Averti des agissements du Dr Hazout, jugé pour viols et agressions sexuelles, le Conseil de l’ordre des médecins de Paris a préféré fermer les yeux. »Vous n’avez pas l’impression que vous êtes passé complètement à côté? » La question de l’avocat général est claire, concise, glaciale. Philippe Biclet, ancien secrétaire général adjoint du Conseil de l’ordre des médecins de Paris, peine à y répondre.

Entre la première plainte d’une patiente du Dr Hazout et son interpellation, il s’est passé vingt ans.

Vingt ans durant lesquels, selon l’accusation, le gynécologue a violé et agressé sexuellement des patientes qui venaient le consulter. Des femmes infertiles, fragiles et vulnérables, qui mettaient tous leurs espoirs en lui pour réussir à tomber enceinte.

En 1988, un homme contacte le Conseil de l’ordre pour se plaindre des agissements du Dr Hazout envers son épouse. En 1990, un nouveau courrier est expédié : « J’ai été abusé », peut-on y lire. Bis repetita en février et en novembre 1996. Une femme se confie dans une lettre : « C’est un abus d’embrasser sur la bouche sa patiente, même si elle a un grand sourire, même si on a envie d’elle. »

Enfin, en juillet 1999, nouveau coup de téléphone d’un mari en colère. Pour le Conseil de l’ordre des médecins, la débâcle est totale. Pourquoi n’a-t-il pas agi ?

Aussi confuses soient-elles, les justifications fusent. Philippe Biclet, 64 ans, gastro-entérologue, prend la parole. Petit, l’air austère dans un costume marron foncé, le médecin s’exprime avec véhémence. Le verbe est précis. Derrière son témoignage, l’homme veut faire comprendre qu’il avait fait de la déontologie un des combats de sa vie. Elle seule peut parer les faiblesses humaines, explique-t-il. « Les médecins, par leur profession, sont amenés à voir des gens déshabillés », lâche le gastro-entérologue. « Il ne doit y avoir ni gêne pour le médecin ni gêne pour le patient.

Le respect du corps et de sa nudité est quelque chose qui me paraît fondamental, ajoute-t-il. Les médecins ne sont pas des saints, mais ce ne sont pas des misérables. Quand on reçoit quelqu’un de vulnérable, on a besoin, pardonnez-moi l’expression, d’être bien dans ses baskets. » Et Philippe Biclet de dresser un constat amer : « Si soi-même on n’est pas capable de se tenir, soit psychologiquement, soit physiquement, je pense qu’il faut se soigner ou changer de métier. »

Des déclarations de principes, aussi sincères soient-elles, qui ne suffiront pas à convaincre. Car si le Dr Hazout a pu continuer ses agissements, c’est bien parce que le Conseil de l’Ordre ne l’en a pas empêché.

Un naufrage pour le Conseil de l’Ordre


Plusieurs cas d’agression sexuelle par an

Et des dérives, des cas d’agression sexuelle ou de comportements déplacés, il y en a bien d’autres que ceux du Dr Hazout. Mardi matin, à l’audience, le secrétaire général du Conseil de l’ordre des médecins de Paris, Jean-Luc Thomas, en a reconnu « deux par an ». Philippe Biclet le contredit : « Je ne souscris pas au nombre très réduit d’affaires énoncé ce matin. Ou alors les choses se sont bien améliorées… » Des patientes dénonçant des attouchements de la part de leur psychiatre.

Un médecin qui se plaint qu’un autre médecin a une relation sentimentale avec sa femme. Un professeur d’anatomie qui organise des séances de « révision » avec une étudiante, le samedi dans son bureau. Un vieux médecin qui embrassait ses patientes sur le front pour prendre leur température.

Philippe Biclet a de nombreux exemples. « Il est vrai que, dans les années 1980, les plaintes pour attouchements sexuels déposées par les patients n’étaient pas toujours prises au sérieux », reconnaît-il finalement.

André Hazout, lui, sera convoqué le 30 août 1999, après une dernière doléance reçue par téléphone en juillet. C’est Philippe Biclet, responsable des plaintes au Conseil de l’ordre de Paris, qui le reçoit. Après un entretien, le médecin fait signer à Hazout un relevé de convocation.

« C’est la seule fois où un relevé de convocation a été établi de façon aussi précise », assure Philippe Biclet.

Il le met en garde contre des comportements déplacés. Et lui demande désormais de donner ses consultations en présence d’un tiers médical ou de la famille du patient. « Outre-Atlantique, cette présence est quasiment obligatoire », se justifie Philippe Biclet.

André Hazout, appelé à la barre, lui répond : « J’ai été étonné d’être convoqué pour un coup de téléphone anonyme. Et je me suis encore étonné qu’on me fasse prendre un engagement écrit. » Qu’importe, il n’en respectera aucun.

