Dans la cour des Invalides, en présence de la garde républicaine, étaient réunis jeudi d’anciens ministres – Bernard Kouchner, Jacques Toubon, Jack Lang -, le philosophe Bernard-Henri Lévy, l’écrivain Frédéric Beigbeder, le cinéaste Arnaud Desplechin, l’actrice Judith Magre, première épouse de Claude Lanzmann ainsi que sa veuve Dominique pour rendre hommage au « poète ».

La cérémonie était ouverte au public à la demande de la famille.

Bernard-Henri Lévy a ouvert à Paris l’hommage national à Claude Lanzmann, le réalisateur de « Shoah » décédé à 92 ans, saluant l’ »intellectuel engagé et querelleur », le « héros ».

« Lanzmann, comme Orphée, était un poète. Il était un poète sauvage dont les vers étaient des voies ferrées, des herbes folles, des forêts de bouleaux, des silences, des noms », a salué BHL dans son éloge funèbre prononcé dans la cour d’honneur de l’hôtel militaire des Invalides à Paris.

Visiblement ému, il l’a comparé à « Orphée » « qui a fait le voyage en enfer » et « a pris le risque extrême d’aller, sans se retourner, et non pas une, ni deux, mais maintes fois, chercher son Eurydice aux visages innombrables mais effacés », l’Euridyce « que lui était, par-delà les morts, le peuple juif ressuscité ».

« Chez ce Lanzmann orphique », « qui n’avait pas craint, naguère (…) de défendre sa patrie les armes à la main, il y avait vraiment l’idée que la force peut être juste et que le peuple juif se doit, lui aussi, d’être fort », a-t-il poursuivi.

« Avant le poète, il y eut, encore une fois le héros. Avant le grand intellectuel engagé et querelleur, il y a eu le jeune maquisard, bouillant d’intrépidité et de vie, frère d’armes des meilleurs de la France Libre », a salué l’intellectuel.

« C’est tout cela qui fait que Claude Lanzmann méritait que sa dépouille, avant d’aller rejoindre, au cimetière du Montparnasse, non loin de celle de Sartre et de Simone de Beauvoir (qui fut sa compagne, ndlr) le caveau où l’attendent Paulette, sa mère, Evelyne, sa sœur, Monny de Boully, et Felix, son infortuné petit garçon, repose, quelques moments, dans cette cour carrée des Invalides », a-t-il estimé.

« Merci à ce juste qui a brisé l’enchainement des morts et libéré tant de paroles », « la France lui devait cela. Salut Claude », a-t-il conclu.

Bernard-Henri Lévy à l’hommage national rendu à Claude Lanzmann, le 12 juillet 2018 aux Invalides (Crédit : capture d’écran Facebook)

Ancien président du Comité consultatif national d’éthique, Didier Sicard a lui aussi pris la parole pour évoquer un « passeur du temps futur » à propos de son ami disparu.

Après cet hommage, il devait être inhumé dans le caveau familial au cimetière du Montparnasse, non loin de Simone de Beauvoir, avec qui il partagea une partie de sa vie.

Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Claude Lanzmann visitent les pyramides d’Egypte, en mars 1967. (Crédit : AFP)

Le grand rabbin de France Haïm Korsia dirigera la cérémonie religieuse de celui qui était attaché à sa judéité sans pour autant être pratiquant.

Son dernier film, « Les quatre sœurs », est sorti en salles mercredi. Il s’agit d’un nouvel éclairage sur l’extermination des juifs par les nazis avec les trésors amassés lors du tournage de « Shoah ».

De nombreux rushes conservés au mémorial de la Shoah à Washington restent à la disposition des chercheurs, selon sa veuve Dominique.

« Vous avez fait exister ceux qui ne sont plus » : le Premier ministre français Edouard Philippe a salué aussi la mémoire de Claude Lanzmann.

« Il fallait un artiste pour faire l’histoire. (…) pour la dire, la montrer, la nommer, pour nous la faire toucher du doigt. Surtout celle-là. La plus sombre qui fût (…) Il fallait nous en faire toucher la noirceur. De génération en génération », a poursuivi Edouard Philippe, lors de cet hommage national dans la cour d’honneur de l’hôtel militaire des Invalides à Paris.

« Les chemins de la liberté, vous en vivez les embuscades, les ornières avec vos camarades, exposés aux mortiers allemands ou surpris, dans les montagnes, par des miliciens. Sous vos faux noms, vous vivez déjà plusieurs vies », a-t-il ajouté, rappelant son passé de résistant en 1943 à Clermont-Ferrand.

Puis, « c’est le temps des rencontres qui orientent un destin. Beau et chanceux comme le Solal d’Albert Cohen, dont vous serez un grand lecteur puis un ami, vous vivez cent vies. Vous fréquentez Eluard, Ponge, et surtout Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir », « la femme à la beauté grave, intimidante, que vous invitez un soir au cinéma ».

« Penseur engagé », « l’Histoire ne vous laisse jamais indifférent. Elle ne vous laisse jamais en paix », a-t-il poursuivi.

Avec « le voyage en Israël, ce pays qui vous est ‘d’emblée étranger et fraternel’ (…) vous avez découvert un peuple, le peuple juif, et vous ne le renierez plus ».

« Vous lui bâtirez un monument. Un monument de larmes et de vérité. Un monument de stupeur qui obligera l’Humanité à regarder ses crimes et à en supporter le poids », a-t-il ajouté pour décrire Shoah, le grand documentaire sur l’extermination des Juifs d’Europe par les nazis.

« Les regards que vous filmez dans Shoah appartiennent à tous. Votre regard n’a jamais cillé. Il regardait droit, il regardait fixe pour nous forcer à voir », a salué le ministre.

« En ce jour, Claude Lanzmann, vous n’êtes pas seul : nous sommes tous avec vous ; ces morts sont tous avec vous. Ils vous maintiendront vivant à jamais », at-il estimé.

« Et dans l’Histoire, il est des hommes qui restent pour ce qu’ils laissent, pour l’oeuvre qu’ils ont donné au monde et à l’Humanité », a-t-il conclu.

Édouard Philippe à l’hommage national rendu à Claude Lanzmann, le 12 juillet 2018 aux Invalides (Crédit : capture d’écran Facebook)

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