« L’Éternel dit: « Que soit (yehi) la lumière (or) ».Et la lumière fut. L’Éternel vit que la lumière était bonne (tov) » ….

L’Eternel dit: « Qu’il y ait des luminaires (meorot) dans le firmament du ciel pour faire distinction (lehabdil) entre le jour et la nuit et ils serviront de signes (othot) pour les périodes, les mois et les années » (Gn, 1, 3 et 1, 14).

Les premiers chapitres du livre de la Genèse, du Sépher Beréchit, sont à n’en pas douter les plus difficiles à traduire et à interpréter de toute la Torah.

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Et pourtant, à n’en pas douter non plus, leur intelligibilité commande celle de la suite du récit biblique. Bien des mots et des concepts, nombre d’idées y apparaissent par la force des choses textuellement pour la première fois, à titre générique.

Ils n’ont pas de précédents qui permettraient d’en comprendre sur le champ le sens. Il faut donc s’avancer à la fois avec circonspection mais avec détermination. Ainsi en va t-il des deux versets précités.

La Création peut elle se concevoir sans lumière? Le récit biblique nous indique comment la lumière a été en somme le premier acte dans l’ordre de la Création. Premier non pas au sens chronologique (le Temps lui même n’a pas été encore créé) mais au sens méthodologique. Par ce premier acte générique l’Eternel met pour ainsi dire la Création en lumière, en la faisant décidément sortir d’un état d’obscurité, d’opacité, d’inintelligibilité archaïques.

Car il faut s’entendre sur ce que signifie le mot hébreu OR. Il ne désigne pas uniquement la lumière optique, celle que perçoit l’œil humain, pour la bonne raison que l’Humain lui non plus n’a pas encore été créé.

Ce que le mot OR signifie c’est que désormais La Création devient révélation. Bien sûr les intentions profondes du Créateur ne sont pas élucidables à leur source mais le sens de ses opérations créatrices (péôulot) le devient.

La Création de la lumière s’apparente de la sorte à un lever de rideau qui permettra de découvrir la scène avant que la pièce ne commence. Il ne s’agit que d’une image mais précisément les tous débuts du livre de la Genèse autorisent cette pédagogie, à condition qu’elle ne se prenne pas pour une fin en soi.

Reprenons la question: à ce stade de la Création de quelle lumière est-il fait mention? Essentiellement d’une lumière de l’esprit. La mise en lumière des commencements de l’Univers permettra d’en suivre les étapes à venir. Les kabbalistes différencient en effet ce qu’ils nomment la lumière matérielle, le OR gachmi, et la lumière intellectuelle, le OR sikhli. Même si la première est quasiment insubstantielle, elle n’en comporte pas moins une dimension matérielle et une vitesse de propagation. La lumière intellectuelle est esprit et seulement esprit. Elle advient aussitôt que désirée.

C’est ce qui rend particulièrement difficile la traduction de la formule « Yehi or – vayehi or ». Aucun espace, aucun instant, même infinitésimal ne sépare l’expression du désir émanant de l’Eternel et son aboutissement.

Grammaticalement parlant, nous sommes en présence d’un temps bien particulier de la conjugaison non pas même « le présent » mais si l’on peut dire « l’immédiat ». Que faut-il justement en comprendre?

Le premier élément créé correspond intimement avec la dilection du Créateur. En lui et par lui ne se manifeste aucun autre élément réfractaire, retardant. La Parole divine est réalisée aussitôt qu’énoncée et par là même la Création fait Un avec le Créateur sans jamais se confondre avec Lui puisqu’elle est dotée d’un nom propre. Les autres dimensions et fonctions de la lumière apparaîtront essentiellement au quatrième jour – le mot « jour (yom) » étant à entendre comme « phase ».

Ce sera d’abord la lumière optique, physique, réfractée (méorot) qui permet de discerner les objets en plein jour et d’en percevoir au moins la présence la nuit. Au demeurant cette lumière là n’est pas qu’optique. Elle est également intellectuelle (sikhli) puisqu’elle permet l’acte du discernement et de la conceptualisation (havdalaothot)).

Elle permet de se dégager de la confusion originelle que le récit biblique nomme tohou vavohou qui n’est pas à proprement parler un état chaotique mais un état où « tout est dans tout » sans que rien ne parvienne à y prendre forme et signification (tsoura).

C’est par le moyen de cette lumière là que la morphogenèse de la Création pourra se poursuivre jusqu’à celle de l’Humain (Haadam), le sixième jour.

                               Raphaël Draï zal, 15 octobre 2014

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