Une enquête a été ouverte à l’encontre de la directrice générale du FMI pour « complicité de faux » et « complicité de détournement de biens publics » dans l’affaire Tapie/Crédit Lyonnais. Et si le président était lui aussi impliqué dans cette affaire ?

Depuis que la Commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR) a décidé jeudi 4 août d’ouvrir sur elle une enquête pour « complicité de faux et de détournement de fonds publics », il y a une affaire Lagarde. Mais derrière, il y a une nouvelle affaire Sarkozy qui vient s’ajouter aux précédentes.

Lagarde : « Est-ce que vous croyez que j’ai une tête à être copine avec Bernard Tapie ? »

La meilleure défense de Christine Lagarde, dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais c’est cette phrase prononcée un jour de juillet 2008 : « Est-ce que vous croyez que j’ai une tête à être copine avec Bernard Tapie ? ». Sur ce point, elle avait évidemment raison. La grande bourgeoise Lagarde avec « Nanard », l’affairiste multicartes, ce serait le mariage de la carpe et du lapin. 

Mais elle ajoutait : « Est-ce que vous pensez que j’ai reçu des instructions pour le protéger ? ». Et là, la réponse est moins assurée. Tapie a utilisé tous les pouvoirs successifs et a été utilisé par eux, de Mitterrand à Sarkozy. Deux journalistes, Denis Demonpion du Point et Laurent Léger ont écrit un livre instructif sur les rapports de l’actuel président et de l’ancien patron d’Adidas, Tapie-Sarkozy, les clefs d’un scandale (Pygmalion), qui montre que Sarkozy n’est pas totalement étranger à sa bonne fortune et que dans cette affaire, si la procédure aboutit, Lagarde risque de prendre pour Sarkozy, comme autrefois Roussin et Juppé ont pris pour Chirac. Car les deux hommes se connaissent depuis très longtemps et Sarkozy, lui, a vraiment une tête à être copain avec Tapie : même volontarisme, même rentre-dedans, même attirance pour ce qui brille.

Claude Guéant : « une médiation entre les parties plutôt qu’une bataille judiciaire ».

Très vite, Tapie frappe à la porte de Bercy, occupé par Sarkozy. Claude Guéant confirme : « J’ai eu l’occasion de rencontrer Bernard Tapie. Le ministre de l’Économie de l’époque n’a jamais caché qu’il lui semblait judicieux d’engager une médiation entre les parties plutôt que de laisser se poursuivre une bataille judiciaire dont nous avions tout lieu de penser qu’elle serait sans doute plus coûteuse pour l’Etat. » Car une note du procureur général de Paris, assurait que dans le conflit entre le Crédit Lyonnais, représenté par le CDR, Tapie avait « de bonnes chances de perdre ce procès ». L’affaire, à ce moment là, n’aboutit pas. Arrive la présidentielle. Tapie appelle à voter pour le candidat Sarkozy. Il rêve de jouer un rôle dans ce nouveau dispositif. Entre les deux tours, il jubile, « donnant le sentiment que ses affaires iront mieux grâce à Nicolas Sarkozy ». Il l’entend même dire à propos du candidat arrivé en tête : « C’est un peu mon meilleur ami ».

« Le président assume sa relation avec Bernard Tapie »

Alors que l’affaire continue de traîner, Tapie rend des visites régulières à l’Elysée. Avec, cette fois, un résultat. Christine Lagarde, plutôt que de faire confiance à la justice de son pays, décide d’une autre procédure : le recours à un tribunal arbitral, une juridiction privée, chargée de trancher les litiges commerciaux par la recherche d’un compromis entre les parties. Ce tribunal a finalement condamné la structure publique gérant le passif du Crédit Lyonnais, à verser à Tapie 285 millions d’euros d’indemnités, soit 400 millions d’euros avec les intérêts. Interrogé par les auteurs du livre déjà cité, après ce fameux arbitrage, pour savoir si c’est Nicolas Sarkozy qui avait pris la décision, un « influent collaborateur » du chef de l’État a répondu : « J’imagine. Le président assume sa relation avec Bernard Tapie ».

