Covid : avec une crise hors de contrôle, l’Indonésie devient l’épicentre de l’épidémie mondiale

Débordé par le variant Delta, le quatrième pays le plus peuplé de la Terre recense plus de 50.000 nouveaux cas positifs par jour et un taux de mortalité supérieur à celui mesuré au pic de la récente crise indienne. Le gouvernement tente de mettre en place des restrictions partielles, mais n’a pas les moyens de geler la vie économique.

Après avoir cru, l’an dernier, comme les autres pays d’Asie du Sud-Est, qu’elle allait pouvoir échapper à la crise sanitaire mondiale, l’Indonésie se retrouve confrontée, depuis début juin, à une incontrôlable flambée de l’épidémie de Covid-19. Mercredi, le pays a officiellement enregistré 54.000 nouveaux cas positifs, dépassant ainsi les bilans enregistrés dans les autres grands pays frappés par le virus. Sur le territoire indien, cinq fois plus peuplé, les autorités ont recensé, le même jour, 39.000 nouvelles infections, quand le Brésil en identifiait 45.000.

Pour les épidémiologistes, les données officielles du gouvernement indonésien dissimulent une crise bien plus grave. Le pays de 270 millions d’habitants teste relativement peu (200.000 tests par jour), et essentiellement dans sa capitale Jakarta, à Bali et quelques grandes villes de l’île de Java. « Nous faisons probablement face à une gigantesque sous-évaluation », prévient l’épidémiologiste Dicky Budiman dans une note pour The Conversation.

Le chercheur rappelle que le taux de positivité national atteint désormais 27 %, ce qui signifie qu’un habitant sur quatre testé est porteur du virus. Il note qu’une étude sérologique réalisée à Jakarta vient de montrer que 44 % des 10 millions d’habitants de la capitale indonésienne étaient porteurs d’anticorps contre le Covid-19 au printemps dernier, avant même l’arrivée dans le pays du variant Delta. A l’époque, les données officielles estimaient que seuls 8 % des habitants de la mégapole avaient été infectés…

Alerte dans les hôpitaux

Partout dans le pays, les hôpitaux tirent la sonnette d’alarme, expliquant qu’ils sont sur le point d’être débordés par le nombre de malades et qu’ils commencent à manquer d’oxygène. Mardi, le ministre de la Santé, Budi Gunadi Sadikin, a expliqué, devant le Parlement, que 90.000 des 120.000 lits prévus pour les patients Covid étaient déjà occupés. « A l’échelle nationale, nous avons encore de la place. Le taux d’occupation est extrêmement élevé dans certaines provinces où le variant Delta est très fort », a-t-il détaillé.

Selon la plateforme Our World in Data, le taux de décès dans l’archipel atteint désormais 3,32 morts par million d’habitants. Ce qui est supérieur au taux de 3,04 mesuré au pic de la « grande » vague d’infections en Inde en mai.

Pas de mesures sanitaires drastiques

Pour l’instant, le président indonésien, Joko Widodo, n’a pas voulu recourir à un confinement strict et a préféré des restrictions ciblées dans les régions semblant les plus touchées. L’exécutif a limité la circulation entre les provinces, demandé la fermeture des centres commerciaux, la fin du service en salle dans les restaurants et appelé les entreprises à encourager le télétravail.

« Le gouvernement s’est montré réticent à recourir aux confinements car il craint l’impact sur l’économie, en particulier pour les dizaines de millions d’Indonésiens qui travaillent ou font du commerce dans le secteur informel et ne peuvent pas travailler à domicile », pointe l’analyste Ben Bland du Lowy Institute. « De ce fait, le message public du gouvernement a été très confus, avec une tendance de certains hauts fonctionnaires à minimiser les risques sanitaires de la pandémie. »

Très peu de personnes vaccinées

Face à la crise qui enfle, Jakarta promet maintenant d’accélérer sa campagne de vaccination, mais le pouvoir peine à sécuriser suffisamment de doses et à déployer son effort dans ses milliers d’îles. Pour l’instant, seuls 5,5 % des habitants ont été pleinement vaccinés, en grande partie avec la solution chinoise Sinovac dont l’efficacité face au variant Delta suscite des doutes importants.

« D’après mes calculs, les infections de Covid pourraient atteindre un pic fin juillet ou début août à 200.000 cas positifs par jour si les restrictions et le port du masque sont respectés », prévient Dicky Budiman. « Si ces restrictions sont inefficaces, on pourrait voir 400.000 nouvelles infections par jour », s’inquiète l’expert, qui redoute une crise très longue. « La pandémie a mis en évidence les faiblesses de l’Indonésie, depuis le système de santé sous-financé et trop sollicité jusqu’à la mauvaise coordination au sein du gouvernement central et entre le gouvernement central et les autorités locales », conclut Ben Bland.

Yann Rousseau (Correspondant à Tokyo)  www.lesechos.fr

Pour les épidémiologistes, les données officielles du gouvernement indonésien dissimulent une crise bien plus grave. (Ajeng Dinar Ulfiana/Reuters)

 

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