Depuis la conquête et l’annexion par Israël de la partie Est de Jérusalem, les habitants arabes de la ville possèdent un statut particulier, celui d’Arabe de Jérusalem, qui leur permet d’accéder à la citoyenneté israélienne. Qui sont ces résidents arabes qui effectuent cette demande? Quelles sont leurs motivations et les difficultés rencontrées?

Quartier arabe de Silwan à Jérusalem. - Myriam Alster - Flash90

« Dès que l’on reparle de négociations, les habitants arabes de Jérusalem déposent des dossiers afin d’obtenir la citoyenneté israélienne »

Pour les Arabes de Jérusalem, être citoyen israélien n’est pas automatique, comme c’est le cas pour les Arabes israéliens descendants de ceux restés en Israël suite à la guerre israélo-arabe de 1948, mais ils ne sont pas non plus résidents d’un territoire conquis en 1967 et non-annexé comme les Arabes palestiniens de Judée et Samarie.

Ce statut particulier leur accorde la carte d’identité israélienne, sans la citoyenneté du pays, sur laquelle est inscrite leur nationalité arabe et la mention « Yeroushalayim mizrah » (Jérusalem Est), alors même qu’officiellement, pour Israël, la capitale du pays est une et indivisible. Ils bénéficient de la sécurité sociale (bitouah leoumi), de la mutuelle (koupat holim), du droit de vote aux élections municipales. Mais certains de ces Arabes de Jérusalem souhaitent devenir pleinement Israéliens, ce qui leur permettrait de troquer leur passeport jordanien pour un israélien et de voter aux élections legislatives.

Dans un cabinet d’avocats de la ville les demandes arrivent régulièrement

« C’est le paradoxe », nous explique Yaëlle, l’une des avocates traitant certains de ces dossiers. « Dès que l’on reparle de négociations, les habitants arabes de Jérusalem déposent des dossiers afin d’obtenir la citoyenneté israélienne. Le droit israélien autorise les habitants arabes de Jérusalem-Est à demander la citoyenneté israélienne », poursuit-elle, « mais dans la réalité c’est bien plus complexe, car d’une part les demandes se font très discrètement, et la plupart des amis et des proches de nos clients ne sont pas au courant de leurs démarches et d’autre part, les autorités israéliennes prennent tout leur temps afin de valider les dossiers. Il y a une sorte d’hypocrisie de la part des autorités qui, d’un côté offrent cette possibilité et de l’autre tentent de décourager la démarche. »

« Ma plus grande crainte était d’être renvoyé de l’autre côté »

Du côté palestinien, la pression sociale est également très importante sur les résidents arabes qui sont parfois partagés entre fidélité à leur identité palestinienne, la crainte d’être sous autorité palestinienne et un avenir plus stable en Israël car ils ont conscience qu’un meilleur avenir est possible pour eux et leurs enfants en devenant Israéliens.

Georges, 38 ans, est un Arabe chrétien ayant demandé et obtenu la nationalité israélienne. « La raison est simple, je suis marié avec une Allemande, et le passeport israélien me permet de voyager bien plus facilement avec elle en Allemagne. » Sa situation a pu se régulariser en un an et demi et dès l’obtention de la nationalité israélienne, il est parti vivre dans un quartier juif de la ville. Un cas « facile » selon son avocate, malgré le temps d’attente, car chaque dossier doit passer par le Shin-Bet, le service de renseignement intérieur, au moment où le ministère de l’Intérieur gère le dossier.

Pour Samir*, la situation fut différente. Il est chauffeur chez Egged, la première compagnie de bus d’Israël. « Ma plus grande crainte était d’être renvoyé de l’autre côté. »

« L’autre côté », ce sont dans les territoires sous administration de l’Autorité palestinienne. « Mes proches ont fait pression sur moi pour ne pas faire cette démarche, à cause de l’histoire du serment à Israël. » Les futurs citoyens israéliens doivent, en effet, prêter serment de loyauté à Israël. Son cas aurait pu être problématique, car des membres de sa famille ont été emprisonnés lors de la première Intifada et lui-même avait été arrêté à l’âge de 15 ans pour avoir jeté des pierres. Finalement, son dossier fut accepté au bout de 17 mois.

