Où est le vrai bonheur ? Parachat Béhoukotaï. Réouven Carceles.

Celui qui multiplie les possessions, multiplie les soucis

Dans la Paracha de la semaine, la Parachat Béhoukotaï, la Torah nous dit : « Si dans mes statuts vous marchez et mes mitsvoth vous gardez, vous les faites, je donnerai vos pluies en leur temps, la terre donnera ses produits… Vous demeurerez en sécurité dans votre pays…etc » (Lévitique chap. 26, 3 à 9). Plus loin, il est écrit : « Et si vous ne m’écoutez pas…, alors… » (verset 14) et le texte cite ici, les 49 malédictions de la Paracha.

Notre Paracha parle ici de bénédictions et malédictions, si tu sers ton maître, tu reçois une récompense, sinon les malédictions vont s’abattre sur toi. Comment est-ce possible ? Nos Sages ont pourtant dit dans la Michna (kiddouchin 39b) : « il n’existe en ce monde aucune récompense », cela semble signifier tout simplement qu’en ce monde l’homme ne reçoit aucune récompense pour les mitsvot qu’il accomplit, puisque, comme on le sait, la récompense en est réservée pour le monde à venir. Alors comment comprendre cette contradiction, comment comprendre que notre Paracha est consacrée aux bénédictions et aux malédictions liées à nos actes ?

Il est bon de rappeler un des premiers moussar traité par le Rav Dessler dans son Mikhtav MéEliahou, qui analyse chaque classe sociale pour chercher dans laquelle peut se trouver le bonheur. A propos des riches, qui peuvent réaliser tous leurs rêves, et donner suite à toutes leurs envies par le biais de leur fortune matérielle, le maître propose que c’est sûrement chez eux que se trouve le bonheur, chez ces personnes très riches qui n’ont pas de problèmes annexes de santé ou autres, ils peuvent combler tous leurs besoins et doivent sûrement en tirer une grande satisfaction. Pourtant, explique Rav Dessler, il y a une terrible souffrance qui se cache ici, et les gens riches le confirmeront eux-même, l’argent n’a pas amélioré leur relation de couple, la richesse n’a pas développé les bonnes midot (traits de caractère), les femmes s’ennuient, leurs fils se rebellent, leurs filles se débauchent, pourquoi ? La Michna dans Pirké Avot (chap. 2, 7) nous dit : « celui qui multiplie les possessions, multiplie les soucis ». Pourtant, les Sages de la Torah nous ont donné le fil conducteur, puisque la Michna dit en toutes lettres : le monde créé par D. est un monde de bonheur, mais trois forces nous en expulsent : la jalousie, le désir et l’amour des honneurs, et c’est donc cela qu’on peut voir se développer le plus dans ces foyers et de façon générale.

Peut-être alors trouverons-nous le bonheur dans une autre classe sociale ? Mais nous nous apercevrons rapidement que pour pouvoir maintenir leur train de vie ils sont obligés de travailler extrêmement dur. Et qu’ils sont toujours en train de courir vers plus, moyennant des heures supplémentaires, vers toujours de nouvelles ambitions qu’ils n’atteindront pas, et le pire c’est que lorsqu’ils doivent arrêter de travailler, leur vie n’a plus de sens, car toutes leurs ambitions avaient été placées dans leurs activités professionnelles. Alors comme le dit Rav Dessler, D. aurait-il donc créé un monde si vaste pour que tous ses habitants n’y trouvent que souffrance ? Il doit bien exister un remède à cette plaie qui accable l’humanité entière. Nous avons déjà expliqué, que le Maître du monde a créé un monde plein de bonté, où chacun peut vivre un bonheur intense sans aucune comparaison bien sûr avec le monde futur qui est un monde aménagé pour la récompense, où le bonheur y est sans aucune comparaison avec ce monde-ci. Le problème est la michna que nous avons cité dans Pirke Avot (chap. 4,28) au nom de Rabi El’azar Hakapar, qui explique la source de nos soucis, liée à ces trois midot (la jalousie, les envies et les honneurs), qui rend notre vie amère. A ce titre, le Rav Wolbe explique que la véritable souffrance dans chaque épreuve de la vie est la solitude que nous ressentons dans notre situation. Tout le monde est d’accord pour admettre que ce monde matériel est très volatile, nous devons chasser ces mauvaises midots de notre cœur et atteindre la vraie fortune, c’est-à-dire se réjouir de son lot, en chassant de son cœur les désirs et les ambitions de ce monde. Mais sans ambition, il n’y a plus d’énergie ? Une vie sans ambition, sans élan, quel goût peut-elle bien avoir ?

