Itinéraire de deux journalistes, condamnées pour avoir aidé des djihadistes

Deux journalistes ont été condamnées à de la prison avec sursis, vendredi 22 mars, pour des faits de «financement du terrorisme», et ont fait appel de cette décision. Sur Europe 1, le chroniqueur assure que la direction de la radio publique avait été «alertée» avant de collaborer avec l’une d’elle.

 

Deux poids, deux mesures ? Dans son édito hebdomadaire du lundi 25 mars, Philippe Val, ex-patron de France Inter désormais chroniqueur sur Europe 1, a pris pour cible son ancienne maison. A l’antenne, il ironise sur le décalage apparent, selon lui, entre une «présomption d’innocence» qu’il juge inexistante dans le cas de Jean-François Achilli, suspendu de l’antenne à titre conservatoire pour avoir collaboré au livre du président du RN, Jordan Bardella, et le cas d’une journaliste, «embauchée» par France Inter alors qu’elle «aurait des liens avec Daech».

Ce n’était ni vraiment un secret, ni une affaire publiquement débattue dans les rédactions. Édith Bouvier et Céline Martelet, journalistes indépendantes collaborant ou ayant collaboré à de nombreux médias (BFMTV, RMC, Mediapart, France Inter, Marianne, Politis ainsi qu’au Point), ont comparu fin janvier devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans les affaires de terrorisme, avec l’ex-avocat Bruno Vinay.

Les trois étaient accusés de financement du terrorisme (article 421-2-2 du Code pénal), délit puni d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison et 225 000 euros d’amende. Le 23 janvier, le procureur avait requis des amendes de plusieurs milliers d’euros ainsi que cinq ans avec sursis contre l’avocat, dix mois contre Édith Bouvier, 44 ans, et douze mois contre Céline Martelet, 44 ans, avec sursis dans leurs cas également. La cour a suivi ses réquisitions.

Dans le chaos de Mossoul

La toile de fond du dossier est la fin de la bataille de Mossoul, en Irak, en 2017. Des Français partis se battre du côté de l’organisation État islamique se retrouvent coincés dans les dernières poches de résistance du califat, assaillies par les troupes régulières irakiennes. Me Vinay tente d’exfiltrer Maximilien Thibaut, un converti, membre du groupe nantais islamiste Forsane Alizza, ainsi que son épouse Mélina Boughedir et leurs quatre enfants.

Édith Bouvier a échappé de peu à la mort en Syrie en 2012. Avec Céline Martelet, elle a signé un livre intitulé Un parfum de djihad en 2018 chez Plon, consacré au parcours des épouses de djihadistes. Dans cet ouvrage, elles citent une certaine « Marni », dont le profil correspond en tout point à celui de Mélina Boughedir : « une Française ayant en octobre 2015 suivi son mari », qui a « vécu avec ses quatre enfants les dernières heures de l’État islamique à Mossoul ». Les autrices racontent que la jeune femme et ses enfants sont débusqués dans leur cachette par des soldats de la brigade de contre-terrorisme irakien. « Pour les délivrer ? Pour les achever ? » Probablement moyennant finance (mais le livre ne le dit pas !), tout s’arrange. « Rapidement, ils lui apportent à boire et à manger. Son cauchemar est terminé. » Maximilien Thibaut n’a jamais été retrouvé. Il est considéré comme mort au combat.

Une affaire vite ébruitée

« C’est l’histoire d’une perte de repères et d’un dévoiement », a résumé le procureur Benjamin Chambre dans son réquisitoire. « Les protagonistes, flattés de disposer d’une certaine lumière médiatique, aveuglés par les liens affectifs qu’ils ont ou pensent avoir avec les jeunes sur zone, perdent toute distance, toute lucidité. »

L’affaire s’était rapidement ébruitée. Début 2019, Bruno Vinay avait été suspendu par l’ordre des avocats de Paris, à la demande des juges d’instruction. Mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, il pouvait difficilement plaider. Il a quitté la profession.