45.000 euros pour une victime du cancer de l’amiante et 45 millions d’euros pour Tapie. Mille fois plus.

Or, en plus des 285 millions d’euros, ces arbitres lui accordent 45 millions au titre de « préjudice moral » ! Hommage de la vertu au vice ? La meilleure analyse de cette bizarrerie, on la doit à François Bayrou : « On donne 45 millions d’euros à Tapie pour préjudice moral ; et il suffit de regarder le pedigree de Tapie, comme on dit pour les chevaux, pour avoir une idée de ce que ‘moral’ en l’occurrence signifie. (…). J’ai regardé ce qu’on donne pour une victime du cancer de l’amiante (…) On donne 45.000 euros. La mort à son conjoint. Et pour Tapie, on donne 45 millions d’euros. Mille fois plus. Est-ce que ça ne vous donne pas envie de casser cette espèce d’injustice perpétuelle dans laquelle on vit. »

« C’est une question d’éthique personnelle. Un ministre de la République doit être au-dessus de tout soupçon. » (Alain Juppé)

Si elle est traduite, dans plusieurs années, devant la Cour de Justice de la République, elle risque, pour « complicité de faux » et « complicité de détournement de biens publics », dix ans de prison et 150.000 euros d’amende. En bon petit soldat, elle a laissé faire, faisant même du zèle puisqu’elle donné des instructions écrites, après que la sentence a été rendue, pour qu’aucun recours ne soit introduit contre cette décision de juridiction privée, alors même que plusieurs conseils consultés par l’Etat recommandaient vivement un tel recours contre cette sentence. 

Dans la première phase, elle aurait du, pour le moins, récuser un arbitre ayant déjà travaillé avec un des avocats de Tapie. On comprend mieux sa candidature-surprise au FMI : c’est pour fuir ce scandale, pour s’éloigner de Paris qu’elle a fait acte de candidature au FMI, pensant que, intronisée directrice générale du FMI, elle serait alors hors de portée de la justice française. Qui, à propos de Georges Tron, avait dit : « C’est une question d’éthique personnelle. Un ministre de la République doit être au-dessus de tout soupçon. » ? Alain Juppé.

Le Nouvel Observateur.com

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Affaire Lagarde/Tapie : « Le plus grand scandale de la Ve République » ?

La directrice du FMI a-t-elle détourné des fonds publics ? C’est ce que l’enquête, ouverte ce jeudi, devra déterminer. Christine Lagarde est soupçonnée de « complicité de faux » et de « complicité de détournement de fonds publics » dans l’affaire Tapie en 2008, alors qu’elle était ministre de l’Economie… Réactions et explications.

Ce jeudi, une enquête s’est ouverte sur Christine Lagarde. Le  procureur lui reproche le choix de l’arbitrage privé, dans l’affaire Tapie/Crédit Lyonnais, en 2008, alors qu’il s’agissait d’argent public.
L’ex-ministre de l’Economie, nommée en juillet à la tête du Fonds monétaire international FMI »>Article original, est mise en cause pour avoir abandonné la voie judiciaire en 2007 dans un litige concernant la revente d’Adidas en 1993.

Il lui est aussi reproché d’avoir renoncé à contester l’arbitrage privé attribuant 285 millions d’euros à Bernard Tapie en 2008 400 millions avec les intérêts »>Article original. A l’époque, les 2 parties adverses avait conclu un accord pour que l’indemnité ne dépasse pas 50 millions d’euros. Pourquoi a-t-elle été multipliée par 5 ? Y a-t-il eu usage d’un faux document ? C’est ce que devra déterminer l’enquête.