Où est le vrai bonheur ?

Où est le vrai bonheur ? La Michna nous dit : tu mangeras du pain avec du sel et de l’eau que tu mesureras, tu dormiras à même le sol…c’est-à-dire qu’il n’existe pas en ce monde de bonheur matériel. Le seul bonheur qui existe est celui qu’on porte en soi, le bonheur spirituel. Une vie intérieure riche, elle seule, rend l’homme heureux. Mais comment est-ce possible ? Si telle est la définition du bonheur, alors revenons à notre question de départ : pourquoi dans notre Paracha, Hachem nous promet-il des bénédictions matérielles pour nous récompenser de notre étude et de nos mitsvots (la pluie, les récoltes, la paix etc…) ? Réponse : les bénédictions énoncées dans notre Paracha ne sont pas des récompenses. Comment comprendre cette notion ?

La Michna (Avot 4,2) nous dit : la récompense d’une mitsva est une mitsva, c’est-à-dire que l’accomplissement d’une mitsva entraîne une autre mitsva, c’est cela la récompense. Ce qu’Hachem nous promet, ce n’est pas de nous rendre heureux par des bénédictions matérielles car, en aucun cas la matière n’aurait le pouvoir de nous rendre heureux, ce qu’il nous promet ce sont des bénédictions matérielles (comme le précisent les versets ) mais qui nous permettront de continuer d’étudier la Torah et de pratiquer les mitsvot sans empêchement extérieur. Inversement, la plus grande punition que l’on puisse donner à un homme dans ce monde-ci, pour ses fautes ou son manque de mitsvot (comme le dit la Paracha), c’est de lui compliquer l’accès aux mitsvot ! Comme le disent nos Sages : « la récompense d’une mitsva est la mitsva, le salaire d’une avéra est une avéra » ! Viendront alors les 49 malédictions sous diverses formes et rendront l’accès aux mitsvot et à la téchouva difficile.

Le Rambam a déjà exposé la question dans Hilkhot Techouva (chap. 9), que la seule et unique raison d’être des biens matériels, que la Torah estime bon pour l’homme, est le service de la sainteté, c’est-à-dire, une aide nécessaire pour avoir la possibilité d’accomplir une nouvelle mitsva. C’est aussi ce que nous dit la Guemara (Ketoubot 104a) au sujet des derniers instants de la vie de Rabbi Yehouda ha-Nassi, qui seul de tous les Tanaim et Amoraim, fut appelé Rabbeinou hakadoch. Il était un homme extrêmement riche. Mais la vérité est qu’au degré de sainteté auquel il était parvenu, il percevait clairement que la seule raison d’être de toute chose créée est la sanctification du nom de D., c’est-à-dire, l’accomplissement des mitsvot. Toute la richesse que D. lui avait donnée était destinée à être mise au service de la spiritualité, il a pris de ce monde uniquement ce qui lui était indispensable, sans aucun autre désir, aucune autre volonté, et avant de quitter ce monde, il tendit les deux mains vers le ciel en disant : « Maître de l’univers, tu sais bien que j’ai mis tout l’effort de mes dix doigts dans la Torah et que je n’ai jamais joui de ce monde, fût-ce de l’étendu de mon petit doigt ».

C’est cela la meilleure bénédiction, être séparé de tout problème afin de pouvoir réaliser une autre mitsva, car c’est seulement dans le monde futur que nous percevrons le salaire véritable. Ceux qui ont investi toute leur force, tous leurs désirs et ambitions dans la Torah, eux savent où est le vrai bonheur, et qu’il est vraiment de ce monde. Mais seulement quand nos aspirations trouvent leur accomplissement sans causer de détriment à autrui et sans faire intervenir la jalousie ou la poursuite des honneurs, c’est cela le vrai bonheur.

Où est le vrai bonheur ? Parachat Béhoukotaï. Réouven Carceles.

Réouven Carceles

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