André Bercoff : Donald Trump ou l’ubérisation de la politique

FIGAROVOX/TRIBUNE – Donald Trump est arrivé en tête du «Super Mardi» chez les républicains. Ceux qui prétendent qu’il ne fait aucune proposition et se contente de démolir devraient faire l’inventaire de ses propositions, explique André Bercoff.


André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi est paru en octobre 2014 chez First.


Donald Trump est plus que jamais, après dix Etats conquis lors des primaires du Parti Républicain, l’auberge espagnole des fantasmes américains et – ce qui est encore plus amusant – européens. Tout se passe en effet comme si, depuis quelques semaines, c’est en France que l’on va voter en novembre, Trump ou Rubio, Hillary Clinton ou Bernie Sanders. Le jeu de rôles fonctionne à merveille: dans les médias chers aux bobos bisounours, Trump est au mieux, un national-populiste, au pire, un néo-nazi, un fasciste, pourvoyeur de solutions finales pour Mexicains et mahométans, fauteur de guerre mondiale si par malheur il arrivait à la Maison Blanche. Pour les sources plus libérales et conservatrices, c’est un homme d’affaires avisé qui peut effectivement, dans un domaine qui nous concerne au plus près, à savoir la politique étrangère, tirer les USA du marasme dans lequel les ont plongés Bush avec la guerre d’Irak et ses conséquences tragiques, Obama avec sa faiblesse chronique et le fait d’avoir mis son pays aux abonnés plus ou moins absents. Mais au-delà de la feuille de température, au-delà du show et du buzz permanents – à tout instant, il se passe quelque chose aux galeries Trump – il serait peut-être temps de faire l’inventaire des causes pour lesquelles celui qui était le plus décrié et le plus ridiculisé par tous les experts, commentateurs et spécialistes, a réussi, en quelques semaines, à faire la course en tête. Et pour le moment, à y demeurer.

Il faut d’abord écouter ce que disent des millions d’Américains, à chaque fois qu’on leur tend micros et caméras: «Il dit ce qu’on a envie de dire, mais nous, on n’a pas les moyens de le dire». «Il est multimilliardaire? Ça ne me gêne pas, bien au contraire. Ça prouve qu’il ne pourra être ni acheté ni vendu et ça lui donne la liberté de faire l’inventaire complet réel des maux dont nous souffrons. He tells it like it is».

En fait, Trump est l’exemple le plus intéressant, aujourd’hui, de l’ubérisation de la politique. Sa stratégie: la désintermédiation. Il a poussé très loin l’art de parler directement aux électeurs, en prenant en permanence l’initiative, en multipliant les effets d’annonces et les outrances calculées auxquelles les journalistes sont obligés de réagir. Il intervient en permanence sur Twitter, sur Facebook et sur Instagram, réseaux sociaux qui lui apportent 12 millions de suiveurs.

Pour ceux qui prétendent que Trump ne fait aucune proposition et se contente de démolir, il suffit d’aller sur Internet et de faire l’inventaire de ses propositions, afin de comprendre pourquoi l’establishment républicain et les conservateurs US le détestent: en fait, il reste à la foisbusinessman et négociateur, à condition que lui-même et son pays soient en position de force. Il affirme haut et fort qu’il ne laissera personne aux Etats-Unis sur le bas-côté de la route, qu’il supprimera les impôts pour chaque individu qui toucherait moins de 25 000 dollars par an, qu’il se battra à mort contre les délocalisations, qu’il obligera les fonds de pension et d’investissement à rapatrier les 2000 milliards de dollars qu’ils ont placés à l’étranger, en pure évasion fiscale. Mais en même temps, en bon Al Capone, il fera payer les pays qui demandent la protection américaine. Au-delà des caricatures et du cirque de la téléréalité et de la société du spectacle, c’est un pragmatique, un calculateur et un cynique qui défendra bec et ongles les intérêts de l’Amérique comme il défend ceux de son entreprise. Trump au pouvoir? Cauchemar pour les uns, espoir pour les autres. En tout état de cause, il ne messied pas qu’un outsider, un atypique, n’appartenant pas au petit creuset washingtonien, fasse aujourd’hui bouger les lignes.

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David Frederick

Trump, L’homme avec le bon chance!

tor

Enfin, l’homme que le monde libre attend. Que l’establishment de tous les pays bobos le déteste le rende plus intéressant encore.
C’est un pragmatique qui montrera le chemin aux gonadomalaciques européens