10 ans de prison et 150 000 euros d’amende

L’enquête, qui pourrait prendre des mois, voire des années, devra décider de la mise en examen de Christine Lagarde. Celle-ci risquerait alors 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende. En tant que présidente du FMI, Christine Lagarde ne bénéficie d’aucune immunité.

Convaincu d’un non-lieu, l’avocat de Christine Lagarde s’est dit confiant, certain que cette procédure judiciaire n’est  pas incompatible avec ses fonctions actuelles.

Le FMI a indiqué qu’il lui faisait confiance et qu’il était convaincu qu’elle pouvait efficacement remplir ses devoirs de Directrice générale.

« La responsabilité politique de Sarkozy est mise en cause »

La Cour de Justice avait repris le dossier de cette affaire à la demande de 9 députés socialistes en avril dernier. Elle ne soupçonnait à l’époque qu’un éventuel « abus d’autorité » passible de 5 ans de prison.

Jean-Marc Ayrault, chef des députés socialistes à l’Assemblée Nationale, fait partiejavascript:barre_raccourci(‘‘,’‘,document.getElementById(‘text_area’)) de ses députés qui avaient demandé l’ouverture d’une enquête. Selon lui, ce n’est pas Christine Lagarde qui devrait être entendue mais Nicolas Sarkozy : « La manière dont l’affaire Tapie a été réglée, c’était parce que Nicolas Sarkozy l’a décidé. On sait bien comment fonctionne ce gouvernement et ce pouvoir ; on en a maintenant l’habitude malheureusement. Pour faire un tel cadeau à monsieur Tapie, il fallait bien que l’instance la plus haute de l’Etat décide. Et c’est maintenant la responsabilité politique de Nicolas Sarkozy qui est mise en cause. Et maintenant il est temps de dire pourquoi on voulait faire ce cadeau de 300 millions d’euros à monsieur Tapie. Pourquoi une justice privée, au lieu d’une ordinaire, de tous les Français, et au bout du compte cet énorme cadeau financier payé par tous les contribuables ? ».

Jean-Marc Ayrault, qui précise par ailleurs que « la Cour des Comptes avait établi aussi des anomalies dans ce dossier ».

« Une fragilisation extrême pour sa fonction, pour le FMI et pour la France »

Pour François Bayrou, président du Modem, cette enquête a de graves conséquences pour l’image de la France : « C’est une fragilisation extrême pour sa fonction, pour le FMI – surtout après ce qu’on a vécu ndlr, l’affaire DSK »>Article original –, c’est une fragilisation pour la France. Selon moi, c’est le plus grand scandale de la Ve République. Il y a eu des faux, que la ministre de l’Economie ne pouvait pas ignorer et a même probablement été partie prenante dans les décisions prises ».

« Une bonne nouvelle pour l’UMP… » ?

Valérie Rosso Debord est déléguée générale adjointe de l’UMP et députée de Meurthe-et-Moselle. Que pense l’UMP de l’ouverture de cette enquête ? « C’est une bonne nouvelle, puisqu’elle permettra de faire toute la lumière sur cette affaire et de montrer qu’à aucun moment madame Lagarde n’a commis d’irrégularité ».

Amandine Dubiez

RMC.fr

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Davidex

« Justice à plusieurs vitesses ? »

Cette bonne blague !

On nous mène en vélo. Non seulement le plateau (de la balance) a plusieurs vitesses mais il comporte un dérailleur qui ne lésine pas sur les rapports. 40 fois plus, ça fait penser à Ali baba et…

Encore une chance que nos institutions collent au modèle… démocratique !

KM

Les 10 ans de prison ? Comme Juppé lors des détournements de fond du RPR, elle y échappera. Quand aux 150 000 € d’amende, pour le moment au FMI elle gagne près de 230 000 € mensuels. Une goutte d’eau ! Alors Justice à plusieurs vitesses ? Je rappelle qu’une femme qui a escroqué les assedic pour vivre et faire vivre ses enfants en a pris elle aussi pour 10 ans, mais ferme, et qu’elle est à ce jour toujours en prison.