Le 30 novembre dernier, Charlie Hebdo fêtait ses 25 ans dans une salle de l’Est parisien dont l’adresse est tenue secrète – peut-être resservira-t-elle. Pour y accéder, il fallait, paraît-il, montrer patte blanche et pas qu’une fois.
Dans l’assemblée, il y avait autant de flics que de copains – il est vrai que les flics sont un peu devenus des copains : vivre les uns sur les autres, ça crée des liens, ou alors une affreuse sensation d’étouffement (et le plus souvent les deux).
L’ambiance était mêlée, comme elle l’est toujours depuis ce 7 janvier fatal, et comment ne le serait-elle pas quand les absents sont aussi présents que les présents ? Après quelques verres, beaucoup avaient certainement l’impression que Charb, Cabu ou Wolinski allaient débouler, un verre à la main, une blague aux lèvres.
Trois ans ? Trente ans !
Bien sûr, ces sacripants ne se sont pas montrés. Parmi ceux qu’on est bien obligés d’appeler des survivants, quelques-uns ont quitté le bateau plus ou moins fâchés.
Trois ans après le jour où 12 personnes furent assassinées et 11 autres blessées, dont quatre grièvement, par un diabolique duo d’islamistes, un journal de déconneurs et de gribouilleurs, comme disait Charb, qui se bagarre contre ses démons pour continuer à rigoler, doit vivre sous haute protection (qu’il finance en grande partie à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois).
La plupart des membres de la rédaction, mais aussi les anciens comme Philippe Val, sont accompagnés en permanence par deux anges gardiens, les plus exposés ayant « droit » à cinq ou six policiers et à une voiture blindée. Pour rencontrer un informateur, un vieux pote ou une maîtresse cachée, ou simplement pour flâner, il y a plus agréable. Fabrice Nicolino, Charlie canal historique, en parle évidemment mieux que je ne saurais le faire. En tout cas, ce n’est pas marrant d’être un symbole.