Quartier arabe de Shouafat à Jérsalem - Myriam ALSTER - FLASH90

Être renvoyée dans les territoires palestiniens était également la crainte de Lana, 25 ans, de Beit Hanina, dont le dossier traînait au ministère de l’Intérieur depuis an avant qu’elle décide finalement de contacter un avocat. Son souci était la maîtrise de la langue et afin de pouvoir pallier à cet handicap, elle a pris des cours d’hébreu donnés par un institut chrétien et a pu voir son dossier enfin validé.

Avoir un passé irréprochable et une maîtrise parfaite de la langue ne permet pas toujours d’accélérer le dossier auprès des autorités israéliennes. Naima*, la trentaine, musulmane, également de Beit Hanina, a mis quatre ans à obtenir la carte d’identité israélienne, malgré un profil idéal. En effet, elle est pharmacienne, sans passé trouble et parle couramment hébreu. « Ma famille m’a fortement déconseillée d’entreprendre la démarche, mais moi, je me suis toujours sentie 100% israélienne! Ils me disaient tous que je serai vue comme une traîtresse et que je ne me marierai jamais. »

Pour Mohammed*, 47 ans, vendeur de souvenirs à Jérusalem, sa crainte de ne pas voir son dossier passer au ministère de l’Intérieur l’a poussé à se présenter de lui-même auprès du Shin-Bet afin de collaborer avec les services de sécurité intérieure. « Israël est une démocratie, et c’est vrai que tout n’est pas facile quand on est arabe, mais vivre dans une démocratie, ça n’a pas de prix pour moi. »

« La position des autorités israéliennes est ambigüe, car ils sont coincés entre la loi israélienne qui accorde cette citoyenneté, et leur souci de maintenir une grande majorité juive à Jérusalem »

Ce sont surtout des hommes qui font la demande de citoyenneté car ils maîtrisent mieux l’hébreu, et des Chrétiens, pour qui, prêter serment de loyauté à Israël ne pose pas de souci moral. De plus, vivants moins souvent en famille, les hommes ont plus de facilités à fournir les documents constituant le dossier de demande, tel que les quittances de loyer, les preuves de paiements de la taxe locale, et autres justificatifs de domicile et ce, sans éveiller les soupçons de leurs proches.

Reflet d'un minaret sur le tramway traversant le quartier arabe de Shouafat à Jérusalem - Myriam Alster- FLASH90

« J’ai aussi l’impression, affirme l’avocate, que ce sont surtout des personnes issues d’un milieu socio-éducatif plus élevé, avec des enfants dans des écoles privées par exemple. Mais la position des autorités israéliennes est ambigüe, car ils sont coincés entre la loi israélienne qui accorde cette citoyenneté, et leur souci de maintenir une grande majorité juive à Jérusalem. C’est mon hypothèse, mais ça explique peut-être aussi la facilité avec laquelle les Chrétiens obtiennent la citoyenneté. Ils font moins d’enfants et ont souvent l’ambition de partir à l’étranger, que ce soit temporairement ou définitivement. » Peut-on parler de discrimination envers les musulmans? « Sur tous les cas que j’ai traités, tous mes dossiers ont finalement reçu la citoyenneté, ce qui représente 350 cas sur trois ans, sachant que je refuse les cas avec des casiers judiciaires trop lourds. »

Pour les musulmans, se rajoutent également les difficultés provoquées par les jalousies dans le quartier, expliquant en grande partie la discrétion autour de cette question. Ceux dont on apprend qu’ils ont obtenu la citoyenneté se retrouvent accusés d’être des « djassouss » (indic du Shin-Bet).

Le montant des honoraires d’avocat est aussi un élément essentiel d’obtention de cette citoyenneté, certains avocats pouvant prendre jusqu’à $9000, quelques cabinets d’avocats arabes ne travaillant que sur ces dossiers.

En ce qui concerne l’ampleur du phénomène, difficile d’obtenir des données fiables. Un article de Nir Hasson publié dans le supplément du Haaretz le 20 octobre 2012 donne un chiffre pour la décennie précédente de 3374 cas validés, sachant qu’en 2011 la population arabe de la ville était estimée à 295 000 individus.

*Afin de préserver la sécurité des témoins, les prénoms ont été modifiés.

Israel Tavor – ISRAPRESSE

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Armand

Moi je suis contre , nous n’avons pas besoin de créer une cinquième colonne , elle existe déjà .

Nous n’avons aucune garantie que leurs enfants ne se retournent pas contre nous .

C’est ce qui s’est passé en France .