Ce sont les termes ambigüité et réserve qui qualifient le mieux le pontificat de Benoît XVI en ce qui concerne la relation de l’Eglise et des Juifs. On peut même parler d’un recul qualitatif, relativement à la démarche de son prédécesseur Jean Paul II.

Outre l’extraordinaire érudition et la ferveur indéniable du pape polonais, que même un anticlérical indécrottable de mon genre ne pouvait que respecter, Jean Paul II fut l’artisan de la réconciliation véritable entre les deux grandes religions.

La différence d’approche entre les deux souverains pontifes est visible partout. La visite de Joseph Ratzinger, l’an dernier en Israël, fut au mieux insipide. Voici comment la décrivit notre regretté camarade Laurent Murawiec dans son article « La Sainte Famille ? Vous voulez rire ! C’est à pleurer » :

« De ce voyage, on était en droit d’attendre autre chose. Ce qu’on a entendu est affligeant, et plus ».

Hier, avant de se rendre à la Grande Synagogue de Rome, lors de son homélie dominicale sur la Place Saint Pierre, Benoît XVI avait déclaré : « C’est une nouvelle étape sur le chemin de la concorde et de l’amitié entre catholiques et Juifs ».

Mais dans la même adresse, il souligna, avec tout autant de force, les « problèmes et difficultés » subsistant entre les deux religions.

Ambigüité !

On est loin du discours clair et compréhensible de Jean Paul II, le premier pape à se rendre dans une synagogue en près de 2 000 ans, en avril 1986, qui s’y adressa à ses « frères aînés bien-aimés ».

Même si le souverain pontife actuel a voulu placer sa visite dans la continuité de celle de son prédécesseur, c’est ce qu’il a affirmé à la Synagogue du Tibre, on ne peut qu’endosser la constatation émise par Giuseppe Lara, le président de l’Assemblé des rabbins d’Italie :

« Benoît a affaibli les relations entre catholiques et Juifs ».

La gêne, sinon le malaise, ne se limite pas à ces discours en demi-teinte prononcés par le pape, ni à sa comparaison hasardeuse, avancée sur le sol d’Israël, entre les Palestiniens et la Sainte famille.

Les Juifs lui reprochent sa décision d’avoir réintroduit une prière en latin appelant à leur conversion.

Ils n’ont guère apprécié non plus le rapprochement du Vatican en direction de l’évêque négationniste Richard Williamson.

En marge de la visite d’hier, le très diplomatique ambassadeur de l’Etat hébreu auprès du Saint-Siège a tout de même tenu à souligner que « l’antijudaïsme catholique existait encore ».

L’ambassadeur faisait peut-être allusion à l’appel lancé par le chef de l’Eglise catholique romaine, qui demandait, vendredi, aux experts de la doctrine au Vatican de hâter le rapprochement avec l’évêque Williamson.

Impossible pour un Israélite d’ignorer une démarche de ce genre, à l’actif d’une très haute personnalité du clergé, invitant à réhabiliter un évêque niant l’existence des chambres à gaz, dans lesquelles six millions des siens ont été assassinés.

C’est d’ailleurs autour du comportement de l’Eglise durant la période fasciste que se concentrent les différences les plus vives entre les Juifs et le pape. Plus précisément encore, elles se focalisent sur l’action de Pie XII lors de la Shoah.

Quinze rescapés des camps de la mort hitlériens avaient boycotté la visite de Joseph Ratzinger, ne supportant pas sa récente confirmation des « vertus héroïques » de Pie XII, le pape de la période du génocide. La citation de ces vertus exceptionnelles ouvrant la voie vers sa béatification.

Or l’action de Pie XII durant la Guerre reste plus que jamais controversée. Riccardo Pacifici, le président de la communauté israélite de Rome, lui a ainsi reproché de ne jamais avoir dénoncé publiquement l’Holocauste.

