La force du dernier livre de Pierre-André Taguieff, Du Diable en politique (CNRS éditions, 2014) tient au fait qu’il donne les éléments décisifs d’une analyse sociopolitique incontournable de la situation idéologico-politique française actuelle; non seulement du point de vue de l’observation et l’explication des traits idéologiques du courant dominant actuel qui diabolise tout ce qui n’est pas lui par les deux anathèmes célèbres de la « lepénisation des esprits » et de la « droitisation » qui en découlerait, mais, surtout, Pierre-André Taguieff saisit finement le pourtour et l’infrastructure de leurs vecteurs individuels et collectifs qui en font à la fois leur marque de fabrique et les moyens symboliques de légitimer leur existence sociale sécurisée financièrement par l’argent public pour la majorité d’entre-eux.

Ainsi, et pour la plupart, issus des couches intellectuelles de la techno-structure des sociétés industrielles avancées à régime dit « démocratique » et qui ont été endoctrinées depuis le Congrès de Tours, il s’avère que la dégénérescence du mouvement communiste effondré en 1989 duquel ils ont été forgés, loin de remettre en cause leurs fondements idéologiques (aucune critique solide n’émerge de leurs rangs tentant d’expliquer cet effondrement) a au contraire accentué leur effort de s’emparer de la société dans son entier, jusque dans son intimité, comme le formulait Claude Lefort dans son livre/Testament, La Complication (1999, p.73).

Dans ces conditions, il n’est guère étonnant qu’ils aillent non seulement jusqu’à construire un simulacre de réalité, village Potemkine, leur permettant de classer à « l’extrême droite » tous ceux qui voient pourtant clairs dans leur jeu de plus en plus totalitaire comme l’a bien vu Claude Lefort, mais, surtout, ils empêchent tout débat ; le moindre mot n’appartenant pas à leur syntaxe est par exemple immédiatement intégré dans un processus léniniste d’analyse de texte qui classe à droite si le mot employé est rejeté par le filtre dominant.

Plus encore, il suffit de poser la question « Quid de l’effondrement communiste ? » pour être automatiquement diabolisé comme étant celui qui ne croit même pas en l’idée du communisme comme l’a affirmé récemment leur nouveau guru Badiou, malgré la tentative d’un Daniel Bensaïd, l’un des leurs pourtant, a admettre la légitimité d’une telle interrogation.

Mais la tendance complotiste est dominante, en particulier celle qui se pare de scientificité en dominant l »Université française et ses principales revues, et qui bien entendu ne va pas par exemple officiellement déclarer que le 11 septembre est un complot militaro-industriel américano-sioniste mais qui va laisser sous-entendre que Ben Laden n’est qu’un « produit du Système » comme l’énonçait Derrida dans son livre conjoint fait avec Habermas (« Le Concept du 11 Septembre », je l’étudie dans La Philosophie cannibale).

Dans ces conditions, le débat, démocratique, ne peut même pas avoir lieu. C’est le triomphe de la conception léniniste/trotskiste contre celle de Rosa Luxembourg qui au moins admettait que la liberté d’expression était non seulement un acquis bourgeois mais progressiste et donc émancipateur. Il est vrai que Luxembourg restait marxienne alors que Lénine/trostski ont théorisé la Terreur robespierriste (par exemple dans Leur morale et la nôtre).

Comme le disait Raymond Aron dans L’Opium des intellectuels, « la plupart des intellectuels de gauche ont quitté le marxisme pour le stalinisme « …Il aurait pu dire le léninisme afin de ne pas faire de Staline un être venu de nulle part.

Lorsque par exemple Pierre-André Taguieff s’était essayé à critiquer sur son compte Facebook le simplisme d’un Hessel qui en venait dans son célèbre pamphlet à consacrer les 3/4 de celui-ci à une critique acerbe d’Israël, considérant même, dans un interview, l’occupation de celui-ci comme étant encore plus oppressante que l’occupation nazie, l’analyse critique de Taguieff fut immédiatement dénoncée comme faisant partie de cette « droitisation » décriée qui a aussi comme nom le « sionisme » affilié par ce courant à « racisme » et à « extrême droite ».

