple, Gaza. Que peut-on faire avec Gaza? La ville est remplie d’islamistes radicaux, que ce soit le Hamas ou des soutiens de Daech. Même moi, comme musulman, je ne me sens pas bien à Gaza. Les Égyptiens sont allés à Gaza et ils n’en ont pas voulu. Yasser Arafat y est allé aussi pour installer son QG, puis il est parti. Les Israéliens y sont allés, et ne sont pas restés. La plupart des gens que je rencontre à Gaza veulent d’ailleurs s’en aller.

Pourquoi ne trouve-t-on aucune solution pour Gaza?

Les gens de Gaza sont très compliqués, fâchés, frustrés. Ils en ont assez, et je peux le comprendre. Ce qui fait que personne ne veut d’eux. Offrez Gaza à l’Egypte, elle n’en voudra pas. C’est triste, et il faut trouver une solution. Mais les Israéliens et les Égyptiens ont érigé une frontière qui isole la ville. Le comble, c’est que les gazaouites sont maltraités lorsqu’ils franchissent la frontière égyptienne.

La communauté internationale, elle aussi, a sa responsabilité, en laissant le Hamas (NDLR: mouvement islamiste actif à Gaza) participer aux élections, ce qui est une reconnaissance de cette organisation et empêche le renouvellement des dirigeants.

Pensez-vous que les Palestiniens veuillent arriver à cette paix?

Les Palestiniens sont divisés en deux. Il y a ceux qui ne veulent pas faire la paix avec Israël, comme le Hamas, car ils pensent que l’État ne peut exister, ils en veulent la fin à 100%. Ils veulent une terre où flotte le drapeau islamique.

Et puis, de l’autre côté, il y a l’Autorité palestinienne, le Fatah (NDLR: mouvement de libération de la Palestine, fondé par Yasser Arafat) et tous les non-islamistes. Eux, ils veulent un retour aux frontières antérieures à 1967 et le retour des terres occupées à la Palestine.

Vous pensez que l’attitude du Hamas est ambiguë?

Oui. Le Hamas critique Israël la journée, mais la nuit il discute de sécurité avec les Israéliens. De l’aveu même des forces de sécurité israéliennes, ces critiques n’ont pas beaucoup d’importance tant qu’ils collaborent sur le terrain.

Par quoi la Palestine est-elle paralysée?

La guerre interne que se livrent le Hamas et le Fatah, avec pour conséquence l’existence de deux régimes politiques. C’est le meilleur moyen d’empêcher l’émergence d’un État palestinien. Si les palestiniens n’arrivent même pas à se mettre d’accord entre eux pour l’organisation d’élections municipales, comment pourraient-ils créer un État?

Qu’est-ce qui empêche l’organisation d’élections municipales?

Le gouvernement palestinien avait annoncé tôt cette année qu’il organiserait des élections municipales. Ils pensaient que le Hamas n’accepterait jamais, mais ce ne fut pas le cas. Mais les gens du Hamas ont surpris tout le monde en annonçant leur participation. Des tensions ont commencé à apparaître enter l’Autorité palestinienne et le Hamas. Par ailleurs, de nombreux candidats du Fatah ont souhaité se présenter de manière indépendante, ce qui est une menace pour l’organisation elle-même. Le Fatah, qui ne veut pas de ces élections, est allé devant la Cour suprême palestinienne à Ramallah, et les élections ont été reportées sine die. La Cour doit prendre une nouvelle décision le 3 octobre prochain.

Qu’en pensent les Palestiniens?

Une majorité de Palestiniens est déçue de cette décision. Les gens ne sont pas heureux de n’avoir que deux acteurs dans la région, le Hamas et le Fatah. C’est un problème très sérieux. Le Hamas n’est pas une organisation ouverte. La situation actuelle n’est pas bonne pour le processus de décision et la démocratie en Palestine. Il n’y a plus aucun renouvellement des leaders.

La question de la succession de Mahmoud Abbas n’entrave-t-elle pas le processus électoral?

Non. D’ailleurs, rien ne changera après la désignation de son remplaçant. Quand Mahmoud Abbas prendra sa retraite, ils se réuniront tous, Autorité palestinienne, Fatah, Hamas et ils choisiront l’un d’entre eux pour les diriger. Mais regardez l’âge des leaders de ces mouvements. Le plus jeune est âgé de 64 ans et le plus vieux de 96 ans. Où est le nouveau leadership? Les vieux dirigeants de l’Autorité palestinienne et du Fatah ont toujours le pouvoir, il n’y a aucun renouvellement. Il n’y a pas de vrai parlement en Palestine, pas d’élections libres. Quant à la situation de la presse, elle n’est pas meilleure. Si vous critiquez le chef ou une personne de haut rang, vous aurez des problèmes. Et ça, ce n’est pas ce que veulent les Palestiniens. Ces gens sont très éduqués et ils savent ce qu’est une démocratie.

Avez-vous rencontré des problèmes dans votre travail de journaliste?

Quand je me rends à Ramallah, je dois faire attention à ne pas m’exprimer n’importe comment. Les gens de l’Autorité palestinienne sont très susceptibles. Ils me disent que ce que je dis est juste, mais que je dois me taire. Ils sont très sensibles lorsqu’on parle de corruption. Un journaliste palestinien doit être loyal à son gouvernement.

Vous vous sentez déloyal à l’égard de la Palestine?

Pourquoi serais-je déloyal? Parce que je critique l’Autorité palestinienne ou le Hamas? Je suis le plus pro-palestinien qui soit.

Comment évoluent les relations entre juifs et arabes en Israël?

Je me sens bien en Israël, je me sens bien en Palestine, à Ramallah ou à Gaza. Mais ces vingt dernières années, j’ai assisté à une détérioration des relations entre juifs et arabes. Le gouvernement israélien doit relever ce défi, sinon, la troisième intifada aura lieu dans une des grandes villes israéliennes. Je suis très inquiet. Surtout de la situation des Bédouins dans le Neguev. C’est là que ça pourrait exploser. Si vous considérez les citoyens arabes comme des ennemis, un jour ils deviendront un ennemi.

Quelles en sont les causes?

Le public juif a changé. Les jeunes juifs ne font plus la différence entre un arabe israélien et un terroriste qui viendrait de Gaza. Les arabes israéliens sont également mal défendus par les députés qui les représentent à la Knesset (NDLR: le parlement israélien).

Que réclamez-vous comme arabe israélien?

Le gouvernement israélien doit faire un effort dans trois domaines: l’emploi, les infrastructures et les allocations des fonds publics. Les choses bougent, mais pas assez. Israël doit lancer un plan Marshall pour les Arabes israéliens.

Les Echos

 

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