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La France et ses amis décapiteurs

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Ali Mohammed al-Nimr bientôt décapité au nom de la guerre sunnites-chiites

Par Jean-Pierre Perrin
Ali Mohammed al-Nimr.Zoom
Ali Mohammed al-Nimr. Photo AFP Photo. HO. Reprieve.org

Alors que Faisal bin Hassan Trad, originaire du Royaume, a été nommé à la Commission des droits de l’homme, un Saoudien de 20 ans a été condamné à mort. Il doit ensuite être crucifié.

C’est un châtiment terrible auquel est condamné le jeune Ali Mohammed al-Nimr, 20 ans, originaire de Qatif, ville du Hasa, une région majoritairement chiite de l’Est du royaume saoudien, pour avoir contesté la monarchie saoudienne. Condamné à mort, il doit être décapité d’un jour à l’autre – son dernier recours a été rejeté – et son corps exposé ensuite en croix.

Que reprochent les autorités saoudiennes à Mohammed al-Nimer ?

Le procès s’étant déroulé en secret, on ne sait rien de la véracité des accusations portées contre lui. Agé alors de 17 ans, il aurait fait partie d’une organisation terroriste, porté des armes et lancé des cocktails molotov contre les forces de l’ordre. Selon l’accusation, il n’aurait donc tué ni blessé personne. Il aurait reconnu les faits, mais on sait que la torture est très largement pratiquée, sinon systématique, dans les geôles saoudiennes. C’est ce qu’affirme d’ailleurs l’ONG britannique Reprieve (qui lui fournit une aide juridique) pour laquelle des aveux lui ont été extorqués dès 2012, alors qu’il était encore mineur.

En plus, comme pour les autres procès, c’est un juge unique, aux ordres du pouvoir, qui l’a condamné à mort le 27 mai 2014. En l’absence de code pénal, c’est la charia qui est appliquée dans le Royaume, notamment la sourate Al-Baraqah, verset 11 : «Et quand on leur dit “ne semez pas la corruption sur la terre”, ils disent au contraire “nous ne sommes que des réformateurs”.» En fait, il est probable que le jeune homme paye pour être le neveu du cheikh Al-Nimr, haut dignitaire chiite, opposant déclaré à la maison des Saoud, lui-même condamné à mort, le 15 octobre 2014.

Pourquoi la crucifixion du jeune homme après son exécution ?

L’Arabie saoudite s’estime menacée par deux adversaires : l’Iran, en particulier depuis l’accord de Vienne qui devrait mettre fin aux sanctions internationales, et l’Etat islamique (EI). D’où le caractère impitoyable du jugement. L’exposition du corps d’un condamné et sa crucifixion sont habituellement réservées aux grands criminels – le dernier cas remonte semble-t-il à 2013. Cette fois, il s’agit de montrer à la minorité chiite dont Téhéran soutient traditionnellement les revendications qu’elle sera impitoyablement réprimée au moindre mouvement de contestation. Le châtiment d’Ali Mohammed al-Nimr s’inscrit donc dans la guerre sunnites-chiites que se livrent les deux grandes puissances du Moyen-Orient, via leurs obligés. C’est un message très dur que Riyad envoie à Téhéran et à ses alliés, comme le Hezbollah libanais, dont les organes, la télévision Al-Manar et le quotidien de Beyrouth Al-Akhbar, s’insurgent contre l’ordalie du jeune chiite. Riyad prétend d’ailleurs au leadership du monde sunnite et, à ce titre, dirige la coalition arabe qui affronte les rebelles chiites Houthis au Yémen à coups de bombardements massifs et par l’envoi de forces terrestres.

Mais la crucifixion s’adresse aussi à l’EI, qui use largement de cette terrifiante pratique. Il s’agit bien d’une surenchère dans les supplices islamiques, le Royaume témoignant ainsi que lui aussi est sans pitié à l’égard des hérétiques (le chiisme pour les wahhabites ou les salafistes est une hérésie) et des criminels. S’il est vrai que l’idéologie wahhabite – celle du Royaume – a nourri grandement celle de l’EI, sa progression en Syrie et en Irak inquiète de plus en plus les dirigeants saoudiens. Car l’étape après la prise de Damas, si elle devait intervenir, priverait, en vertu des textes prophétiques sacrés auxquels les dirigeants de l’EI se réfèrent, le régime saoudien de toute légitimité religieuse. Dans un tel contexte, il est peu probable que l’Arabie saoudite limite ses exécutions – plus de 80 depuis le début de l’année, selon l’ONG Human Rights Watch, plus de 130, selon Amnesty International, entre janvier et fin août, dont près de la moitié pour des infractions qui ne satisfont pas aux critères définissant les «crimes les plus graves» pour lesquels le recours à la peine capitale est autorisé par le droit international.

Quelles conséquences pour l’Arabie saoudite qui ambitionne la présidence du Conseil des droits de l’homme ?

L’ambassadeur saoudien auprès des Nations Unies à Genève, Faisal bin Hassan Trad, occupe depuis juin un poste important au sein de Conseil de droits de l’homme – une nomination passée largement inaperçue – mais c’est faute de pouvoir prétendre à cette présidence, en 2016 . A la tête du Groupe consultatif, il est chargé de sélectionner les experts indépendants envoyés sur le terrain pour dénoncer les violations des droits de l’homme. Toutefois, rassure le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, la décision revient en dernier recours au président de l’organisation, l’Allemand Joachim Rücker. Reste qu’une telle nomination est choquante dans un pays qui exécute des condamnés à des délits mineurs, fait fouetter les blogueurs et n’accorde aucun droit à ses minorités ni à ses immigrés.

Que fait la France ?

Des compliments, à l’image de François Hollande pendant sa visite à Riyad qui a loué le royaume saoudien pour ses réalisations et ne veut rien voir d’autre.

Jean-Pierre Perrin Libération

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