C’est que ce courant post stalinien ou néoléniniste (ainsi Derrida se réclamait non seulement d’un retour à Lénine comme Althusser mais appelait à « aller plus loin », par exemple dans  » Positions ») aborde le monde avec des idées slogans qu’il considère non seulement comme des vérités scientifiques mais mieux encore comme étant les lois de la pensée elle-même (conformément à la doctrine hégélienne telle qu’elle a été trafiquée détournée par Lénine): ainsi s’élever contre elles revient tout bonnement à basculer dans l’irrationnel, la « phobie » au mieux, l’animalité de l’immonde au pis celle du diable et de ses démons, bêtes sauvages qui « rôdent » (comme le montre longuement et avec précision Taguieff dans son livre, par exemple p.90) et qu’il s’agit de traquer sans se soucier de la véracité de leurs dires car même si ces bêtes « sauvages » disent que  » le ciel est bleu » elles le font par ruse, complot qu’il s’agit de dénoncer partout et surtout sans attendre un ordre centralisé.

Le discours totalitaire (car c’est de cela qu’il s’agit) provient d’un monde clos. Le propos de « l’autre », même s’il parle donc de ciel bleu (au lieu du « bleu du ciel »…) n’est qu’un indice de plus de la présence non pas de mon autre mais d’un autre, tout à fait étranger, c’est la « bête immonde » (renard enragé s’affairant dans le poulailler chasse gardée), c’est tout simplement « le » fascisme censé toujours « renaître » si l’on n’y prend pas garde en « l’écrasant dans l’oeuf » en pourchassant donc jusque dans les pensées les plus intimes tous ceux qui ont la prétention de souligner que, tout de même, 2+2 ne font pas 5 mais 4.

Sauf que cette affirmation sera la preuve par excellence du degré de contamination qui ne peut être empêchée que par l’extermination. À commencer dans les médias, l’Université, l’appareil d’État, outils organiques qu’ils s’approprient au nom du service public mobilisés pour cette lutte implacable contre l’hydre néo-libérale et sioniste », le tout avec toutes les nuances nécessaires pour ne pas effrayer le bobo ; discours soit dit en passant de plus en plus partagés par les réels fascistes qui n’en demandaient pas tant de voir ainsi leurs thèses complotistes classiques devenir le fondement doctrinal de tout le courant néo-léniniste. La seule différence, étant la caractéristique de cet autre honni.

Pour le courant néo-léniniste c’est bien sûr le bourgeois conservateur américano-sioniste, le patron spoliateur, tandis que l’immigré sera vu par essence comme le rédempteur, même s’il est seulement perçu comme un ventre qui accouchera d’enfants qu’il est désormais indécent d’avoir alors que la Terre se meurt (mais une exception sera faite pour les couples homosexuels).

Le fait que l’immigré veuille vivre dans sa propre culture, même si elle est incompatible avec les droits humains et stigmatise l’autochtone dit de « souche » ou le juif, cette contradiction sera écartée avec mépris insistant sur le nombre de générations qui lissera le tout alors que le contraire s’est en fait réalisé, du moins dans certains endroits ; et ce sont précisément ces hiatus dont s’empare le courant national-étatiste pour marquer une différence, quoique de plus en plus ténue (il n’a même pas manifesté contre le mariage homosexuel) avec le courant néo-léniniste tout aussi étatiste et anti-libéral que lui. Le courant national étatiste étant par exemple pro palestinien, dans sa grande majorité.

A vrai dire le néo-léniniste aura bien plus en ligne de mire quelqu’un qu’il ne peut pas décemment cataloguer de fasciste, comme Taguieff, parce que le masque démocrate du néoléniniste dit « antifasciste » aura de plus en plus de mal à cacher sa pratique totalitaire d’exclusion qui ne peut donc tolérer qu’on l’examine à son tour alors qu’il se veut le seul examinateur.

Taguieff, dans ce livre, montre bien que la caractéristique principale de ce courant pseudo anti-fasciste consiste à voir l’autre comme l’ennemi à abattre et non pas comme un adversaire à combattre dans le cadre régulé de la démocratie républicaine ou libérale, peu importe. Là est essentiel de la diabolisation, en son coeur même.

