Waving Nato, EU and USA Flag

Les politiques arabes des grandes puissances relèvent d’une méconnaissance du monde ou des mondes arabes. Les conflits qui ensanglantent le Moyen-Orient résultent de la haine intra religieuse en l’islam.

Le premier grand conflit moderne, post-colonial est celui de l’Iran Irak qui fit près de 2 millions de morts. Depuis l’Irak n’est plus une puissance, mais un champ de bataille où sunnites et chiites s’entretuent, mais pas seulement puisque pour des raisons religieuses car les différentes sectes de l’islam s’entretuent soi-disant pour faire prévaloir leur lecture du Coran tout en défendant des intérêts de clans voire personnels.

Le pétrole n’étant plus un élément stratégique majeur, avec l’apparition du gaz de schiste aux États-Unis et avec l’abondance de l’offre par ailleurs, la nécessité d’avoir une mainmise coûteuse sur la région n’est plus aussi stratégique qu’avant. Le désintérêt relatif des États-Unis et l’impuissance de l’Europe qui à 28 ressemble à l’albatros de Baudelaire avec ses ailes de géant qui l’empêchent de marcher, se trouve en réalité paralysée. La France avec ses rêves de grandeur pense encore pouvoir peser seule, avec sa conférence de paix, mais elle risque de déchanter très vite.

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Frédéric Charillon, professeur de relations internationales et directeur de l’Institut de recherche supérieur de l’École militaire (Irsem), expose à « L’Orient-Le Jour » son point de vue concernant la politique étrangère des grandes puissances occidentales après le printemps arabe.

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Que pensez-vous de la politique étrangère actuelle de certains pays occidentaux, traditionnellement très présents dans la région ?

Je pense qu’il n’y en a plus. Certaines grandes puissances ont vu une grande partie de leurs alliances s’étioler complètement, ou en tout cas être en partie altérées. Les relations entre Israël et les États-Unis, par exemple, ont été assez mauvaises sous Barack Obama. Avec l’Arabie saoudite, c’est depuis le début des années 2000 que la relation commence à être modifiée et qu’elle est empreinte de méfiance (plus exactement depuis les attentats du 11-Septembre). Les USA ont perdu une partie de leurs points d’appui et ont dû repenser leur politique dans la région, et c’est ce que tente de faire le président Obama. Il faut lui reconnaître cette qualité, en jouant la carte de l’ouverture vers l’Iran, par exemple.

Du côté de l’Union européenne (UE), la dernière tentative pour recréer un cadre euroméditerranéen était l’Union pour la Méditerranée en 2008. Cette initiative est, d’une part, mort-née du fait de ce qui s’est passé à Gaza tout de suite après (en référence à l’opération Plomb durci israélienne dans l’enclave palestinienne entre décembre 2008 et janvier 2009), et ensuite évidemment les printemps arabes fin 2010-début 2011. Tout a volé en éclats, d’autant que l’Union pour la Méditerranée avait eu pour invité vedette (le président syrien) Bachar el-Assad, et comme coprésident (l’ex-président égyptien) Hosni Moubarak, ce qui n’était pas le meilleur casting pour durer.

Finalement, il y a une sorte de realpolitik qui se met en place aujourd’hui, qui consiste à miser sur des pays à la fois stables (qui n’ont pas été déstabilisés par les printemps arabes), solvables, ce qui est important sur le plan commercial, et du coup miser sur ces points d’ancrage, soit le Golfe et l’Égypte. C’est en tout cas la façon dont tout cela est présenté. Le calcul est risqué, dans la mesure où ces pays sont eux aussi d’une certaine manière fragiles. La situation est par exemple loin d’être réglée en Égypte. On se retrouve donc face à une inconnue, ce qui est normal avec tout ce tumulte. Il est difficile de reprocher à des politiques étrangères de ne pas avoir tout compris, tout prévu. Tout le monde se retrouve dans une phase intermédiaire, et on ne sait pas encore ce que va être le Moyen-Orient de demain. Ce que l’on sait, c’est qu’il ne sera jamais plus ce qu’il a été.

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Quelle est selon vous la prochaine étape ?

Les États-Unis désiraient le monopole de cette région et s’appuyaient sur un certain nombre d’autres pays, mais ils ne donnent plus l’impression aujourd’hui de vouloir encore jouer ce rôle. En revanche, on voit arriver d’autres pays, comme la Russie. Cette dernière a profité de la situation pour revenir dans le jeu, pas tellement pour le bien du Moyen-Orient, à mon avis, mais pour revenir dans le jeu global, surtout après son isolement à la suite de l’affaire ukrainienne.