Le Conseil de l’ordre se défausse sur René Frydman

Mais pourquoi le dossier Hazout n’a-t-il pas atterri sur le bureau du conseil régional de l’ordre des médecins ? Pourquoi s’est-on contenté d’une simple « lettre d’admonestation » ? « Je ne sais pas si cette affaire a fait l’objet d’une discussion collégiale.

À mon sens, il y a dû en avoir une », avance Philippe Biclet, qui avoue à demi-mot : « Vu la très grosse clientèle du Dr Hazout, il y a des exercices qui présentent plus de risques que d’autres… » À la suite de la convocation d’André Hazout, aucun suivi n’a été fait. « Est-ce que j’ai assuré une vérification ? Non », lâche Philippe Biclet.

Avant d’ajouter : « Il y a eu carence, c’est clair (..), mais, je suis désolé de le dire, nous avions des difficultés à exercer nos missions.

Il était impossible de nous rendre dans les cabinets médicaux sans une ordonnance du tribunal. L’action et le pouvoir du Conseil de l’ordre n’étaient pas si importants que cela. »

Et le gastro-entérologue de mettre en cause le Dr René Frydman, au courant de certains comportements déplacés d’André Hazout : « Si nous avions été informés par quelqu’un de sa notoriété et de sa qualité, qu’il y avait quelqu’un dans son service aux comportements anormaux, nous aurions sévi. »

Embarrassé, éprouvé par l’interrogatoire, Philippe Biclet retourne s’asseoir sur son banc.

Ne le blâmons pas trop, chuchote, cynique, un avocat à la fin de l’audience. En vingt ans d’inaction, c’est lui et sa « lettre d’admonestation » qui sont allés le plus loin dans cette affaire.

Le Point.fr Article original

Procès Hazout : « Le désir de l’un l’a emporté sur la faiblesse de l’autre »

Devant la cour d’assises de Paris, l’avocat général a requis une peine d’emprisonnement de 12 ans contre l’ancien gynécologue, dont 10 incompressibles.

Douze ans de prison ferme, dont dix années incompressibles, et une interdiction d’exercer une activité médicale. Vendredi après-midi, André Hazout, comme à son habitude, n’a pas cillé en entendant les réquisitions du ministère public. Inexpressif depuis le début du procès, le gynécologue est jugé pour viols et agressions sexuelles de plusieurs de ses patientes devant la cour d’assises de Paris.

L’avocat général, Annie Grenier, a considéré qu’il s’était rendu coupable de toutes les infractions qu’on lui reprochait, les viols comme les agressions sexuelles, la différence entre les deux étant l’acte de pénétration. « André Hazout avait le sentiment de toute-puissance. Ses patientes, elles, étaient dans la fragilité. Le désir de l’un l’a emporté sur la faiblesse de l’autre », lâche Annie Grenier.

« Céder n’est jamais consentir, a plaidé Me Katz, avocat d’une plaignante. Il n’y a eu aucun préliminaire, juste une pénétration brutale qui a eu lieu juste après le don d’ovocyte. » « Une table gynécologique n’est pas le cocon amoureux le plus propice aux ébats (…)

En disant qu’elle était consentante, vous êtes allé, André Hazout, jusqu’au tréfonds de votre lâcheté. Vous croyiez que ce serait parole contre parole, cela a été votre parole contre cinq, dix, jusqu’à trente-cinq femmes.

Renforcées par leur nombre, elles se sont considérées renforcées dans leur crédibilité », a-t-il ajouté.

Des victimes en « état de sidération »

Pour Me Holleaux, avocat d’Amélie*, la première femme à avoir déposé plainte pour agression sexuelle, les débats se résument en trois questions. « Y a-t-il eu agression sexuelle ? Ma cliente était-elle vulnérable ? Le Dr Hazout a-t-il abusé de l’autorité que lui conféraient ses fonctions ? À ces trois questions, vous répondrez oui », a-t-il dit à destination des jurés.

« J’ai remarqué une chose, a poursuivi l’avocat. Pour tous les faits d’agression sexuelle ou de viol, il y a une concomitance entre les attaques du Dr Hazout et une très forte émotion.

Soit la patiente était très heureuse, car elle était enceinte. Soit elle était dévastée, car elle venait de faire une fausse couche. »

Selon l’avocat général, les victimes étaient comme « hypnotisées », tétanisées », « pétrifiées » devant les agissements du Dr Hazout. Mais jamais consentantes. « Elles étaient dans un état de sidération le plus total : il se passe quelque chose, mais on ne peut pas l’empêcher.

On est spectateur de ce qui se passe, explique-t-elle. À la manière d’un cerf qui s’apprêterait à se faire écraser par une voiture plein phares, mais qui ne bougerait pas. » Annie Grenier a également réfuté la thèse de la défense, selon laquelle une des plaignantes aurait confondu le pénis d’André Hazout avec une sonde endovaginale.