Il n’existe pas d’ordre des journalistes. Aucune sanction disciplinaire n’a été prise contre les deux enquêtrices, qui ont continué à travailler. En juin 2018, Édith Bouvier a couvert le procès de Mélina Boughedir à Bagdad pour le journal suisse Le Temps. Elle avait visiblement un accès privilégié à l’accusée, par l’intermédiaire de ses avocats. En 2019, elle couvrait un autre procès de djihadistes à Bagdad, pour Le Point.

Mélina Boughedir a été condamnée à 20 ans de réclusion. Ce n’était pas une jeune fille égarée et encore moins une pure idéaliste. Selon l’Associated Press américaine, citant des sources irakiennes, Mélina Boughedir faisait partie de la police des mœurs des islamistes, chargée de veiller à ce que pas une mèche de cheveux ne dépasse.

Simultanément, des jeunes femmes étaient réduites à l’état d’esclaves sexuelles, dans l’indifférence générale. « Dans la guerre civile à laquelle les Françaises ont participé », écrivent Édith Bouvier et Céline Martelet, « les femmes yézidies ont vécu un calvaire, littéralement réduites en esclavage », y compris à Mossoul, où elles ont été « violées, maltraitées, affamées ». « Étrangement », ajoutent-elles, aucune des Françaises « que nous avons interrogées sur les esclaves sexuelles n’a répondu à nos questions… »

Mélina Boughedir, une mère et une fanatique

Les deux journalistes ne cachent pas qu’elles étaient favorables au rapatriement des femmes djihadistes françaises. Par ailleurs remarquablement renseignées, elles entendaient contribuer au retour d’une fanatique qui, de leur propre aveu, leur avait davantage parlé de recettes de cuisine que de politique. À aucun moment « nous n’avons donné notre avis, porté de jugement moral », se défendent-elles, « parce que notre objectif était plus prosaïque : écouter et retranscrire, tenter de ne pas nous impliquer ». Sur ce dernier point, le moins que l’on puisse dire est que la feuille de route n’a pas été respectée.

Elles ont commis une faute, mais il est absurde de dire qu’elles ont financé DaechEric Botherel, député Renaissance des Côtes-d’Armor, expert en terrorisme

Devant le tribunal correctionnel, les deux accusées ont convenu qu’elles étaient sorties de leur rôle de journaliste, mais elles contestent tout crime. « Elles ont commis une faute, mais il est absurde de dire qu’elles ont financé Daech », les défend le député Renaissance Éric Bothorel. « Je connais bien Céline Martelet, son engagement contre le terrorisme ne fait aucun doute. »

Au bénéfice du doute, fortes de leur connaissance du terrain, les deux intéressées ont continué à publier. Le dernier article de Céline Martelet sur Mediapart date du 11 mars 2024. Édith Bouvier a signé dans Marianne jusqu’en avril 2023. « Quand nous avons appris sa mise en cause judiciaire, nous avons cessé cette collaboration. Nous ne travaillons plus avec elle », fait savoir l’hebdomadaire. Dès le lundi 25 mars, France Inter a retiré de ses podcasts un numéro de l’émission Interception réalisé par Céline Martelet, en raison de sa condamnation. Par l’intermédiaire de leur avocate, Me Marie Dosé, elles ont annoncé leur intention de faire appel. « À leur place, commente un bon connaisseur de la jurisprudence en matière de terrorisme, je réfléchirais. En première instance, elles s’en sont relativement bien tirées. »

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Franck DEBANNER

Mouais, y a-t-il encore des patriotes et des Juifs, qui écoutent la voix officielle de la propagande nazislamiste en francekipu ?

Si on croise une des déjections propagandistes qui y sévit, il faut la traiter comme elle le mérite.

Daniel

La justice mur des cons est très clémente avec ces ordures!