On pressent l’intervention future d’autres puissances encore. Que va faire la Chine, par exemple, elle qui a des intérêts (commerciaux, énergétiques, notamment) dans la région ?

Elle va commencer à exprimer une politique sur la région, ce qui changera tout, évidemment.

Un autre scénario possible serait que l’on assiste à une nouvelle diplomatie Sud-Sud, soit une réédition en quelque sorte de l’initiative turco-brésilienne de 2010 sur le deal iranien, mais cette fois bien plus forte, avec des acteurs beaucoup plus déterminés. Le Brésil et la Turquie étaient encore des puissances moyennes en 2010. Si ce scénario recommence, mais avec cette fois des pays comme la Chine, la Russie et deux ou trois autres pays du Sud, ça va tout changer.

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Je crois que le face-à-face entre les puissances-relais, d’une part, et les États-Unis comme arbitre suprême, d’autre part, c’est terminé. Plus personne n’y croit, ni même les grands alliés traditionnels de Washington, comme Israël, l’Arabie saoudite et la Turquie. Ce qui est probable, c’est qu’on voit se développer des revendications de rôle à jouer par des puissances comme l’Iran et la Turquie, déjà présents.

Tout cela va poser la question des politiques étrangères arabes. En effet, on assiste depuis quelques années à une sorte de déclin des politiques étrangères arabes. On a le sentiment aujourd’hui que l’avenir de la région, en réalité, va se jouer sur les trois politiques étrangères non arabes de la région : l’Iran, la Turquie et Israël. On a l’impression qu’il n’y a plus, du côté arabe, de pays pouvant développer un rôle régional fort. L’époque où Henry Kissinger disait qu’« il ne peut y avoir de paix sans la Syrie, ni de guerre sans l’Egypte » etc. est révolue. L’Égypte a maintenant beaucoup de problèmes internes et n’est pas redevenue la puissance d’équilibre qu’elle était auparavant; quant à la Syrie et à l’Irak, ils sont dans l’état que nous connaissons. L’Arabie saoudite essaie, elle, de jouer un rôle, mais son image reste assez mauvaise à l’international et elle a encore pas mal de handicaps avant de pouvoir assumer ce rôle.

Peut-on parler de paralysie européenne ?

Il y a une quintuple crise de l’UE aujourd’hui comme acteur.

Premièrement, il y a une crise diplomatique, et ce depuis longtemps, soit le début des années 1990, lors du ratage sur l’ex-Yougoslavie. On ne s’est jamais rattrapé après, que ce soit dans le processus de paix israélo-arabe, le Moyen-Orient, l’Ukraine…

Deuxièmement il y a une crise européenne également sur le plan de l’identité. Les Européens ne savent plus aujourd’hui ce qu’est l’Europe. Les élargissements n’ont pas été bien perçus, la perspective d’adhésion turque a été encore pire. On en est même aujourd’hui à parler de la sortie de certains pays de l’UE.

Troisièmement, il y a une crise de méthode. Jusque-là, ce qui faisait la force de l’Europe, c’était sa méthode infaillible, technocratique, et qui faisait peut-être même peur tant elle était systématique pour élargir, approfondir. Depuis la crise grecque, et depuis que l’Allemagne dit « discipline avant tout », alors que la France dit « solidarité avant tout », on voit qu’il n’y a plus de convergence sur la méthode.

Quatrièmement Il y a une double crise. De sécurité, à l’intérieur comme à l’extérieur. Intérieure parce qu’on a vu que les polices et les renseignements ne se coordonnaient pas suffisamment entre eux, et on l’a vu au moment des attentats en France et en Belgique. Extérieure dans le sens où l’affaire ukrainienne a fait peur à tout le monde. On a à nouveau des pays de l’UE qui se sentent menacés chez eux. Il ne s’agit plus d’aller sauver les Bosniaques, les Kosovars, etc., mais d’assurer son propre salut. Ces pays n’ont aucune confiance dans la sécurité que peut leur fournir l’UE.

Cinquièmement Il y a une crise morale, parce que des réfugiés meurent sur les plages, des enfants se noient, etc. Toute cette Europe qui s’est bâtie sur la promesse de « plus jamais ça » en termes de drames humains devient maintenant un théâtre de tragédies permanentes.

L’Europe s’en sortira-t-elle indemne ?

Des gens pensent que c’est terminé. Je pense qu’elle ne s’en sortira pas à 28 (membres), mais en reprenant des noyaux durs, soit quelques États qui veulent faire des projets ensemble.

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