Dominique Itzkovitch. Hommage à Elie Wiesel, mort le 2 juillet 2016. “Il aimait les fous et les mendiants”

Il aimait les fous et les mendiants

Elie Wiesel les chantait, les louait, était leur porte-parole

De ces parias, de ces exclus, de ceux-là qui sont regardés avec mépris

Qui s’expriment si peu ou dans un langage à eux

Langage de la solitude, de la misère de l’homme face à un monde sans pitié pour ceux qui n’ont pas eu la chance, qui ont dégringolé,

Langage peut être de la vérité de la condition de l’HOMME sur terre

Langage peut être de ceux qui ont refusé d’être les dupes, conformes,

Seulement des errants sans foi ni loi, et parfois ni toit

Mais Elie, qui est passé par la souffrance la plus indescriptible, a compris ces hommes, il a partagé la détresse de l’homme qui voit la mort, le mal, Et en a déduit que la seule force de l’homme est de se servir de son langage et du meilleur de lui-même Pour témoigner, pour aller vers l’autre, lui laisser une place. Car cette place lui avait été refusée, parce qu’il avait commis la faute d’être né Juif.

Alors, il a voulu, dans ses livres, introduire les exclus, la lie de la terre.

Un mendiant.

D’ailleurs la tradition juive fait une part belle à l’autre, L’invité inconnu, qui peut venir s attabler.

Il aimait les fous et les mendiants. Il l’a dit dans un entretien : J’aime les fous

Moi qui suis psychanalyste, qui ai pu observer ceux qui sont classés comme tels, les psychotiques, les délirants, les hallucinés, Je partage avec Elie Wiesel ce désir de faire comprendre que la folie est aussi une réaction individuelle d’êtres trop sensibles à la folie du monde.

Si le fou avait et est toujours rejeté parce qu’on refusait de voir en lui le symptôme de notre incapacité à vivre avec les autres, en bonne entente, c’est parce que nous voulons dominer, imposer, plutôt qu’aimer l’autre

Alors le langage du fou dévie, délire, refuse la compromission, la castration. Il construit son monde autre, échappe à la norme, s en exclut, Et il invente, il crée, tel un Joyce ou un Artaud.

Le fou se crée un sens nouveau, à l’ordre des choses.

Désordre, chaos de l’âme, Ou poésie, création…

Elie Wiesel a vu dans ces êtres soudain envahis par un dibbouk des poètes, des frères exclus, qu’il a compris et aimés.

Car il a aimé profondément l’homme, dans ses faiblesses, dans son désarroi. Rien de l’humain ne lui était étranger. L’étranger, le différent, Il avait compris que c’était une peur, un réflexe mauvais, en chacun de nous. Le racisme, l’antisémitisme…

Alors, toute sa vie, il a tenté de faire entendre la raison. Il a combattu, aussi, pour Israël, pour montrer le combat de son peuple face aux ennemis toujours plus nombreux, pour arriver à une paix dans cette région enflammée. Dans cette terre d’amour et de feu, comme disait l’ami Kessel.

Oui, ELIE, vous avez beaucoup donné à l’humain.

Sam, votre frère de cœur, votre ami de toujours, mon mari, et moi-même, nous vous aimions.

Pour info, Sam Itzkovitch, mon mari, fut, comme Elie Wiesel, un très jeune combattant pour la Palestine en butte aux Anglais. De là, une amitié sans failles. Elie voulut que son ami, Sam Itzkovitch, grand réalisateur, qui signa de nombreux films pour les major compagnies américaines, comme Grand PrixThe eye or the devil avec Kim Novak, la co réalisation avec John Frankenheimer de The horse men d’après le livre de Kessel… adapte un de ses films. L’Oublié… Magnifique histoire. Qui est un peu l’histoire de mon mari… à savoir celle d’un vieil homme, qui sent que sa mémoire s’en va, et voit son fils, qui pourrait être mon mari, cet homme qui a réussi, et il craint qu’il s’éloigne de ses racines, de sa tradition.

Sam Itzkoviotch, très sensible à cette histoire, à son père, qui lui parlait de cette crainte… quand il l’a vu quitter Israël pour l’Europe, les USA, essaya de faire l’adaptation de ce projet, mais n’y parvint pas.

Dominique Itzkovitch

Psychanalyste, Politologue, Dominique Itzkovitch a créé le THINK TANK DEVENIR, qui se veut un centre de réflexions interdisciplinaires sur les grands problèmes de société et de démocratie face à un monde en perte de valeurs démocratiques et en butte à des questions majeures de société.

 

Elie Wiesel et Jérusalem

Adaptation par Jforum

Pour l’enfant juif en moi, Israël représente un appel irrésistible à l’espérance, et Jérusalem une puissante chanson d’amour.

Dans ma petite ville roumaine, nichée dans les Carpates, je marchais souvent dans les rues en m’imaginant assise sur un banc quelque part en Judée, en écoutant un maître expliquer le mystère des mots, la force des souvenirs et la soif humaine de miracles.

Avec mon grand-père, un fervent Chassid, je parlais yiddish. Il aimait m’enseigner des airs chassidiques et, surtout, me regarder pore sur un tractat talmudique. Son rêve était de vivre assez longtemps pour que nous allions tous ensemble en Terre Sainte et là accueillir le Messie. En effet, je rêvais du Messie plus que d’un État juif politique. Puis ce qui s’est passé est arrivé.

Où étais-je le 14 mai 1944? Toujours dans le ghetto. J’avais 15 ans. Le premier transport vers l’inconnu, organisé à la hâte, s’apprêtait à partir ou venait de partir. Pour nous, le destin portait le masque de la mort dont l’ennemi avait fait son propre sauveur.

Le 14 mai 1948. Paris. Israël est sur le point de naître. Apatride, j’avais déjà vécu trois ans en France. Libéré de Buchenwald par l’armée américaine en 1945, un officier m’a demandé où je voulais être rapatrié.

Comme la plupart de mes amis, j’ai répondu que je voulais aller en Palestine, mais le mandat britannique sur l’immigration à l’époque nous avait en fait fermé ces portes. Au final, OSE (Oeuvre de Secours aux Enfants), une organisation humanitaire juive Français exceptionnelle, nous a amenés environ 400 en France. Je me souviens.

C’est un vendredi. David Ben Gourion lit la Déclaration d’indépendance du nouvel État juif; stations de radio du monde entier le diffusent. Le soir, je vais à la synagogue. Jubilation. Les étrangers partagent leurs sentiments. Quel? Un État juif ? Trois ans après la pire catastrophe de l’histoire juive ? Il m’est difficile de me concentrer.

À l’époque, je n’étais pas encore très conscient du fait que, dans la vie des hommes comme des nations, le rêve de l’un peut — en un instant — se transformer en cauchemar pour l’autre. La grande question : Que se serait-il passé si les dirigeants palestiniens de cette période avaient suivi l’exemple d’Israël en déclarant la création d’un État palestinien indépendant ? Pourquoi les dirigeants palestiniens, pour citer feu Abba Eban, « ne manquent-ils jamais une occasion de manquer une occasion » ?

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