Par Lucien SA Oulahbib on 11/7/2014

Lire également :

Retour sur la construction d’une « Algérie » islamo-raciste

Le film/documentaire de Jean-Pierre Lledo, Algérie, histoires à ne pas dire paru en 2007 a été interdit dans ce pays et a eu toutes les peines du monde à être diffusé, pratiquement, sauf en DVD, bien qu’il ait eu de bonnes critiques, du moins en France ; on ne le verra cependant guère sur le service public français malgré une demande toute récente (d’où cette recension tardive). Et pour cause : au nom de l’islam, et non pas au nom de la lutte contre le « colonialisme » qui ne fut qu’un paravent, les témoins interrogés et filmés confirment bien qu’ils ont massacré des « non musulmans » (les « gwours » disent-ils) au nom du « djihad », égorgeant femmes et enfants par exemple à Philippeville en 1955 ou posant des bombes à Alger dans des cafés et bars populaires.

La justification ? Selon ces témoins encore en vie, et massacreurs de « non musulmans » comme ils disent dans ce film, il s’avère que pour certains ils avaient reçus « l’ordre » venu de leur dieu en général, du Caire en particulier, de Nasser plus spécifiquement dit un de ces témoins massacreurs -qui a même cru voir des avions militaires égyptiens venir le « remercier  » alors qu’il s’agissait d’avions français les mitraillant en représailles.

Pour d’autres massacreurs les « colons » ne leur avaient pas construits des « maisons en dur », comme si les descendants de forçats communards envoyés au bagne, d’Alsaciens fuyant l’ordre germanique après 1871, d’Italiens, d’Espagnols, de Maltais, qui venaient poser leur baluchon comme le font les immigrés d’aujourd’hui (certains descendants des massacreurs d’Oran, de Philippeville, d’Alger, des harkis) comme si tous ces gens, ordinaires, « normaux », avaient interdit aux autochtones de construire ce qu’ils voulaient.

D’autres encore, cette femme par exemple qui justifie d’avoir posé des bombes parce qu’il fallait semer la terreur ne remarque même pas qu’elle voulait tuer tout ce qui n’est pas elle, sa culture, ou la définition à l’état quasiment pur du racisme.

Voilà ce qui a été caché depuis des décennies et qui ne peut guère se justifier avec les inepties ordinaires d’une administration française incohérente. Ce n’est pas parce qu’il existait en effet dans certains endroits et milieux de la xénophobie et du racisme qu’il fallait détruire la source même qui a fait que certains, par exemple des Kabyles, ou des autochtones comme Lledo, aient cru que la lutte pour l’indépendance n’était qu’une lutte pour la pluralité démocratique que précisément certains Français de la Métropole refusaient depuis Sétif en 1945, autre coup fourré des islamo-nationalistes qui a permis aux ultras de l’autre bord de bourrer les urnes en 1947 croyant qu’une majorité d’autochtones aurait votée pour les extrémistes islamistes alors que rien n’était moins sûr…

Hélas ! les sartriens, puis les communistes après 1958, enfin aujourd’hui les Benjamin Stora et Cie (comme BHL) voire les Hocine Aït Hamed, fondateur kabyle du FLN et aussi du FFS, ont participé, participent encore, à ce mensonge de la construction d’une Algérie plurielle alors qu’elle s’est forgée sur l’illusion raciste d’éliminer tout non musulman ; ou alors il s’agissait de leur proposer un rang de sous citoyen comme il fut proposé aux juifs de revenir à leur position de dhimmitude exactement là où les avaient trouvé les Français en arrivant en 1830 (alors que les juifs sont là bien avant l’invasion arabo-musulmane du 7ème siècle, voilà le comble de l’histoire).

Il est en fait impossible, après avoir vu le documentaire de Jean-Pierre Lledo, de croire encore à cette fiction mettant en scène de méchants colons venus détruire une « Algérie » surpuissante en 1830 (alors que ce pays, sous la double férule turque et barbaresque, n’existait pas comme  » État Nation ») tandis que de gentils autochtones ne pensaient à rien d’autre qu’à vivre en paix (alors que les tribus étaient sans cesse en guerre les unes contre les autres, comme aujourd’hui à nouveau).

Qu’il y ait eu durant l’approfondissement de la présence française au fil du temps des exactions souvent liées à des actions militaires, cela ne sort en rien de l’ordinaire de la guerre, hélas, entre humains depuis le néolithique. Cela ne justifie pas de détruire des civils à partir de 1954 sous le seul prétexte qu’ils ne sont pas musulmans comme le justifient certains témoins massacreurs dans le film de Lledo.

Imaginons que des Français autochtones se lèvent en France pour massacrer tous ceux qui ne sont pas nés en France depuis 1830, cela ferait non seulement beaucoup de monde, mais, surtout cela apparaitrait à juste titre comme un crime contre l’humanité, un crime raciste passible des tribunaux.

