Confinement et temps d’écran: à la recherche du lien social

Ces temps de confinement, ce stress absolu, pour paraphraser Sonia Lupien, impose à chacun une contrainte gigantesque : l’absence du lien social, le vrai.

Contrairement au lien virtuel offert par les écrans, le lien « face à face », est porteur d’affect et constitue une condition vitale à notre équilibre psychique. Il active nos cinq sens et le cerveau nous en remercie quotidiennement. En contrepartie, nous priver de liens sociaux peut conduire à d’importants déficits.

Actuellement, on peut penser que le temps accordé aux écrans est en augmentation. Les recherches en cours et futures nous révéleront, en temps et lieux, l’ampleur des abus.

Par ailleurs, le regard inquiet des parents quant à un abus potentiel des écrans par leurs jeunes nous invite à rester vigilants. Globalement, les études démontrent que plus le nombre d’heures d’exposition augmente, plus il s’ensuit des problèmes de santé mentale.

Devant les écrans, l’exposition s’effectue en moyenne toutes les 12 minutes, 16 heures sur 24. Les adolescents y passent en moyenne plus de 7 heures par jour. Entre 2007 et 2017, le temps consacré aux écrans a triplé et ce, au détriment de sources multiples de centres d’intérêt/satisfaction. Avec les écrans, il n’y a pas de signal d’arrêt, c’est l’exposition continue : nous sommes sollicités toutes les 40 secondes.

Le prix de la solitude imposée

Au-delà des difficultés d’ordre physique que cela représente, force est de savoir que notre système immunitaire a ses propres limites. Ses manifestations psychosomatiques sont principalement le reflet de déséquilibres émotionnels et psychiques issus de l’isolement social.

Pour paraphraser Joyce McDougall dans son classique Théâtre du corps : « si on ne fait pas pleurer nos larmes, ces mêmes larmes qui ne s’expriment pas feront pleurer d’autres organes ». Sur le plan neurochimique, un cerveau cloîtré subit les mêmes effets qu’une privation de nourriture.

Les études réalisées sur des animaux de laboratoire ont montré qu’ils tendent à activer ces circuits de la motivation en mangeant davantage, voire en s’administrant des drogues si le dispositif expérimental le leur permet.

Le confinement va donc faire peser sur les personnes le risque de l’addiction. Dit autrement, lorsque l’isolement se prolonge, le système tend à s’émousser. La motivation s’étiole de façon générale, ce qui caractérise la dépression ou ce que le psychologue Martin Seligman a appelé la désespérance apprise.

Au Royaume Uni, il y a eu depuis un an le Ministère de la solitude. Le constat est clair, près 15 % des citoyens aînés, soit près de 8 millions de Britanniques n’avaient pas eu de contact social en personne durant plus d’un mois. Cette déshumanisation des liens produit des effets pervers mesurables et concrets qui affectent la santé mentale. Nous sommes des êtres principalement sociaux, ne l’oublions pas.

Certes, on peut apprivoiser la solitude par choix, néanmoins, nos observations cliniques en accompagnement privé et public, démontrent qu’une personne isolée a peu intérêt à modérer son mode abusif si elle ne donne pas un sens et une signification psychosociale à son existence.

Les besoins psychosociaux de reconnaissance et d’estime de soi se trouvent au cœur de la recherche de solutions, du lien social. Pour qui le ferais-je ? Qu’aurais-je comme avantage affectif et social si je m’investis dans cette démarche ? Serais-je reconnu(e) pour mes efforts ? Si oui, par qui ?

Plus concrètement, on peut dire que la détresse pour les personnes déjà vulnérables a tendance à s’accentuer car l’imprévisibilité des horizons, présents et futurs, occupe une place plus centrale dans le style de vie en question.

Ceux et celles ayant développé des centres d’intérêt et de satisfaction multiples pourront plus passer à travers cette période à risque alors que ceux préoccupés par la survie et des conditions socioéconomiques difficiles éprouveront plus de difficultés à garder cet équilibre de santé mentale. Ainsi comprise, la force des liens sociaux réels et non virtuels, joue un rôle prépondérant dans la réussite à traverser cette période très difficile, la résilience.

Existe-t-il à des pistes à considérer pour les jeunes et les moins jeunes dans leur relation aux écrans en temps de confinement ?

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Amnon SuissaAmnon Suissa, MABATIM.INFO
Université du Québec, Montréal

Pour plus de détails sur le temps d’écran, consulter le site www.pausetonecran.com

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