Pacifici a formulé sa pensée de la manière suivante : « Le silence de Pie XII face à la Shoah continue de faire mal, car quelque chose aurait dû être fait. Cela n’aurait peut-être pas arrêté les trains de la mort mais cela aurait constitué un signe, un mot d’extrême réconfort, de solidarité humaine, pour ceux de nos frères transportés vers les fours d’Auschwitz ».

Benoît XVI a répondu à ces critiques durant son intervention à la synagogue, rappelant que « Beaucoup, incluant des catholiques italiens, ont réagi avec courage, ouvrant leurs bras afin de porter assistance aux fugitifs juifs qui étaient poursuivis, gagnant ainsi une reconnaissance éternelle. Le Saint-Siège aussi a pourvu de l’assistance, souvent de façon cachée et discrète. ».

La Grande synagogue de Rome, sur les bords du Tibre

A vrai dire, l’action discrète de Pie XII en faveur des Juifs ne fait plus guère de doute d’un point de vue historique. L’universitaire et diplomate israélien Pinkhas Lapid a ainsi affirmé que « l’Eglise catholique, sous le pontificat de Pie XII, a joué un rôle décisif dans le sauvetage d’au moins 860 000 Juifs d’une mort certaine par les mains nazies ». Lapid ajoute que « ce chiffre dépasse largement celui des Juifs sauvés par toutes les autres églises et organisations de sauvetage combinées ».

Les auteurs John Loftus et Mark Aarons confirment ces informations dans leur ouvrage La guerre secrète contre les Juifs. On peut y lire que « Pie XII a probablement sauvé plus de Juifs que tous les alliés ensemble ».

Ces sources sont bien entendu cruciales dans la perception du rôle réel du pape durant le dernier conflit mondial, mais elles ne réduisent pas la blessure, restée béante, décrite par Riccardo Pacifici : le silence officiel du Vatican. L’absence du moindre signe de fraternité. D’un seul mot de réconfort, de solidarité humaine.

Même si le Vatican a sauvé des Israélites, et que c’est un fait indéniable, il a abandonné par son mutisme les survivants dans la pestiférence, la marginalité et l’excommunication de la race humaine, dans lesquelles les monstres nazis les avaient confinés.

Ce qui gêne également dans l’appréhension de cette terrible portion de l’Histoire, c’est le refus persistant du Saint-Siège d’ouvrir ses archives à la recherche et à l’étude.

Cette demande a été réitérée, mais en vain, par le président de la communauté israélite de Rome. L’opposition du Vatican laisse immanquablement penser, que, parallèlement aux actes de sauvetage admirables, il entend en dissimuler d’autres, qui furent moins reluisants.

Et puis, on aurait pu attendre du pape de la Guerre un geste de grandeur, à l’instar du roi Christian X du Danemark, qui sortit de son château à cheval, arborant l’étoile jaune à sa poitrine, lorsqu’il entendit que les Allemands se préparaient à envoyer ses sujets juifs à Auschwitz. Il en résultat qu’aucun israélite danois ne fut déporté.

Même ceux envoyés à Theresienstadt demeurèrent en vie jusqu’à leur libération, en 1945, grâce à la vigueur des protestations des autorités danoises. Et Christian X n’était pas le pape !

A Rome même, sous Benito Mussolini, la plus ancienne communauté israélite d’Europe – présente de façon continue et référencée depuis le troisième siècle avant J-C, des siècles donc avant l’avènement du christianisme et l’invention de la papauté – coula des jours relativement paisibles.

En 1938, les choses se détériorèrent, avec la promulgation du Manifeste de la Race, par le Duce, qui privait les citoyens juifs de leur nationalité italienne. Pie XII rédigea une lettre de protestation et s’en tint là.

Après l’éviction de Mussolini par le gouvernement fasciste et par le roi, suivie de son emprisonnement et de la reddition aux alliés de l’armée italienne, les Allemands envahirent Rome.

Environ 4 000 des 6 700 membres de la communauté romaine d’alors trouvèrent refuge dans divers couvents, 477 furent accueillis au Vatican, tandis que 1 015 Juifs furent envoyés dans les camps de la mort. Fort peu en revinrent vivants.

source metula news
http://www.menapress.com/

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