Il est temps que le documentaire de Jean-Pierre Lledo devienne une pièce à conviction pour instruire un procès de ce type : un meurtre organisé de civils non musulmans a été effectué à grande échelle en « Algérie » sous le seul prétexte de leur origine ethnique et religieuse, ou sur le seul fait d’avoir choisi un camp qui n’était pas celui du djihad (par exemple les Harkis).

Il est loisible d’observer in fine que ces meurtriers ont été les instructeurs des meurtriers palestiniens à l’oeuvre depuis les années 70, et qui aujourd’hui envoient des roquettes sur des cibles civiles, tout en se cachant parmi leur propre population civile (et ce sont eux qui donnent les chiffres de tués à l’ONU qui s’empresse de les répandre) alors que cette population est, au fond, une population de colons, venus d’Arabie, bien moins légitime que ce retour des Hébreux sur leur terre ancestrale.

Comme c’est aussi le cas en Afrique du Nord soit dit en passant, ce qui est le côté cynique et tragique de l’Histoire : des colons arabo-musulmans ont imposé leur religion et leur présence par le cimeterre et des torrents de sang, et vont ensuite reprocher aux nouveaux envahisseurs ce qu’ils ont fait eux-mêmes alors que ces derniers, au fond, à la façon romaine, se sont à la longue adoucis et ont peu à peu ouvert une société qui se serait bonifiée à la longue si les ultras de tous bords n’avaient pas semé la zizanie ; si De Gaulle n’avait pas trahi la confiance des acteurs en décidant de rallier le camp du nationalisme arabe par haine anti-anglo-saxonne.

Il a en fait profité de la guerre de 67 pour cracher son venin anti-israélien (sur « le peuple dominateur ») ce qui avait enfin décillé les yeux d’un Raymond Aron pourtant militant de la première heure d’un abandon de l’Algérie à son sort malgré les critiques d’un Jacques Soustelle qui avait vu juste à l’époque, malgré ses errements politiques comme soutenir un coup d’État en France, alors qu’il aurait fallu se contenter de rester en Algérie, de renvoyer le contingent puisque le FLN était vaincu et d’organiser un référendum pour l’indépendance ; la majorité de la population autochtone ne voulait pas du FLN en réalité, et puis celui-ci aurait éclaté enfin entre islamistes nationalistes et progressistes partisans de l’Algérie plurielle ; mais avec l’aide de la passivité gaulliste les nationalistes assassineront les islamistes du MNA et aussi les progressistes (surtout berbères démocrates), montrant là leur anti-patriotisme et leur racisme totalitaire (manipulant des kabyles pour ces basses besognes puis les éliminant comme Krim Belkhacem).

Par la suite les islamistes prirent leur revanche, d’autant plus que les nationalistes à la Boumedienne s’étaient servis de l’islam pour arabiser une population composite.

Résultat : l’Algérie ressemble à cette fable de Fernand Renaud ou ce village qui n’a eu de cesse de critiquer « l’étranger », jusqu’à ce que celui-ci, las, décide de partir, or, il était le boulanger du village… « L’Algérie » a ainsi vidé une partie de son sang entre 1954 et 1962, et elle se trouve toujours sur un lit d’hôpital sous perfusion islamo-nationaliste, sans que cela ne s’arrange pour autant, malgré le métro à Alger, le pétrole coule à flots et les milliards de dollars dans les coffres, pendant ce temps, la population crève à petit feu, en consanguinité absolue désormais (toute seule, toute seule, avec ses kleenex dans ses draps verts blancs et surtout rouges froissés).

Lucien SA Oulahbib 12/7/2014

resiliencetv.fr Article original

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pseudodo

mon sentiment est que l’expression de la haine du juif (soit disant) colon par les arabo-musulmans est un écran de fumée qui vise à intimider les autochtones français sur le sol français; pendant ce temps ces mêmes arabo-musulmans forts d’un sentiment d’indignation légitimiste, investissent la France…

A la façon maghrébine, des femmes agitent leurs mains vers les yeux des français en leur disant : « ne voyez-vous pas qui sont les vrais victimes? »

Et les français aveuglé par les mains de ces femmes répondent sottement « oui oui allahou akbar mes amis… » et entonne à l’unisson des banlieues pourries « salaud de juif colon »

y a-t-il un nom que l’on puisse donner à ce syndrome?