« Je m’adresse aux femmes. Quand on est sur la table d’examen d’un gynécologue, on a le bas du corps nu, les jambes dans les étriers, la tête d’un médecin à moins d’un mètre de nous.

On ne regarde pas ce que fait le gynécologue (…)

Mais on sait faire la différence entre une sonde rigide, dure et froide et le sexe d’un homme. » Tout comme « les femmes font la différence entre une palpation et une caresse », a-t-elle précisé.

Les excuses de l’ordre

Me Cédric Labrousse, représentant le conseil de l’Ordre des médecins, s’est, quant à lui, une nouvelle fois excusé. « Il y a eu un traitement catastrophique de cette affaire d’un point de vue déontologique.

Il n’y a pas eu de transmission des plaintes avant 2005, et la gestion du dossier a été acrobatique. L’Ordre aurait pu engager une action disciplinaire », a-t-il soutenu.

La lettre d’admonestation de Philippe Biclet, anciennement en charge des dossiers de plaintes à l’ordre, « partait certainement d’un bon sentiment.

Mais c’était bien naïf, car le Dr Hazout est incontrôlable, a ajouté l’avocat. Il est pris de pulsions et n’a respecté aucun de ses engagements (Cesser ses comportements anormaux et donner ses consultations en présence d’un tiers, NDLR) ».

Et Cédric Labrousse de conclure : « J’ai le sentiment d’un gâchis immense, d’un destin brisé. C’est un médecin qui a terni l’image de sa profession.

Le conseil de l’Ordre des médecins n’a su, pendant trop longtemps, ni entendre ni écouter. Il faut désormais rendre justice au combat exemplaire de ces femmes. »

Jeudi matin, la parole est à la défense, représentée par Me Francis Szpiner. Le délibéré devrait être rendu dans l’après-midi.

Dernière Minute

Procès Hazout : le gynécologue condamné à 8 ans de prison pour viols

Le Dr André Hazout a été condamné ce jeudi à huit ans de prison pour viols et agressions sexuelles sur six de ses patientes. La veille, une peine de douze ans de réclusion criminelle avait été requise aux assises de Paris à l’encontre du gynécologue de renom.

Avant le verdict, le spécialiste de la procréation médicalement assistée (PMA) avait imploré les juges de ne le condamner que pour les faits, qu’il a reconnus, et non «pour l’exemple». Il a également été condamné à une interdiction définitive d’exercer.

«Aujourd’hui, après trois semaines d’un long débat difficile, très dur, je réalise tout le mal que j’ai pu engendrer sans le vouloir, sans m’en rendre compte, et je veux demander pardon à ces femmes, à mon épouse et à mes pairs», a déclaré le Dr Hazout, 70 ans, avant que le jury ne se retire pour délibérer. Le gynécologue de renom assure avoir été «sincère» tout au long des débats. Ainsi, il a appelé les juges à distinguer «ce que je reconnais et ce que je ne reconnais pas».

« Je ne suis pas un violeur »

«Je ne suis pas un violeur, je n’ai jamais violé personne», a-t-il encore clamé devant les juges. «Si j’ai pu paraître maladroit, hautain, c’est parce que j’ai peur, j’ai peur depuis sept ans», depuis son interpellation. Cinq des six femmes qui l’accusent de les avoir violées s’étaient portées parties civiles au procès aux côtés du Conseil de l’ordre des médecins et du Collectif féministe contre le viol. Une trentaine d’autres patientes avaient porté plainte mais pour des faits prescrits.

Or selon l’avocat du médecin, Me Francis Szpiner, la «contrainte» ne peut en aucun cas résulter du seul pouvoir attribué au médecin. Ses patientes, qui suivaient un parcours de fécondation in vitro, «n’étaient pas si fragiles», selon lui : «Ce sont des guerrières, des combattantes, des femmes adultes avec un vrai projet, qui ne souffraient d’aucun problème susceptible d’altérer leur volonté», défendait-il, laissant entendre une forme de consentement des victimes.

La question centrale du consentement

L’une a reconnu être «tombée un peu amoureuse et a parlé d’un rapport consenti avant de se raviser», explique l’avocat. Une autre a expliqué qu’elle «savait qu’elle allait y passer parce qu’Hazout lui avait dit qu’il avait envie d’elle», une autre enfin s’était posée la question de son consentement.

«Mais un viol, ce n’est pas une question, c’est un fait hurlant», a lancé l’autre conseil du Dr Hazout, Me Caroline Toby.

La «frontière entre l’admiration» que les patientes avaient pour le gynécologue «et la séduction est fragile», renchérit Me Szpiner qui rappelle également que le médecin lui-même a pu se tromper sur la nature exacte des relations qu’il entretenait avec ses patientes.

Le Parisien.fr Article original

TAGS: Dr Hazout Viols Conseil de l’ordre Corporatisme France

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