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Au milieu du brouhaha, un homme s’approche du grillage en agitant un ticket blanc. De l’autre côté, un mouton, fermement maintenu par deux hommes, achève de gigoter, la gorge coupée jusqu’à l’os. Le sang qui jaillit en saccade se déverse dans une large cuve de plastique. Le sacrificateur aiguise son couteau pour la prochaine bête suivant les règles de l’abattage rituel.

Il n’est que dix heures, au cœur de ce centre équestre de Hyères-les-Palmiers, et près de 150 moutons ont déjà été tués. Notre enquête sur l’abattage rituel musulman commence ici, dans le Var. En arrivant sur place, au milieu du va-et-vient du personnel et de la clientèle qui afflue, je repère un groupe de cinq ou six personnes qui discutent entre elles. J’apprends bien vite qu’il s’agit de représentants de l’associationVigilance halal. Valérie Guillot, responsable régionale, n’a pas la langue dans sa poche. Appareil photo au poing, elle interpelle le responsable du centre équestre. Ce dernier, un homme jeune aux traits fatigués, affirme être impuissant contre les décisions des autorités, et parfaitement en règle. L’air gêné, il reconnaît qu’environ mille moutons seront égorgés, préparés et vendus ici en l’espace de deux jours. Derrière lui, un homme portant une blouse blanche maculée de sang fume tranquillement sa pipe. Il s’agit du représentant officiel de la Direction Départementale de la Protection des Populations, venu surveiller le déroulement des opérations. Pour tout renseignement, il me donne le numéro de téléphone du service de communication de son administration.

L’autorisation nous est donnée d’approcher le hangar qui sert d’abattoir.

En arrivant devant le lieu lui-même, c’est d’abord l’odeur, qui frappe. Un mélange musqué de sang et d’excréments qui prend à la gorge.

Je remarque, immédiatement, la grande présence d’enfants en bas âge amenés par leurs parents assister aux égorgements. À côté de moi, un garçon sanglote, choqué par le spectacle ; il ne doit pas avoir plus de cinq ans.

C’est alors qu’arrive Alain de Peretti, vétérinaire en retraite et président de l’association Vigilance halal. Spécialiste de la question et militant de la cause animale, il vient observer le processus d’abattage jusqu’à la mise en sac de la carcasse. Secouant la tête, il déplore les innombrables manquements aux lois.

« Rien n’est fait dans les règles », soupire-t-il. « Un abattoir, fût-il temporaire, comme celui-ci, relève de la réglementation Seveso, à cause des risques sanitaires. Normalement, un tel site doit être interdit au public. » Il pointe du doigt un homme d’âge mûr qui emmène son mouton dans un sac. « Vous voyez, continue-t-il, il s’agit d’une carcasse chaude, enlevée immédiatement après l’abattage ; c’est également interdit ; pour des raisons de sécurité sanitaire, toute carcasse doit normalement passer vingt-quatre heures au moins au frigo. La méthode même de l’égorgement, outre le fait qu’elle soit pratiquée sans étourdissement, est dangereuse en elle-même pour la santé, puisque les artères, la trachée et l’oesophage sont tranchés en même temps, ce qui multiplie les risques de contamination ». Il énumère une liste d’agents infectieux, microbes, prions, staphylocoques, et bien d’autres, que les allées et venues permanentes ne peuvent que disséminer dans l’environnement.

Aïd el Kebir Cuers 2015

Un peu avant onze heures, deux hommes en civil s’approchent de nous ; il s’agit de policiers qui, très courtoisement, nous demandent ce que nous faisons sur les lieux. Satisfaits des réponses qu’on leur donne, ils s’éloignent.

Alain de Peretti repart déjà vers sa voiture. Il a en main la liste des centres temporaires d’abattage, et a bien l’intention d’en visiter quelques uns sur la région. Je décide, avec sa permission, de le suivre, carnet en main.

Nous nous dirigeons vers le site de Lagoubran, à Toulon. Au fond d’un étroit chemin, une voiture de la police municipale en garde l’entrée. Si l’odeur est identique, l’ambiance est différente. Le propriétaire des lieux, commerçant musulman, est sur ses gardes. Il refuse de nous laisser approcher l’abattoir, se retranchant derrière les services vétérinaires vers lesquels il nous renvoie. La discussion est presque houleuse, mais piqué au vif quand Alain de Peretti lui reproche un manque de transparence, il cède et nous escorte jusqu’aux boxes contenant les animaux. Ici, autant d’enfants, sinon plus, mais ils n’ont pas accès au lieu de l’abattage lui-même. Dans le public, l’atmosphère est festive, mais nous ne pourrons pas aller plus loin. Le responsable, sourire tendu aux lèvres, nous serre la main pour nous signifier la fin de l’entretien.

Le site d’abattage que nous avons visité à Cuers concentre toutes les irrégularités que l’on peut imaginer. Nous fumes certes bien reçus par le chef d’établissement qui se sent intouchable malgré l’horreur hygiénique qui atteint ici son paroxysme. Les clients se bousculent, enfants inclus, devant les vitres sales et cassées de la salle d’abattage. Les nuées de mouches nous assaillent, attirées par l’odeur fétide issue du sang et des défections. Une brouette pleine de ces déchets fait la navette entre la salle d’abattage et la zone d’épandage à l’extérieur. Le chef d’établissement fait venir le vétérinaire qui avalise ces conditions d’un autre monde. Un jeune homme arrive, tablier maculé de sang. Il avoue être complètement dépassé et impuissant. Il est vacataire, fait acte de présence, et ne veut pas d’ennui. Il est l’otage de ses hôtes. Le docteur-vétérinaire de Peretti énumère quelques unes des irrégularités qu’il a relevées, mais le représentant de la santé publique ne l’écoute que d’une oreille. L’autorité publique est bafouée, et il le reconnait. Lorsqu’on lui demande s’il relèvera toutes ces irrégularités dans son rapport, il dit franchement qu’il ne le fera pas. Son abandon cautionne le chef d’établissement et les multiples dérogations aux règles les plus élémentaires de sécurité sanitaire.  Il est à l’image de l’Administration qu’il représente.

Pour Alain de Peretti, il n’est nullement question de mettre en cause l’Aïd-el-Kébir, la « grande fête » musulmane, mais la manière dont se déroule l’abattage rituel . Mais répète-t-il une dernière fois : « Les microbes, eux, sont parfaitement laïcs et n’épargneront personne ».

Mathieu Gallifrey

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