L’historien et traqueur de nazis, Serge Klarsfeld, à Saint-Julien-Chapteuil et au Chambon-sur-Lignon

Serge Klarsfeld garde un souvenir ému de la période où il fut réfugié en Haute-Loire. Il témoignait samedi lors d’une conférence au Chambon-sur-Lignon.
L’écrivain, historien et avocat de la cause des déportés en France Serge Klarsfeld a passé, samedi, une journée complète en Haute-Loire. « Sur les lieux de ma mémoire » explique-t-il. Accompagné de Beate son épouse, il s’est d’abord rendu à Saint-Julien-Chapteuil, où lui, l’enfant juif, s’est réfugié avec sa famille, de mars à octobre 1944.
Le point d’orgue de ce court séjour altiligérien avait lieu en fin de journée au temple du Chambon-sur-Lignon, où celui dont on a tant décrit le combat contre l’antisémitisme et la traque des nazis à laquelle il a consacré une partie de sa vie, animait une conférence devant plusieurs centaines de personnes.

« C’est à Saint-Julien-Chapteuil que s’est décidé notre engagement »
La conférence se tenait face au Lieu de mémoire, tout un symbole, et dont elle lançait la saison estivale. Elle était animée par un homme qui connaît bien Serge Klarsfeld, le directeur du Mémorial de la Shoah, Jacques Fredj.

Ce combat, Serge Klarsfeld l’a raconté au micro, durant une bonne heure. Un combat qu’il a mené avec celle pour qui il a eu un « coup de foudre », le 11 mai 1960, sur un quai de métro parisien, et qui allait devenir sa femme.
Lui est né en 1935 à Bucarest, en Roumanie. Elle, fille d’un combattant de la Wehrmacht, s’appelle Beate Künzel, elle est née en 1939 à Berlin. Beate s’illustrera en traitant de nazi le chancelier Kurt Georg Kiesinger en plein parlement allemand, puis le giflant en public lors d’un meeting à Berlin, geste qui lui valait de devenir le symbole de la jeune génération allemande.
Après la guerre, Serge Klarsfeld est revenu en 1967, à Saint-Julien-Chapteuil où séjournaient sa mère et plusieurs membres de la famille. « C’est ici que s’est décidé notre engagement. Au cours de cette journée, Beate et moi, avons écrit ensemble un article* qui un mois plus tard provoquera la révocation de Beate de l’Office franco-allemand pour la jeunesse. L’Allemagne s’était donnée un chancelier qui avait été directeur de la propagande radiophonique hitlérienne et cela n’avait choqué personne ».


Le couple n’aura de cesse de dénoncer la présence des nazis encore nombreux au pouvoir en Allemagne, vingt après la guerre. Grâce à Beate, engagée aux côtés de Willy Brandt, l’épuration des anciens nazis a eu lieu. Ce combat continuera pour lutter contre l’impunité des criminels nazis ayant opéré en France, pour en arriver notamment au procès de Klaus Barbie.
Serge Klarsfeld explique qu’il s’est engagé quant à lui en souvenir de son père, arrêté à Nice et déporté en octobre 1943, également « par fidélité à la mémoire de la Shoah et pour la sécurité de l’État d’Israël » ajoute-t-il.
Sauvé lui-même de la déportation en échappant à une rafle alors qu’il avait 8 ans, il n’a jamais oublié, ni le double fond du placard où il se tenait serré contre sa sœur aînée, ni plus tard la période vécue en Haute-Loire où là, il ne s’est jamais franchement senti menacé.
L’enfant allait enfin vivre une vie, presque normale, après des mois de traque, ballotté de meublés en chambres d’hôtels.

J’ai été très ému de me retrouver à Saint-Julien-Chapteuil devant la maison où j’ai vécu pendant quelques mois, mais aussi de revoir l’église.

Le conférencier raconte : « J’étais orthodoxe, et je me suis retrouvé élève auprès des frères des écoles chrétiennes, alors que ma sœur était chez les sœurs de Saint-Joseph. Pendant quelques mois nous avons eu la foi. Je voulais être enfant de cœur. Mais la foi je l’ai perdue, parce que mon père n’est pas revenu de déportation. J’ai rencontré des Justes à Nice mais aussi en Haute-Loire, non pas au Chambon-sur-Lignon, puisque nous nous trouvions en terre catholique, mais au Puy-en-Velay ».


