Les dissensions intestines qui se  poursuivent  au sein du Fatah sont  aussi une raison de  l’échec du processus de paix  avec Israël.  Ce mouvement palestinien est bien connu pour sa longue histoire de divisions violentes entre les différentes fractions, accusant  l’une contre l’autre de corruption, de collaboration avec Israël et les Etats-Unis, et de trahison. 

 

* Le déchirement se caractérise  surtout entre « la vieille garde » du Fatah, celle qui a fondé le mouvement et qui s’est installée en Cisjordanie et dans la bande de Gaza  juste après la signature des accords d’Oslo, et la « jeune garde » la nouvelle génération qui n’a connu que la domination israélienne et a qui a conduit la lutte populaire dans le cadre de la première et la seconde Intifada.

 

Nous pouvons donc distinguer entre le mouvement dirigé par le Fatah et l’Autorité palestinienne sous Mahmoud Abbas, et le Tanzim dirigé par un groupe  identifié avec Marwan Barghouti. Abbas  représente le leadership  traditionnel  venant de Tunis avec Arafat tandis que Barghouti est celui qui a fondé la Shabiba – le  mouvement de jeunesse du Fatah en Cisjordanie et l’Union des étudiants de l’université  de Bir Zeit.

 

*  Les changements structurels qui sont en cours au sein du Fatah témoignent des efforts employés par des membres influents du mouvement  pour pouvoir jouer un  rôle plus important dans les décisions stratégiques, plutôt que de laisser Mahmoud Abbas agir tout seul. Leur succès pourrait apporter quelques  changements dans la politique du Fatah, en particulier sur l’attitude à prendre avec le gouvernement du Hamas et les relations avec Israël.



*  Le peuple palestinien et le leadership du Fatah reconnaissent l’importance  de Mahmoud Abbas et sa position favorable au sein de la communauté internationale. Ils savent parfaitement que sans lui leur situation aurait été infiniment plus difficile. Pourtant nombreux sont les contestataires au sein de la société palestinienne et ceux qui ne s’identifient pas avec leur dirigeant. 



L’échec des négociations directes entre Israël et l’Autorité palestinienne a provoqué un retour au  » ping-pong » de préjudices et de vieilles accusations rabâchées dans  l’arène médiatique.



Sur la base de ce jeu, Israël accuse les Palestiniens d’agir par mauvaise foi en évitant par tous les moyens des négociations directes, et cela en dépit d’une série  de décisions importantes que le gouvernement israélien a pris à leur égard dont :



1. Le gel des implantations pour neuf mois consécutifs et la volonté de  renouveler ce gel pour une période limitée.


2. La reconnaissance de la nécessité d’établir un Etat palestinien.


3. La volonté du gouvernement israélien pour aboutir à un compromis et  mettre fin au conflit.

De leur côté les Palestiniens affirment que :


1. Israël ne semble pas appliquer une politique très sérieuse. Il poursuit son ordre du  jour, contrairement aux déclarations publiques de Netanyahou. 


2. L’aile droite israélienne et les partenaires de la coalition du Premier ministre Netanyahou dévoilent  le « vrai visage » du gouvernement et ne permettent pas de véritables négociations.



Rappelons que le Fatah est un mouvement laïc, le plus important de la société palestinienne,  et il se déclare comme le représentant du « camp de la paix ». Pourtant, la dimension du mouvement et la vaste diversité de ses membres venus de différentes régions et milieux socio-économiques prouvent que rien ne peut les unir sous la tutelle d’un chef ou d’un idéal commun. Les divisions intestines sont toujours profondes et le cas de Mohammed Dahlan est éloquent. Suspect d’avoir tenté d’organiser une milice armée principalement dirigée contre Abbas. Dahlan  a été effectivement « exilé » depuis son fief  à Gaza juste après la prise du pouvoir du Hamas en 2007.



Rappelons que Dahlan a été le puissant chef du service de sécurité préventive (PSS) à Gaza sous la direction de Yasser Arafat. Dans le cadre de ses fonctions il a étroitement collaboré avec des officiers supérieurs israéliens et des représentants du gouvernement américain. Ses troupes ont reçu une formation de pointe du général américain Keith Dayton et ont été considérées comme une force puissante et influente.


Après l’effondrement du PSS et le transfert du contrôle de la sécurité au Hamas, l’ordre est retourné à Gaza. La plupart des milices armées ont été démunies de leurs armes, et leurs membres ne furent pas autorisés à circuler dans les rues de la ville en portant une arme. L’humiliation subie à Dahlan et ses troupes a bien stupéfait les Américains et les Européens.

Ces dernières années, Abbas a certes renforcé son statut de chef du Fatah et de l’Autorité palestinienne, mais sa position présidentielle ne l’a pas rendu inattaquable. Il ne bénéficie plus de l’admiration du Fatah et de la rue palestinienne. Il est parfois l’objet de rudes attaques personnelles et de critiques y compris contre son entourage et accusé de corruption.



En outre, son âge avancé  ne lui est pas favorable et il est considéré comme un leader n’ayant  plus d’avenir politique. Cette évidence rend difficile la prise de décisions sur les négociations avec Israël  aussi bien que sur ses relations avec le Hamas.


La faiblesse de Mahmoud Abbas a provoqué  le 14 février dernier la démission du gouvernement Fayyad. Ce dernier n’est pas non plus un membre du Fatah. Le remaniement ministériel effectué en faveur de l’aile intransigeante du parti  a ainsi durci les positions palestiniennes vis-à-vis Israël  et a redoublé les revendications  préalables sur le gel total des implantations. Le souci constant de Mahmoud Abbas d’obtenir le soutien de la Ligue arabe provient également de l’absence de soutien de ses propres rangs. Ses menaces de démission de la présidence pourraient entraîner le démantèlement de l’Autorité palestinienne et lui permettraient de continuer à diriger le Fatah et l’OLP sans avoir besoin de nouvelles élections qui d’ailleurs ne pourra gagner.



La démission de Saeb Erekat et la dissolution de l’équipe chargée  des négociations avec Israël provoquée par la fuite de « documents confidentiels » par Al Jazeera,  prouve également l’affaiblissement du statut de Mahmoud  Abbas et la carence de son leadership au sein du Fatah.

La série de crises et la dissolution interne du Fatah entravent considérablement le fonctionnement du mouvement et nuit à son image. Les succès d’Abbas sont indiscutables mais ne peuvent garantir la stabilité de son régime et l’unité du Fatah spécialement à la lumière de sa promesse de proclamer unilatéralement la création d’un Etat palestinien.



Dans les mois à venir, et si un Etat indépendant serait proclamé, Abbas aura à affronter des dossiers palestiniens internes et complexes. Si son projet et ses vœux ne seront pas exhaussés il devrait faire face à une tâche plus difficile et à des défis aussi bien internes qu’externes dont une bataille acharnée et probablement violente pour sa succession.

Dror Bar Yossef, Le Cape de Jerusalem

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