Serge Klarsfeld veut en attester en extirpant de sa poche un document émanant de la préfecture et daté du 24 mars 1944. Dans ce questionnaire destiné aux réfugiés, le commissaire de police mentionne que Serge et les siens ne sont pas juifs. « Dès notre arrivée, des Français, des Ponots, nous ont protégés, alors qu’ils auraient pu facilement prouver que nous étions juifs » dit-il.

« Au Puy-en-Velay, nous avons été protégés »

Et de remarquer encore : « Si nous sommes dirigés vers la Haute-Loire, c’est parce qu’à Nice courait le bruit que le préfet au Puy était sensible au sort des juifs et que le colonel allemand qui dirigeait la ville ne s’intéressait pas à la question juive. Du reste, dans la ville, existait une synagogue et les Juifs ne se cachaient pas.
Les seuls juifs qui ont été arrêtés durant notre séjour, l’ont été sur incursion de la gestapo de Clermont-Ferrand ou de Saint-Étienne. Si les trois quarts des juifs de France ont survécu, c’est parce que de braves gens ont réagi, souvent nourris par la charité chrétienne et les valeurs républicaines reçues à l’école. Si le Chambon-sur-Lignon est connu dans le monde entier, il faut admettre que plus généralement, le peuple de France est un peuple de Justes ».
(*) Beate Klarsfeld, animée d’un fort sentiment nationaliste allemand, s’est fait connaître notamment en publiant Le sommeil trouble de l’Allemangne, paru en juillet 1967 dans le journal Combat.

Philippe Suc

Publié le 12/07/2021 à 18h09L’historien et traqueur de nazis Serge Klarsfeld garde un souvenir ému de la période où il fut réfugié en Haute-Loire. Il témoignait samedi, avec son épouse Béate, lors d’une conférence au temple du Chambon-sur-Lignon. Photo Philippe Suc © L’Eveil

Le Lieu de mémoire du Chambon-sur-Lignon lance sa saison estivale

Le lieu de mémoire du Chambon-sur-Lignon présente l’histoire du plateau et met en lumière la résistance civile, spirituelle et armée qui s’y exprima. Il organise une saison estivale.

Le Lieu de mémoire existe depuis 2013.

Au cours des mois de juillet et août, l’exposition intitulée « Les Justes et le sauvetage des juifs en Europe » se poursuit. Des visites guidées sont organisées les mardis et jeudis, à 10 h 30, du 13 juillet au 2 septembre (réservation conseillée). D’autres rendez-vous sont proposés.

Jeudi 15 juillet, 19 h 30. Maison des Bretchs, conférence (gratuite) « La montagne-refuge en 1941 », par l’historien François Boulet.

Dimanche 18 juillet, 20 h 30. Maison des Bretchs, spectacle « En fuite ! Confession d’une libraire » par Golem théâtre (entrée 7 €).

Jeudi 22 juillet, 18 h 30. Maison des Bretchs rencontre (gratuite), autour du livre de Valérie Perthuis-Porthelet « Vous n’aurez pas les enfants ».

Jeudi 29 juillet, 18 h 30. Maison des Bretchs, rencontre (gratuite) autour du livre de Muriel Rosenberg « Mais combien étaient-ils ? ».

Mardi 3 août, 18 h 30. Maison des Bretchs, « rencontre (gratuite) autour d’Éric Schwam » dans le cadre de l’exposition présente en mairie sur le généreux donateur.

Jeudi 5 août 18 h 30. Maison des Bretch, rencontre (gratuite) avec l’auteur Emmanuel Deun.

Vendredi 6 août, projection débat, 20 h 45. « Au cinéma scoop, Le silence des Justes.

Mardi 10 août. Marche de la mémoire, sur les pas de la résistance armée autour de Devesset (gratuit).

Jeudi 12 août, 20 h 45. Projection débat de La rivière des justes au Cinéma Scoop.
Jeudi 19 août. Conférence « Le Chambon et la fuite en Suisse » à la Maison des Bretchs (gratuit).

Jeudi 28 août, 18 h 30. Conférence sur Jacques Martin objecteur de conscience à la Maison des Bretchs (gratuit) .

Publié le 12/07/2021 à 18h09

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